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Pour de nombreuses femmes, arrêter la pilule est bien plus qu’un enjeu gynécologique. Pour Mélodie, devoir y penser tous les jours, c’était impossible. “Je n’en pouvais plus de l’alarme de rappel tous les soirs. En un mois, j’ai eu deux oublis. J’ai pris ça comme le signal qu’il fallait que je l’arrête”.
“Pourquoi ce serait toujours à nous, les femmes, de gérer la contraception dans le couple ?”, s’indigne quant à elle Léa, qui a arrêté la pilule très récemment, presque par militantisme.
Qu’il soit question pour elles de faire diminuer leur charge contraceptive, de ne plus subir ses effets secondaires, de retrouver de “vraies règles” ou de se réapproprier leur sexualité, de plus en plus de femmes disent au revoir à la pilule. Selon une étude menée par Solidaris, le nombre de femmes prenant ce mode de contraception entre 2010 et 2017 a fortement diminué. “Notons que ¾ des femmes qui disent utiliser un contraceptif entre 14 et 20 ans utilisent la pilule alors qu’après 40 ans, le stérilet (41%) dépasse cette dernière (39%) comme premier moyen de contraception” précise l’enquête.
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Ce contraceptif agissant sur les hormones, les changements occasionnés sur le corps sont nombreux, mais pas nécessairement mal vécus par toutes les femmes qui décident de prendre la pilule tous les jours.
Pour savoir ce que peut causer un arrêt soudain de la pilule sur le corps, il faut déjà comprendre comment la pilule oestroprogestative agit sur l’organisme.
Afin d’empêcher la grossesse, ce mode de contraception a trois angles d’attaque : bloquer l’ovulation, modifier la glaire pour empêcher les spermatozoïdes de franchir le col de l’utérus, mais aussi modifier l’endomètre (muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus) de façon à ce qu’il ne puisse pas accueillir un éventuel œuf. Pour ce faire, les œstrogènes et la progestérone de synthèse vont se substituer aux hormones naturelles dans le sang.
De telles opérations hormonales entraînent forcément des modifications sur l’organisme. C’est d’ailleurs ce qui poussent de plus en plus de femmes à s’en détacher, soucieuses des effets à long terme de cette prise d’hormones sur leur corps. Selon un sondage Ifop pour Ilicomed de 2018, 41% des femmes envisageaient d’arrêter la pilule, au regard de certains effets secondaires médiatisés à l’époque.
Parmi les effets secondaires les plus fréquents, de nombreuses femmes témoignent d’une prise de poids, de douleurs mammaires, de sécheresse vaginale, d’une baisse de libido, de spottings au milieu du cycle (perte de sang, ndlr), de changements importants d’humeur ou de nausées. Sans compter les risques potentiels et plus graves telles que l’embolie pulmonaire, la thrombose veineuse, l’accident vasculaire cérébral (AVC) ou l’infarctus du myocarde.
En arrêtant la pilule subitement, on pourrait s’imaginer que le corps nécessite un temps pour traiter l’information. Pour Odile Bagot, gynécologue médical et obstétrique, c’est tout le contraire. “La durée de l’efficacité de la pilule est très courte. La preuve : lorsqu’on l’oublie une fois, c’est déjà très risqué”.
D’après elle, une femme qui arrête sa pilule un beau matin peut retrouver un cycle normal immédiatement. “Lorsqu’on prive l’utérus d’œstrogènes et de progestérone, il saigne. Généralement, les règles reviennent dans les premiers jours suivant l’arrêt de sa plaquette”, détaille la gynécologue.
Dans certains cas, lorsque les cycles d’une femme ne sont pas réguliers à l’origine, il est possible qu’une aménorrhée “de plusieurs mois” soit observée.
Après avoir retrouvé de “vraies” règles, la femme ovule normalement. Le cycle se remet en route, et toutes ses caractéristiques gynécologiques d’avant pilule avec.
