Peur panique de conduire : comment l’amaxophobie me pourrit la vie
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Peur panique de conduire : comment l’amaxophobie me pourrit la vie

Par Manon Duran
Temps de lecture: 6 min

Peur de prendre le volant, pas envie de passer le permis, crises d’angoisse au milieu des ronds-points : vous êtes peut-être atteinte d'amaxophobie. Décryptage d’une peur aussi réelle que minimisée.

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Amaxophobie : un mot sur une peur courante

Dans la vie, je n’ai pas peur de grand chose. Excepté des papillons et de conduire. Comme moi en France, de nombreuses personnes souffrent de ce trouble, qu’on appelle scientifiquement l’amaxophobie. Rien que l’idée de devoir prendre ma voiture le soir pour rentrer du travail me fait des nœuds à la gorge. Je dis souvent que je me débrouille mieux avec une calèche et un poney que derrière un volant.

 

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Le traumatisme a démarré à la première séance d’auto-école. Mais j’ai persévéré : deux ans de cours, une cinquantaine d’heures de conduite, des démarrages en catastrophe, une voiture emboutie, et deux tentatives d’examens ratées. Et puis finalement, j’ai fini par décrocher ce satané permis de conduire. Sauf que depuis huit mois, la petite carte plastifiée prend la poussière dans mon portefeuille.

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Une phobie à part entière

“L’amaxophobie est une phobie comme une autre qu’il ne faut pas minimiser”, rappelle Rodolphe Oppenheimer*, psychanalyste, thérapeute en Troubles Comportementaux Cognitifs. Et comme toute phobie, elle peut déclencher différentes réactions. Il m’est arrivé de perdre complètement les pédales en voiture – c’est le cas de le dire -, de lâcher le volant, tétanisée, les mains en l’air ou d’attendre de longues, très longues minutes aux abords d’intersections ou de ronds-points, sans oser bouger.

 

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De plus, l’amaxophobie est protéiforme. “Peur des autres usagers, peur de commettre un accident, peur de ne plus savoir conduire”, énumère par exemple Rodolphe Oppenheimer. Derrière toutes les facettes de cette phobie, la peur de la mort inhérente à l’être humain. Pas franchement de taille à lutter contre les promesses d’émancipation liées à la conduite qu’on nous rabâche au moment de passer le permis. “La conduite, même responsable, c’est dangereux”, lance Léo, 22 ans, étudiant en école de journalisme, qui de son propre aveu ne compte absolument pas passer le permis, ni même le code.

J’ai conduit pendant un an, et cela va faire 10 ans que je n’ai pas touché à une voiture. Maintenant, j’ai peur de prendre le volant.

 

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Sous couvert de ces discours de sécurité routière, Léo cache finalement d’autres peurs. Celle de l’échec au permis de conduire par exemple. “Je préfère m’éviter ce stress inutile”, admet-il. Ce manque de confiance en soi se retrouve dans de nombreux témoignages d’amaxophobes. Comme pour Vanessa, product manager de 31 ans, qui a pourtant eu son permis du premier coup. “J’ai conduit pendant un an, et cela va faire 10 ans que je n’ai pas touché à une voiture, depuis que j’ai déménagé à Paris. Maintenant, j’ai peur de prendre le volant. Je n’ai plus confiance en mes capacités et j’ai peur des autres usagers”, se résigne-t-elle, alors même qu’elle avoue qu’au départ elle prenait du plaisir à conduire. Un oxymore que je ne comprendrai jamais.

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Des symptômes physiques bien réels

“Dans certains cas, les réticences peuvent aussi être liées à un événement traumatique”, rappelle le psychanalyste Rodolphe Oppenheimer. C’est notamment le cas de Sophie**, 24 ans, étudiante en information et communication. Il faut dire que son expérience de conduite est vraiment particulière et pas dans le bon sens du terme. Après avoir subi des agressions de la part de son moniteur de conduite, aujourd’hui interdit d’exercer, elle entame la conduite accompagnée. Là, elle est victime de deux accidents. Depuis, elle refuse catégoriquement de prendre le volant et craint même de monter en tant que passagère.

 

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De mon côté, à chaque fois que je me retrouve derrière un volant, j’ai toujours la gorge nouée et la boule au ventre. Il faut dire qu’être enfermée dans un espace confiné, le regard fixe et lancée à des dizaines, voire des centaines de km/h n’a franchement rien de rassurant. Sans compter la violence universelle des usagers de la route qui heurte ma sensibilité pacifique. En y pensant, même en tant que passagère, j’ai cette sensation d’oppression qui peut ressembler pour certains à de la claustrophobie. Mais au-delà des angoisses et des peurs projectives, “cette phobie peut prendre la forme de symptômes physiques comme des palpitations, des tremblements, une transpiration excessive, des tensions et raideurs musculaires”, souligne Rodolphe Oppenheimer.

