Interview: 8 questions à Nawell Madani, qui ouvre une école pour créatifs à Bruxelles
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Interview: 8 questions à Nawell Madani, qui ouvre une école pour créatifs à Bruxelles

Par Lucie Delplanque
Temps de lecture: 5 min

Il y a quelques mois, nous avions rencontré Nawell Madani à l'occasion de la sortie de "C'est tout pour moi", son premier film en tant que réalisatrice. Aujourd'hui, elle nous parle de son nouveau projet: une Stand Up Academy à Bruxelles. Le but? Former la nouvelle génération de Standuppers belges.

En attendant le lancement de cette école à la rentrée prochaine, elle propose « Coach Me If You Can« , un stage d’enseignements de métiers créatifs. Une belle manière de mettre de jeunes talents sur le devant de la scène et de créer un réel réseau entre les artistes et les lieux où se produire. Un objectif que Nawell Madani souhaite atteindre.

Un stage dans quelques semaines et une école à la rentrée: en quoi consistent vos nouveaux projets? Et surtout, pourquoi avoir choisi la ville de Bruxelles?

Parce que je suis originaire de Bruxelles et que je me suis rendue compte très jeune que toutes les disciplines sur lesquelles je fantasmais n’étaient pas accessibles. Envisager de quitter son cocon familial et son confort pour un rêve qui est abstrait, c’est beaucoup de sacrifices et peu de garanties. Pendant la tournée des avant-premières du film, j’ai rencontré énormément de jeunes avec les mêmes questions: « Comment faire pour devenir acteur? », « Est-ce que j’ai ma place dans ce milieu? », « Qu’est ce que je dois faire pour réussir? »… Je me suis dit qu’il était temps de faire quelque chose. On a commencé par un stage*. J’ai fait appel à Nina Binder, à Ali Bougheraba et aussi à Thierry Teston. On est vraiment là pour être dans la transmission et le partage. Et puis, on songe, avec la ville de Bruxelles, à ouvrir une école à la rentrée.

 

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Est-ce un moyen de montrer et de transmettre ce que vous avez vécu en intégrant le Jamel Comedy Club en 2011? 

Le Jamel Comedy Club n’est pas une école mais un plateau, donc on est un peu livré à nous-même. C’est pour ça que j’ai envie d’accompagner les humoristes parce que moi, je ne l’ai pas été même si ça a été hyper formateur. J’ai envie de donner la possibilité à des jeunes talents d’être exposés lorsqu’ils se sentent prêts et lorsque nous les sentons prêts. Avant cette exposition, on passe par toute une période de préparation, d’accompagnement et de formation.

En 2013, votre One-woman-show C’est moi la plus belge a remporté un franc succès. Était-ce important pour vous d’utiliser votre notoriété pour parler de sujets importants comme l’homosexualité ou la virginité chez les femmes du Maghreb?

Je pense que je n’ai pas pensé à ça quand j’ai commencé à écrire. J’ai juste voulu raconter ma vie. Je me suis dit que je voulais aller là où personne n’était jamais allé. Il faut juste que ça parte de soi et de son vécu. C’est juste une famille normale qui est confrontée à certaines obstacles et à certains sujets encore sensibles. Je me suis dis que j’allais un peu ouvrir les portes de mon intimité et c’est ce qui a fait le lien entre moi et mon public.

 

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On voit de plus en plus de femmes sur scène, mais l’humour reste un milieu d’hommes… Comment fait-on pour trouver sa place?

Dans tous les métiers où il y a une prédominance masculine, c’est compliqué pour les femmes de prendre une place. On doit travailler deux voire trois fois plus. On a pas le droit de se plaindre et surtout, on doit être efficace. Ca a aussi été une opportunité d’être femme: parce que je pouvais aller sur des sujets dans lesquels ils ne pouvaient pas s’embarquer. C’est clair que c’est compliqué mais en même temps, le fait qu’on soit peu nombreuses fait qu’il y a encore tellement de place pour nous. Il y a plein de préjugés qu’il faut encore casser.

Source: Youtube, Nawell Madani 

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Humoriste reconnue, comédienne de talent et réalisatrice… Comment faites-vous pour être à ce points sur tous les fronts?

En travaillant. Je suis constamment en train de me former. Je me remets en danger sur scène. J’ouvre mon école, je vais être confrontée à une nouvelle génération d’humoristes en devenir. C’est se lancer des challenges au quotidien, c’est sortir de sa zone de confort.

Nawell Madani

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Est-ce que cette école c’est une manière de dire qu’aujourd’hui, nos artistes belges n’ont plus forcément besoin d’aller en France pour lancer leur carrière?

C’est à dire qu’il faut quitter le pays pour exister. Il faut être connu ailleurs pour être reconnu chez nous. C’est le cas aussi des canadiens. Je ne comprends pas qu’on ait des télé comme RTL ou la RTBF et qu’on ait pas (ou très peu) d’émissions de divertissement. Une émission comme rires & chansons, ça n’existe pas en Belgique. Un humoriste qui a un bon sketch: il n’a aucune idée d’où il peut le placer. En Flandres, le divertissement est très présent. On est dans le même pays et la situation est très différente… Il y a beaucoup d’artistes belges qui cartonnent en Belgique et qui, aujourd’hui, font partie du paysage français. On possède les médias, on a les infrastructures, on regorge de talents: il est où le problème? On va essayer à notre niveau d’être des incubateurs de talents.

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Comment ce projet est-il reçu par les autorités?

J’ai été très bien reçue par les politiques. La ville de Bruxelles a vraiment répondu « présent ». Ils ont envie parce que c’est un projet qui peut aider les quartiers. Tous les problèmes qu’on rencontre aujourd’hui, c’est parce que les jeunes restent dans les rues sans rien faire. Le message que j’ai envie de leur donner c’est “oui, je viens des quartiers, oui j’ai grandi entre Anderlecht et Molenbeek et j’ai trouvé ma place” A mon tour de leur donner les moyens de s’exposer, de les accompagner et de les écouter. Beaucoup d’artistes partent et ne reviennent plus. Moi je suis revenue et voilà, je suis là et j’ai envie d’aider.

Cette carrière c’est une revanche sur les aléas de la vie?

J’ai voulu aller dans une école classique, c’était pas accessible pour moi. Quand j’ai voulu devenir comédienne, je n’ai pas pu. Lorsque j’ai poussé les portes de certains castings, on ne m’a pas écoutée. Quand j’ai cherché un agent, on ne m’a pas reçue. Aujourd’hui j’ai envie de dire qu’à force d’y croire, rien n’est impossible. Je pense que je suis l’exemple concret qui peut dire à toute cette jeunesse: Crois en tes rêves et sois le premier à y croire. Si tu y crois, d’autres y croiront.

* Le stage Coach Me If You Can se déroule du 9 au 13 mai à la Madeleine (Bruxelles) Avec une soirée ouverte au public le 12 mai.

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