Mystère et boule d’orgasme : la page Instagram qui parle de sexualité
© Aïcha Abbadi

Mystère et boule d’orgasme : la page Instagram qui parle de sexualité

Par Irène Sulmont
Temps de lecture: 4 min

Dans une société où sexualité et plaisir sont encore des sujets tabous, la page @mysteretbouledorgasme lancée en 2019 par Aïcha Abbadi propose un espace safe pour informer et discuter de ces thématiques. Aujourd'hui, son compte est suivi par plus de 27 000 abonnés. Rencontre avec une jeune femme soucieuse d'éduquer aux joies de la sexualité et de l'orgasme féminin.

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Entretien avec Aïcha Abbadi

Quel est ton parcours ?

D’origine marocaine, je suis arrivée en France à l’âge de dix-huit ans pour faire mes études en cinéma audiovisuel et réalisation. En parallèle de mes études, j’ai décidé de réaliser un documentaire qui s’appelle Mystère et boule d’orgasme (2020) sur le sujet de l’orgasme et du plaisir féminin. Et à côté de ce projet, j’ai lancé une page Instagram.

 

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En quoi consiste ta page Instagram ?

Je voulais m’exprimer sur le sujet du plaisir féminin parce qu’il m’inspire beaucoup. J’ai vite réalisé que le problème principal, dans notre méconnaissance sur le sujet est la conséquence d’un manque d’informations, par exemple, l’anatomie. Aussi, il y a une forte pression sociale. Je voulais partager, partager, partager de l’information… Au fur et à mesure, la page est devenue une plateforme d’échanges, de débats sur des sujets qui touchent à la sexualité, féminine ou masculine. Au départ, je me focalisais sur le plaisir féminin mais au fil du temps, j’ai commencé à aborder la sexualité dans sa globalité.

Ma page est vite devenue une plateforme d’échanges et de débats sur des sujets qui touchent à la sexualité.

 

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Quelles sont tes sources d’information ?

C’est varié, ça peut-être léger ou informatif ! Quand c’est des sujets sérieux comme le consentement ou encore l’anatomie, je fais des recherches et je mets en parallèle des documentations. Parfois, j’établis des synthèses à partir de témoignages que je reçois ou de sondages que je fais, ce qui me permet d’avoir une idée globale. Même si j’ai conscience que ma communauté est un microcosme…

Aujourd’hui encore, le plaisir féminin est trop peu connu selon toi ?

Totalement ! Certes, on en parle de plus en plus mais il faut réfléchir aux catégories sociales qui y accèdent. Par exemple, certaines personnes ont la chance d’avoir accès aux réseaux sociaux et à ce type de source d’informations. En général, tant que l’éducation nationale, voire internationale, ne fera pas d’efforts relatifs à ce sujet, on sera toujours en manque. Je considère que ce sont les personnes intéressées ou un peu sensibilisées sur le sujet qui me suivent, et qui ont accès aux informations que je partage. Malheureusement, j’ai conscience que je ne touche qu’une minorité de la population.

Tant que l’éducation nationale, voire internationale, ne fera pas d’efforts relatifs à l’éducation sexuelle, on sera toujours désinformé.es sur ce sujet !

 

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Quels sont les retours de tes abonnés ?

Il y a énormément de personnes qui me disent que grâce à cette page, elles ont réussi à passer des étapes dans leur sexualité, ou à se décomplexer de certaines choses… On a tellement de complexes par rapport au sexe ou à la sexualité, qu’il est difficile de s’en libérer. Ça me fait plaisir d’entendre qu’ils/elles parlent plus facilement à leur partenaire, de certains problèmes qu’ils rencontrent dans l’intimité… J’ai aussi des retours sur le côté plutôt « informatif » : certaines personnes me disent « Je n’avais jamais imaginé que c’était possible ! Maintenant que j’ai essayé, je réalise… et c’est génial ! ». Ça aussi j’adore, ça me donne de la force ! Je donne mais je reçois en retour. Ça me permet de continuer !

Tu penses que les complexes sont plus présents chez les femmes ?

Je ne sais pas. D’un côté, on peut penser que les femmes sont plus victimes de complexes car elles subissent le machisme, les pressions sociales et les injonctions liées à l’apparence. D’un autre côté, le patriarcat et le machisme pèsent aussi lourds sur les hommes. Les hommes ne l’expriment pas autant. La pression de la virilité fait que les hommes ne doivent pas exprimer leurs peurs, leurs complexes… J’ai l’impression que l’ensemble des genres sont touchés par la pression. C’est elle qui est responsable des complexes. Ça doit être difficile de répondre aux critères…

Quelles sont les conclusions que tu peux tirer à propos du plaisir féminin ?

Pour conclure, je pense que le sujet de l’orgasme féminin est beau. Il y a quelques années, on en parlait pas assez. Je voulais à travers un projet montrer les différentes réalités des plaisirs, qui varient selon les personnes. Ça me tient à coeur parce que je suis une femme et j’aime le plaisir.

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Répandre le plaisir, pour une société satisfaite sexuellement !

« Je veux que les femmes détiennent toutes les clefs en mains pour jouir ! » conclut-elle. Dans les couples hétérosexuels, seulement 65 % des femmes jouissent chaque fois qu’elles font l’amour (contre 95% des hommes)*. Le discours libéré qu’elle aborde, plaît dans une société aux moeurs encore pudiques. L’orgasme féminin ne demande qu’à être mis en lumière…

*Une étude publiée en 2017 dans la revue scientifique Archives of Sexual Behavior.

 

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Tags: Sexualité.