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À l’aune des protestations engagées après le meurtre du noir-Américain George Floyd aux États-Unis depuis le 25 mai, les discriminations raciales, et le racisme systémique, sont revenus au centre du débat public dans le monde entier.
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Cette sensibilisation accrue est puisée dans l’actualité, mais ces dernières années, une nouvelle génération, notamment d’Afro-descendants, s’est emparée du sujet, pour l’illustrer, le comprendre, et le dénoncer. De nombreux films et séries dressent le portrait d’un racisme latent, inhérent à la société, et qui serait présent au sein de toutes les institutions et législations. Voici une sélection non-exhaustive de onze films, documentaires et séries récents abordant le racisme systémique.
« Dans Leur Regard » : la mini-série difficile à regarder, mais nécessaire
Sortie il y a un an, la mini-série Dans Leur Regard (When They Us de son nom original) est difficile à regarder, car très violente. Elle revient sur l’histoire vraie des Central Park Five, survenue dans les années 1980.
C’était le surnom donné à cinq jeunes noirs-Américains, mineurs, avaient été inculpés pour le viol d’une joggeuse à Central Park, les blessures graves qui lui avaient été infligées, et l’agression de huit autres personnes. Face à l’importante médiatisation du procès, ils sont choisis un peu au hasard et arrêtés à cause de leur couleur de peau.
Tous innocents, ils passent des années en prison à être maltraités et violemment réprimés pour un crime qu’ils n’ont pas commis. Ce n’est que treize ans plus tard que le véritable coupable avoue, et que les Central Park Five sont reconnus innocents, et graciés.
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Entre témoignages mensongers forcés par la police, conditions inhumaines et violences subies dans les prisons, les adolescents sont déshumanisés et privés de leurs droits les plus standards.
La mini-série, réalisée par Ava DuVernay, réalisatrice engagée dans ses productions contre le racisme systémique aux États-Unis, est une illustration des violences policières racistes et du traitement beaucoup plus dur souvent réservé aux personnes non-blanches par la justice, basé sur des préjugés.
Les cinq personnes incriminés par l’affaire dans la vraie vie ont assisté Ava DuVernay dans la création de la série, pour permettre de retracer au mieux leurs récits.
Dans Leur Regard (2019), mini-série de quatre épisodes, disponible sur Netflix.
« The Hate U Give » : quand un meurtre commis par un policier, renverse la société américaine
Inspiré de l’acronyme THUG du rappeur Tupac, signifiant plus ou moins « la haine qu’on donne aux enfants cause à tous », The Hate U Give est l’histoire de Starr Carter. La jeune fille de 16 ans vit dans un quartier résidentiel américain essentiellement peuplé par des personnes racisées, mais fréquente un lycée privé, ne contenant lui quasiment que des personnes blanches.
Essayant de renier sa culture afro-américaine pour s’intégrer parmi les jeunes privilégiés de son école, elle assiste à la mort de son meilleur ami d’enfance, Khalil. Celui-ci se fait tuer de sang froid par un policier, qui sans y réfléchir à deux fois, lui tire dessus en confondant sa brosse à cheveux pour une arme.
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Cet événement bouleverse Starr, si bien qu’elle décide, contre l’avis de ses parents qui préfèreraient qu’elle ne dise rien pour ne pas prendre de risques, de lancer des manifestations pour dénoncer les violences policières racistes, et de se battre pour que la mort de son ami soit reconnue comme un meurtrepar la justice.
Roman à succès devenu un film en 2019, avec Amandla Stenberg, elle-même activiste anti-racisme, dans le rôle principal, The Hate U Give utilise le prisme adolescent pour illustrer les combats menés par les jeunes noir-Américains depuis le début des années 2010, promouvant l’intersectionalité et vivant dans la peur de la police. Le film montre aussi comment le smartphone est devenu un outil de protestation déterminant.
The Hate U Give (2018), 2h23, disponible sur MyCANAL.
« I Am Not Your Negro » : le documentaire inspiré d’un récit inachevé de James Baldwin
Nommé aux Oscars en 2017 pour le prix du Meilleur documentaire, I Am Not Your Negro retrace la lutte pour les droits civiques des Afro-Américains dans les années 1960-1970. À partir d’un texte de James Baldwin rédigé au moment des assassinats de Malcom X, Medgar Evers et Martin Luther King notamment, il retrace les observations personnelles de l’écrivain sur l’histoire des États-Unis et comment les noirs y sont défavorisés. C’est l’acteur Samuel L. Jackson qui fait la narration du script inachevé de Baldwin, intitulé Remember This House.
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Y sont racontés quelques bribes de souvenirs de James Baldwin auprès de grands activistes Afro-Américians, mais aussi, comment s’est organisé le mouvement pour les droits civiques des personnes noires aux États-Unis. L’arrivée et la perpétuation du racisme en est une thématique récurrente.