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Pression sociale et stigmatisation

Contrairement à d’autres phobies comme l’arachnophobie, l’agoraphobie, ou encore la peur de l’avion, l’amaxophobie, elle, peine à gagner en légitimité. Tout comme la peur des papillons, mais on y reviendra certainement dans un prochain article. Le fait est que la peur de conduire est souvent prise à la légère. Dans ma famille, mon appréhension est devenue une private joke qui revient à chaque réunion. Mon oncle a même tenu à m’offrir le fameux A plastifié pour Noël. Laughing out loud.

 

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Même cas de figure pour Vanessa : “le regard des autres m’a influencée : on se retrouve vite enfermée dans le rôle de la copine un peu gauche qui ne sait pas conduire”. Tous ceux et celles – amaxophobes ou non – qui décident de ne pas passer le permis, deviennent alors des gens à part, des boulets qui ne peuvent jamais conduire en soirée, des passagers qui ne peuvent pas prendre le relais en vacances.

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Stratagèmes et mauvaise foi

Quoiqu’il en soit, quand on est sans cesse pointé du doigt, on finit par développer des trésors d’imagination pour se faire conduire par des as du volant, et se trouver des – très bonnes – excuses pour expliquer son désamour. Parce qu’au fond, on est d’accord : la voiture, c’est mal. D’un point de vue écologique, déjà, c’est une catastrophe. Et puis, ça coûte cher d’entretenir une voiture. Et enfin, la marche et le vélo, c’est bon pour la santé. Léo va plus loin. Selon lui, la voiture enferme, désocialise : “je préfère les transports en commun, les endroits où il y a du monde, où tu peux te mélanger et rencontrer des gens.” Question de point de vue. Ou de déni.

 

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“On trouve des bénéfices secondaires à ne pas prendre la voiture”, constate Rodolphe Oppenheimer. La démarche n’est pas toujours volontaire, réfléchie et engagée. Comme toute phobie, l’amaxophobie repose souvent sur de l’irrationnel. En dépit de toutes convictions écologiques et humanistes, il faut bien admettre que la plupart de ces excuses servent à se rassurer. Ainsi, pendant des années, je répétais à qui veut l’entendre ce que me disait ma monitrice : “ tu intellectualises trop la conduite”. Un point commun avec Albert Einstein, qui n’a semble-t-il jamais voulu passer son permis. Ceci explique cela.

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Peur de conduire, comment en venir à bout ?

Heureusement, comme toutes phobies ou troubles cognitifs, l’amaxophobie se soigne la plupart du temps. Rodolphe Oppenheimer, lui, pratique essentiellement la thérapie par réalité virtuelle, associée à des séances de thérapies comportementales et cognitives (TCC). L’objectif est de “désensibiliser petit à petit les patients en souffrance, et les aider à retrouver leurs sensations”. Ainsi le cerveau s’adapte et les peurs s’effondrent. Puis s’en suivent des exercices en autonomie. “La gestalt-thérapie peut être d’un bon secours pour venir à bout de cette phobie en apprenant au sujet à mieux gérer ses émotions”, indique-t-il.

 

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D’autres comme Vanessa, cherche encore des solutions, sans jamais aboutir à un résultat concret. “ Il y a longtemps, j’ai pensé à aller dans une auto-école pour demander si je pouvais reprendre des cours pour être plus à l’aise. Je me demande si un jour je le ferai. J’avoue que je me cherche des excuses pour ne pas le faire”, admet-elle rieuse.

De mon côté, je ne pense pas me servir d’une voiture avant un bon moment. Je n’espère pas du moins. Et j’attends patiemment la démocratisation des voitures autonomes qui répondront à la voix. Baby, you can drive my car?

Source : marieclaire.fr 

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*Rodolphe Oppenheimer, psychanalyste, thérapeute en Troubles Comportementaux et Cognitifs par la réalité virtuelle. Auteur de “Peurs, angoisses, phobies, par ici la sortie”, paru en 2017 aux éditions Marie B. Plus d’informations sur le site www.psy_92.fr

**Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat du témoin.

Charlotte Deprez Voir ses articles >

Foodie assumée, obsédée par les voyages, la photographie et la tech, toujours à l'affût de la dernière tendance Instagram qui va révolutionner le monde.

Tags: Conduite, Phobie.