Vous êtes ultra performante mais ultra angoissée, bienvenue chez les insecure overachievers
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Vous êtes ultra performante mais ultra angoissée, bienvenue chez les insecure overachievers

Par Juliette Hochberg
Temps de lecture: 4 min

Ils réussissent tout mais jugent leurs performances insuffisantes. Ils travaillent comme des fous, aveuglés par l'angoisse et le sentiment que ce n'est jamais assez : les insecure overachievers n'ont pas conscience de leurs excellentes performances. Contrairement aux entreprises...

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Un idéal inatteignable

Première de sa classe toute sa scolarité cannoise, directrice marketing à New-York, chef de projet à Tel-Aviv. Ethel apprend vite et s’adapte plus vite encore. Elle vient d’ailleurs de signer un projet à 2 millions d’euros, soit le plus gros contrat de l’histoire de la start-up où elle travaille… mais Ethel n’est pas satisfaite. Comme tous les insecure overachievers, elle ne se trouve jamais assez performante. « Après chaque challenge relevé, je ne me réjouis pas, car ce n’est jamais assez. Je ne sais pas du tout être fière de moi. Je me demande chaque fois si le prochain défi réussira, lui, à me satisfaire, mais je sais que non… C’est une réelle source d’angoisse. »

 

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Selon le psychologue du travail Lionel Cagniart Leroi, les insecure overachievers ou les superformants angoissés comme Ethel poursuivent un « idéal inatteignable ». Et si eux se dépassent sans cesse pour combattre leur angoisse, les entreprises, elles, ont bien compris tout le profit à tirer de ces perfectionnistes. La professeure Laura Empson, de la Cass Business School à Londres, a travaillé sur les organisations professionnelles et s’est intéressée précisément au cas des insecure overachievers. Elle a recueilli des témoignages de directeurs de ressources humaines et a démontré que certaines grandes sociétés de conseil ont détecté ces profils angoissés, les recherchent et les emploient délibérément.

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Syndrome de l’imposteur maximal

Dès les premières évolutions de sa carrière, Ethel a l’impression torturante d’être une imposture qui a bien tourné. « J’ai déménagé à New York un peu sur un coup de tête, parce que je n’avais plus d’emploi en France et que je venais de rompre. J’ai trouvé un premier job et je pensais que l’employeur me faisait juste une faveur pour mon arrivée. Je suis devenue ensuite directrice marketing à City Winery, la salle branchée de New-York. »

 

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Encore aujourd’hui, Ethel se pose ces deux questions : « Pourquoi ai-je été prise ? » et « Comment ont-t-ils bien pu me garder ? » Elle a finalement dû quitter la Big Apple pour un problème de Visa. « Heureusement que j’ai eu ce souci de papier, parce qu’ils m’auraient de toute façon virée » pense-t-elle toujours.

Elles sont dans le déni de leurs performances

Comme Ethel, Alexia, qui vend des produits structurés sur le marché financier à Madrid, dévalorise ses succès. « Ce qu’elles ne savent pas, c’est qu’elles savent » affirme le psychologue du travail à propos des deux femmes qui sont, pour lui, « dans le déni » de leurs performances et de leurs compétences.

« Continuellement, je me dis que je ne devrais pas être là à 25 ans. Je pense que je suis ici par un travail d’équipe, voulu ou non, que ma réussite est due aux échecs des autres. » Alexia s’interroge beaucoup. Elle ne comprend pas vraiment. Pour elle, ce devrait être quelqu’un de moins jeune, de plus expérimenté ou de plus diplômé à sa place. « Souvent, les personnes qui montent dans la hiérarchie plus vite que prévu sont très angoissées » constate le psychologue du travail.

 

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Automotivée et surmotivée

Quand un membre de son environnement professionnel lui fait un compliment, Ethel se cache sous son bureau. À l’inverse, le moindre reproche est une catastrophe. « Il est facile de me faire croire que je ne vaux rien. Je vis dans l’angoisse d’être « démasquée » et éjectée à la moindre petite erreur. » Ethel a peur d’être mauvaise, voire ridicule. La solution qu’elle a trouvé pour remédier à l’angoisse du reproche ? L’empêcher d’arriver en n’attendant aucune incitation extrinsèque de quiconque, et encore moins d’un supérieur. S’auto-motiver, être sur-motivée et travailler énormément pour augmenter ses performances. Travailler tout le temps en réalité. Parfois, la startuppeuse dort deux heures par nuit pour téléphoner en continu à plusieurs clients sur différents fuseaux horaires. Puisque ce n’est jamais assez pour elle, il lui est impossible du prendre le recul suffisant pour déconnecter et compartimenter.

Comme Ethel à Tel-Aviv, Alexia à Madrid est particulièrement exigeante avec elle-même pour être à la hauteur de ce qu’elle ne pense pas mériter : son poste. Elle s’auto-évalue constamment et n’attend certainement pas une évaluation mensuelle pour faire le point. Elle se dit, par exemple : « Cette semaine, tu as bossé X nombre d’heures et ce n’est pas normal. »

 

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Hors de question pour un manager de se séparer de ce genre de profil

Un salarié aussi angoissé qu’Ethel ou Alexia pourrait effrayer les managers ou les chefs d’entreprise… mais « hors de question pour eux de se séparer de ce genre de profil » pour le psychologue de travail qui rejoint l’analyse de la professeure Empson. « Il est à la fois très performant et très engagé. Ils ne veulent surtout pas le laisser filer. Et si les supérieurs sont légèrement pervers, ils peuvent utiliser ce défaut pour pousser le superformant angoissé à bout. » « Ils savent qu’ils peuvent pousser, pousser, pousser… parce qu’on a une vraie force de caractère » rebondit Ethel. Mais le psychologue du travail avertit : « Les insecure overachievers n’ont pas de limite, et le risque, c’est le burn-out. »

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Source: marieclaire.fr

Charlotte Deprez Voir ses articles >

Foodie assumée, obsédée par les voyages, la photographie et la tech, toujours à l'affût de la dernière tendance Instagram qui va révolutionner le monde.

Tags: Burn-out, Psycho, Santé, Travail.