I Am Not Your Negro (2016), 1h33, disponible sur Netflix.
« Ouvrir La Voix » : mettre en lumière les récits des femmes noires, doublement discriminées
Documentaire sur les femmes noires issues de l’histoire coloniale européenne en Afrique et aux Antilles, Ouvrir la Voix est l’oeuvre d’Amandine Gay, documentariste française. Elle y montre des récits divers de femmes noires, et démonte les clichés spécifiques à cette identité. Le message est clair : toutes les femmes noires sont différentes.
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Le documentaire affirme la nécessité pour ces femmes, doublement marginalisées en société, de se réapproprier la narration de leur histoire, en la racontant elles-mêmes. Nécessité, aussi, de pointer du doigt les discriminations quotidiennes qu’elles subissent, et d’illustrer les intersections dans cette lutte entre le racisme et le sexisme.
Pas à pas, le documentaire montre comment le monde post-colonial continue de systématiquement discriminer les femmes noires, dans la vie de tous les jours.
Ouvrir la Voix (2018), 1h49, disponible sur Arte.
« Dear White People » : la série qui dénonce le privilège blanc
La série de Justin Simien, tiré d’un film éponyme à succès sorti en 2014, débute lorsque des étudiants blancs d’une université américaine d’Ivy League décident, arborant un Blackface, de protester contre la radio « Chers Amis Blancs », qui a pour but de dénoncer les comportements racistes.
Plaçant les femmes noires au centre de l’intrigue, Dear White People montre des personnages racisés complexes, et dépeint leur quotidien avec un oeil singulier et engagé. Les épisodes mettent en lumière chaque personnage indépendamment, chacun avec ses propres problématiques.
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L’un des épisodes de la première saison est réalisé par l’illustre réalisateur Barry Jenkins en personne, Oscarisé pour Moonlight, un film qui raconte les difficultés éprouvées par un homosexuel afro-descendant.
Révolutionnaire, la radio, élément phare de la série, conte des récits d’intersectionalité, de compétition entre deux personnes afro-américaines, de sexualité… Les femmes noires présentées ne cherchent pas tant l’amour ou la gloire, mais simplement à contester, puis renverser le système raciste entretenue par leur université.
Dear White People (2017), 3 saisons, disponible sur Netflix.
« Get Out » : un film d’horreur basé sur le racisme
Get Out, réalisé par Jordan Peele, récompensé de l’Oscar du Meilleur scénario pour ce film, interroge le racisme systémique à travers l’horreur. Un noir-Américain du nom de Chris y rend visite aux parents de sa petite-amie blanche, un neurochirurgien et une psychiatre bourgeois et se vantant d’être anti-racistes.
Alors que tout a l’air de bien se passer, et que sa couleur de peau ne semble pas poser problème au sein de cette famille blanche, Chris finit par s’interroger sur leur « bienveillance » gênante et problématique envers les personnes noires, qui frôle la fascination perverse. Le film est terrifiant et suffoquant, et tient en haleine jusqu’à la dernière minute.
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Avec Get Out, Jordan Peele ne fait pas que relater la complexité sous-jacente que peuvent parfois connaître les relations entre les personnes racisées et non-racisées, il parle aussi des relations dites « interraciales » et de l’ambiguïté qui les entoure.
À travers l’horreur, il file une métaphore politique de la société américaine marquée par un racisme latent, et l’appropriation culturelle envers les Afro-descendants. Il pointe du doigt la manière dont le racisme s’est mué depuis le début des années 2000 en quelque chose de plus naïf, de plus dissimulé, mais pourtant toujours autant discriminant et prégnant. Le réalisateur fait le portrait d’une société qui, après avoir rejeté les personnes racisées, les convoiterait dans son propre intérêt, leur vouant une attention malsaine et intéressée. Ou comment les personnes privilégiés s’approprieraient de plus en plus les codes, qu’ils ont pourtant longtemps décriés, des personnes non-blanches.
Get Out (2017), 1h44, disponible sur Netflix.
« Insecure » : la série sur les aléas de deux meilleures amies noires à Los Angeles
C’est à Issa Rae, star désormais très influente sur les questions raciales et leurs représentations culturelles, qu’on doit Insecure, la série-bijou sur le dating 2.0. Actrice, scénariste et réalisatrice, l’Américaine découverte à 27 ans, propose et incarne le personnage principal : une jeune femme afro-américaine complexe et maladroite, aimant le hip-hop et le rap. Indécise, Issa rencontre les mêmes galères et interrogations professionnelles et personnelles que n’importe quelle femme de son âge, mais doit, en plus, faire face à un racisme qui ne dit pas toujours son nom.
