Maternité: 4 femmes brisent le tabou sur le fait de ne pas vouloir d’enfant
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Maternité: 4 femmes brisent le tabou sur le fait de ne pas vouloir d’enfant

Par Lucie Delplanque
Temps de lecture: 6 min

28 ans, c'est l'âge moyen auquel les femmes belges ont leur premier enfant. Si vous approchez de cet âge et que vous êtes en couple, vous avez certainement déjà dû répondre à cette fameuse question:"Et vous, le bébé, c'est pour quand?". Indiscrète, même gênante parfois, elle reflète une certaine pression sociale. Et pourtant… Non, toutes les femmes ne veulent pas être mères.

Tu changeras d’avis rapidement; toutes tes amies en ont; c’est normal d’avoir des enfants et de fonder une famille… Stop.
Jusqu’à présent, la volonté de ne pas avoir d’enfant était un sujet tabou. Les femmes n’osaient pas l’avouer de peur d’être jugées et elles avaient raison. Aujourd’hui, le tabou se lève peu à peu mais le jugement, lui, reste omniprésent. Nous avons choisi de donner la parole à ces femmes qui assument de ne pas vouloir donner la vie.

 

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Laetitia: « Il n’y aura personne pour s’occuper de toi quand tu seras vieille »

À 33 ans, Laetitia n’a pas d’enfant, par choix. Depuis toujours, elle n’a jamais ressenti l’envie d’être mère. Pourtant, cette question fatidique, elle l’a souvent entendue. Pour elle, l’âge n’a pas d’importance « à partir du moment où on est capable de prendre ses responsabilités. » Le jugement est quelque chose avec lequel il faut apprendre à vivre. Il vient souvent de l’extérieur, car Laetitia a de la chance: sa famille et ses ami.e.s proches acceptent et comprennent son choix.

C’est un peu comme si je n’étais pas totalement une femme parce que je n’ai pas d’enfants.

Ce qui la touche particulièrement, c’est de devoir justifier ce choix auprès des autres. Pour elle, c’est un droit de ne pas en vouloir, au même titre d’en désirer. Laetitia est bien consciente que la société pousse les femmes à la maternité. Depuis toujours, la femme est mise au centre du foyer. Et pour qu’il soit heureux, il faut qu’il y fasse bon vivre, qu’il soit bien tenu et qu’il y ait des enfants. Le rôle de la femme, c’était d’avoir des enfants et de les élever… Mais ce temps est révolu pour Laetitia et elle l’avoue, pour les autres, « C’est un peu comme si je n’étais pas totalement une femme parce que je n’ai pas d’enfants« 

 

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Beaucoup de femmes justifient leur choix par la conjoncture actuelle: le terrorisme, la pauvreté, la violence. Mais pour Laetitia, c’est différent. « À toute époque, on aurait pu trouver des raisons pour ne pas avoir d’enfants. En ce qui me concerne il n’y a pas vraiment d’éléments extérieurs qui ont pu m’influencer. Je ne me suis jamais vue mère, ce n’est pas moi. » Elle revient aussi rapidement sur le fait que, non, ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on adore forcément les bambins. Donner la vie est une responsabilité qui dure dans le temps. Et à ce sujet, Laetitia entend souvent la même remarque: « Il n’y aura personne pour s’occuper de toi quand tu seras vieille » Comme si cela pouvait réellement être une motivation…

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Camille: « Nous avons toutes des buts et attentes différentes »

Se poser la question sur le sujet, Camille l’a fait très tôt. À 22 ans, elle affirme ne pas vouloir donner la vie. Un choix que certains ont souvent du mal à comprendre, dû à son jeune âge.

Une longue relation et une rupture compliquée sont les choses qui ont poussé Camille à se poser des questions sur la maternité. « J’ai compris que je voulais un enfant, seulement parce que c’était le seul moyen de garder mon compagnon » Avec du recul, elle juge que ce choix était égoïste. Un enfant, c’est un petit coeur qui bat et une sacré responsabilité. Pour elle, s’il n’est pas réellement désiré par les deux, ce n’est pas une bonne idée.

Oui, la nature nous a donné le don de procréer… mais personne ne doit se sentir obligé.