Retour de libido et baisse de la rétention d’eau
Arrêter la pilule, c’est retrouver sa physiologie d’antan. “C’est comme un retour à la case départ”, confirme le Dr Odile Bagot. Les hormones artificielles s’étant éliminées très rapidement après l’interruption de la plaquette, les femmes retrouvent leurs réflexes d’avant pilule presque immédiatement.
Pour certaines, c’est notamment le retour du désir sexuel. Le contraceptif ayant la capacité de baisser le taux d’androgènes, lorsqu’on l’on cesse de le prendre, la libido peut à nouveau remonter en flèche.
Même principe pour ce qui est de la rétention d’eau : un arrêt de la pilule peut aussi entraîner une perte de poids minime.
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De manière générale, pour certaines femmes qui vivent mal les effets secondaires de la pilule, un sentiment de mieux-être peut apparaître. “Certaines femmes se sentent mieux avec un cycle naturel”, argue la gynécologue.
C’est le cas pour Mélodie, que l’on citait plus haut. Sous pilule, elle affirme qu’elle ne se sentait plus elle-même. “J’avais des changements d’humeur et plus de libido, j’avais l’impression d’être gonflée et tout le temps fatiguée. Depuis que j’ai arrêté, je me sens mieux sur tous ces aspects”.
Les effets indésirables liés à l’arrêt de la pilule
Ovulation douloureuse, peau plus grasse, migraine… La chute d’hormones liée à l’arrêt de la pilule entraîne aussi son lot d’effets indésirables. Et ceux-ci peuvent durer plusieurs mois.
Claire a arrêté la pilule l’an dernier pour enfin connaître son corps “sans hormones de synthèse”. Mais il y a deux mois, elle a finalement recommencé une plaquette, par dépit. “J’ai découvert que j’avais de l’acné qui était sûrement cachée par ces six ans de pilule. La reprendre n’est sûrement pas la meilleure solution, mais j’attends de trouver quelque chose de plus adapté ».
Pour Odile Bagot, il serait injustifié d’imputer à l’arrêt de la pilule le développement soudain de ce type de troubles. “Les femmes doivent savoir que si avant la pilule, elles avaient de l’acné, alors elles en auront à nouveau post-pilule. Si elles avaient des règles abondantes et irrégulières ou un syndrome prémenstruel compliqué, ça reviendra aussi”.
La chute d’hormones impliquée par l’arrêt de la pilule peut aussi avoir des effets sur la fertilité. Lorsque les ovaires ne sécrètent plus ou pas assez de progestérone, l’ovulation est troublée, explique le Dr Denise Cazivassilio pour Docteurclic. Cette insuffisance lutéale peut à terme se manifester par « des fausses couches à répétition », et même « aboutir à une stérilité ».
“Le temps nécessaire pour avoir des cycles menstruels réguliers après l’arrêt de la pilule peut aller jusqu’à 9 mois”, détaille le Dr Petra Frank-Herrmann, médecin-chef au Département d’endocrinologie gynécologique et des troubles de la fertilité à l’Hôpital universitaire pour femmes de Heidelberg, citée par Cyclotest, qui commercialise des dispositifs de suivi de cycle par la température.
Une plus forte exposition aux maladies gynécologiques ?
Le Dr Odile Bagot déplore toutefois une augmentation des consultations liées à des pathologies d’ordre gynécologiques « depuis que ce mouvement anti-pilule existe ».
En effet, la prise de ce contraceptif aurait des effets protecteurs contre certaines maladies. Une étude publiée en 2017 dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecology affirme que les femmes ayant déjà pris la pilule « ont un risque moins élevé que les autres de développer un cancer colorectal, de l’endomètre ou de l’ovaire« .
Son arrêt pourrait même être déconseillé pour des femmes ayant des prédispositions aux pathologies gynécologiques. Selon une étude publiée en 2010 dans PubMed, l’effet “protecteur” de la prise de la pilule contre l’endométriose disparaît chez les femmes qui arrêtent la contraception.
“L’arrêt de la contraception hormonale a été suivi par une exacerbation des symptômes douloureux et une accélération de la croissance des lésions”, explique le Pr Roman pour EndoFrance.
Cet article est paru pour la première fois sur Marie Claire France.
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