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Avec ses amies, elle partage ses aventures professionnelles et personnelles, et leur amitié fluctue en fonction de leurs désaccords, comme dans d’autres séries basées sur un groupe d’amies. Mais au-delà de cela, Insecure représente avec humour et bonne humeur la diversité des femmes noires, tout en étant capable de mettre en scène de vraies discussions sur les discriminations raciales.
Les problématiques sont propres aux personnes racisées et les présentent sous un nouvel angle, loin de la version aseptisée et stéréotypée dont abusent certaines autres séries américaines.
La série est aussi une ode à la ville de Los Angeles, et à la culture diversifiée de sa communauté noire. En cela, l’excellente bande-son, sur laquelle Solange Knowles est consultante, rien que ça, met en lumière de nombreux artistes noirs-américains souvent méconnus, et parmi eux, beaucoup de femmes. Un point d’honneur pour Issa Rae, par ailleurs à la tête d’un label de musique, chez Atlantic Records.
Insecure (2016), quatre saisons, disponible sur OCS.
« Little Fires Everywhere » : les inégalités entre mères racisées et blanches
Sortie en mars et adaptée du best-seller de Celeste Ng, la série Little Fires Everywhere est l’un des programmes les plus récents pour réfléchir au caractère systématique du racisme dans la société. On y suit principalement deux mères, Elena (Reese Witherspoon), blanche et riche, et Mia (Kerry Washington), en difficultés, et noire. Celles-ci s’affrontent sur beaucoup de points et offrent deux visions différentes de concevoir la maternité, la seconde faisant prendre conscience à l’autre des privilèges liés à sa couleur de peau.
La série propose une réflexion sur le racisme ordinaire et sa place dans le rapport à la maternité, à travers le personnage d’Elena, qui tente de bien faire auprès de Mia, qui travaille pour elle, mais dont l’apparente bienveillance est pétrie de préjugés racistes.
Au fil des épisodes, sont abordées plusieurs thématiques propres aux inégalités raciales et aux privilèges de classe : doit-on accepter le racisme parfois intégré des personnes blanches pour s’intégrer ? À partir de quel moment est-il est nécessaire de dire « non » ? À partir de quand apparaît le racisme ?
Profondément féministe et anti-raciste, Little Fires Everywhere explique et décrit, plus qu’elle ne dénonce. Mais dans ses portraits de femmes diversifiées, elle parvient à faire réaliser l’importance de l’intersectionalité, l’existence de différents parcours intimes, et la manière dont ils sont influencés par le fait qu’on appartienne aux privilégiés, ou non.
Little Fires Everywhere (2020), 8 épisodes, disponible sur Prime Video.
« Watchmen » : le racisme est un combat
Watchmen est une série tirée de l’univers DC Comics. Elle place une super-héroïne noire au centre de l’intrigue, et le racisme au coeur de tous ses débats. Relecture totale de l’univers de la bande-dessinée éponyme, elle montre le quotidien atypique d’Angelina Abar, interprétée par Regina King. Celle-ci lutte en secret contre la 7e Kavalerie, une organisation héritière du Ku Klux Klan, groupuscule raciste meurtrier, prônant la suprématie blanche.
Opposant racistes et anti-racistes, Damon Lindelof, son réalisateur, bouleverse l’histoire originale et fait de la haine raciale un combat qui nécessite l’union de tous, à l’image d’une guerre mondiale.
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Parfois difficile à suivre dans ses aspects métaphysiques et allers-retours entre différents mondes et époques, la série n’en demeure pas moins chargée de réflexions sur le racisme systémique. L’épisode 6 notamment, souvent acclamé, martèle l’histoire et la mémoire du racisme aux États-Unis. Entre optimisme et cynisme, avec une mise en scène brillante, il dénonce le racisme systémique de la société et du pouvoir américain, sur plusieurs générations.
Watchmen (2019), neuf épisodes, disponible sur OCS.
« The 13th » : la réalité derrière le 13e amendement américain
Ce documentaire sorti en 2016 et réalisé par Ava DuVernay fait le bilan de l’incarcération de masse aux États-Unis. Il montre que dans le système carcéral américain, comme ailleurs, les personnes racisées sont surreprésentées. Référence au 13e amendement censé abolir l’esclavage, le titre de ce documentaire choc sous-entend que les Afro-Américains seraient encore esclaves, cette fois du corps judiciaire du pays.
À l’aide de statistiques, et en images, la réalisatrice démontre que les personnes racisées aux États-Unis ont été criminalisées. Elle dresse également le portrait de centres pénitenciers américains, où certaines entreprises ont intérêt à l’incarcération massive des individus afro-américains.
The 13th a été nommé parmi les meilleurs documentaires de l’année 2017 à la 89e cérémonie des Oscars.
The 13th (2016), 1h40, disponible sur Netflix.
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