Pour Camille, beaucoup de gens oublient ce que signifie réellement fonder une famille. « Il ne faut pas forcément d’enfant pour être une famille. Être avec son compagnon, c’est déjà se créer une famille. Oui, la nature nous a donné le don de procréer… mais personne ne doit se sentir obligé. » Il s’agit ici d’un choix, et chacun peut avoir des attentes et des buts différents. Certain.e.s considèrent ce choix comme étant égoïste, ce à quoi Camille répond: « Je trouve ça encore plus égoïste de ne pas bien réfléchir avant d’avoir un enfant. Si on est pas prête à lui donner tout ce qu’il a besoin, l’enfant sera malheureux et nous aussi…« 

 

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La société, c’est quelque chose qui influence énormément Camille. Le coût de la vie, la violence, le fait que tout devient très facilement compliqué… Pour être mère, elle ne pense pas qu’il y a un âge ou un moment propice. Elle songe à une situation plus idéale qu’une autre; même si personne ne doit se sentir forcer à un moment ou un autre. La société évolue sur de nombreux sujets mais ce tabou lié à la maternité, lui, reste presque inchangé. « Ce qui est frustrant, c’est que les gens me disent que c’est normal d’avoir des enfants… Mais pourquoi? Qu’est ce que la norme? Il est réellement temps que les mentalités évoluent parce que sinon, beaucoup d’enfants non désirés réellement vont naître et beaucoup finiront par être malheureux. Ce n’est pas ce que je veux.« 

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Fanny: « Je trouve ça plus égoïste d’avoir un enfant non désiré »

Fanny, 25 ans, a été enseignante durant plusieurs années. Avant de se réorienter professionnellement, elle s’est rendue compte qu’elle n’avait aucuns atomes crochus avec les enfants. C’est également à cette période qu’elle a fait le choix de ne pas en avoir.

Quand Fanny en parle autour d’elle, les gens ne se gênent jamais pour donner leur avis. « J’ai eu droit au célèbre « Tu es égoïste » alors que je trouve plus égoïste de faire un enfant en sachant très bien qu’il n’est pas désiré » On lui a aussi souvent répété qu’avec ses propres enfants, la situation sera différente. Elle acceptera et supportera plus de choses… Mais pour Fanny, le choix est fait. Ce qui l’énerve, c’est quand on lui avance qu’elle dit ça uniquement parce qu’elle n’est pas encore tombée sur la bonne personne.

Les gens estiment qu’avoir des enfants c’est un aboutissement dans la vie, mais tout le monde ne pense pas pareil.

Pour écourter les discussions sans fin sur le sujet, Fanny a tendance à répondre « oui sans doute que je changerais d’avis » en sachant très bien que ce n’est pas le cas. Incroyable de devoir se justifier pour un choix si important qui n’est, au final, rien d’autre qu’un droit. Beaucoup de personnes ne comprennent pas ce choix car elles estiment qu’avoir des enfants est un aboutissement dans la vie… Tout le monde ne pense pas pareil, « nous n’avons pas tous la même vision des choses« 

 

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Fanny a parfois le sentiment de vivre encore dans une époque où « toutes les femmes devaient avoir des enfants parce que c’était leur rôle. » Elle le souligne comme d’autres témoins: la société a évolué mais certains clichés restent trop présents. « J’ai pas cette sensation d’avoir une fibre maternelle. Je suis gauche avec les enfants. » Elle ajoute rapidement que « inconsciemment, le fait que la vie devient de plus en plus chère a certainement eu un impact dans ce choix » Parce que Fanny le sait: avoir un enfant, c’est un fameux budget et une fameuse décision.

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Annick: « Ce n’est pas parce qu’on est une femme, qu’on doit absolument devenir mère »

Annick vient d’avoir 57 ans et dans sa vie, pas d’enfants. Comme elle le dit, « j’ai choisi le droit de ne pas en avoir. »  Aujourd’hui, elle ne regrette pas ce choix.

Quand Annick parle de sa vie, pas d’enfants dans la discussion. Avec son compagnon, ils se sont installés dans un certain confort: des voyages, un bel endroit de vie, beaucoup d’activités. « Quand on s’est rencontré, nous n’avons pas abordé le sujet. Nous avons laissé la vie être ce qu’elle était. » Elle ne regrette pas ce choix: « J’ai des nièces et des neveux, donc tous les avantages des enfants. Ça nous a suffit« 

Certaines personnes sont allées jusqu’à demander à mes amies

Au départ, les gens ont posé des questions. « Alors, c’est pour quand?« , ce à quoi elle répondait très franchement. Annick n’est pas quelqu’un de conventionnel à la base; pour elle, pas de justification nécessaire. « Ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on doit absolument devenir mère. Pourtant, certaines personnes sont insistantes et certaines sont allées jusqu’à demander à mes amies si je n’en voulais pas ou si je ne pouvais pas en avoir. »

 

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« Quand je vois la société, je plains nos jeunes. »  Une société de plus en plus chère, de plus en plus violente… Et puis, pour elle, faire un enfant c’est aussi un acte égoïste en soi. Sur une note d’humour, Annick termine en disant « le seul regret que je pourrais avoir c’est de savoir quel visage ils auraient eu! » 

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Tags: Choix, Couple, Enfant, Envie, Famille, Maternité, Mère, Société.