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Elle était l’un des visages du féminisme français, et le restera. Gisèle Halimi s’est éteinte au lendemain de son 93e anniversaire, ce mardi 28 juillet 2020. L’avocate féministe et ancienne députée, figure du combat pour les droits des femmes, s’est notamment battue pour assurer l’accès à l’interruption volontaire de grossesse à toutes les femmes, et la criminalisation du viol.
Retour sur les combats qui ont marqué sa carrière, et sa vie.
Féministe dès l’enfance
Née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie, Gisèle Halimi est la fille de Fortunée Metoudi, juive, et d’Édouard Taïeb, d’origine berbère. Après avoir fait son lycée à Tunis, elle suit des cours de droit et de lettre à Paris, puis est étudiante à l’Institut d’Études Politiques de la capitale. Après avoir passé le barreau à Tunis, elle devient avocate à Paris au milieu des années 50.
C’est en grandissant dans une famille conservatrice que Gisèle Halimi se découvre, très jeune, une appétence pour l’égalité entre les genres. Elle raconte ainsi qu’à 10 ans, elle entame une grève de la faim pour protester contre le fait de devoir faire le lit de son frère. Combat qu’elle gagne au bout de trois jours, ses parents finissant par céder. « Aujourd’hui j’ai gagné mon premier petit bout de liberté », se félicite-t-elle dans son journal intime.
Mon féminisme et mon besoin de corriger les injustices sont ancrés dans cette révolte initiale
« Ce fut au fond ma première victoire féministe. ‘C’est pas juste !, disais-je constamment. C’est pas juste !’ Mon père s’énervait : ‘Tu n’as que ce mot-là à la bouche !’ C’est vrai. Je l’ai eu toute ma vie. Et il est indéniable que mon féminisme et mon besoin de corriger les injustices sont ancrés dans cette révolte initiale », se souvenait-elle pour Le Monde.
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Auprès du Monde, en 2019, elle se souvient que si jeune, elle avait déjà « une rage, une force sauvage, je voulais me sauver ».
Le droit à l’avortement, le combat de sa vie
Si elle dénonce les tortures exercées par l’armée française en Algérie et les crimes de guerre américain au Viêt Nam au début de sa carrière, Gisèle Halmi se tourne ensuite davantage vers les combats pour les droits des femmes, notamment celui pour le droit à l’avortement.
En 1971, elle fait ainsi partie des 343 femmes à avoir signé le Manifeste des 343, par lequel elles signifient avoir avorté et réclament aussi l’accès libre à des moyens contraceptifs, et à l’avortement, qui encore pénalisé en France.
La même année, Gisèle Halimi cofonde, avec Simone de Beauvoir et Jean Rostand, le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes », dont elle reprend la présidence à la mort de la philosophe féministe, en 1986.
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Avocate avant tout, Gisèle Halimi aura aussi porté ce combat pour le droit à l’IVG devant la justice, à travers plusieurs procès retentissants, qui ont même mené à de nouvelles mesures législatives.
En 1972, elle se retrouve ainsi à défendre Marie-Claire, jeune adolescente de 16 ans inculpée pour avoir avorté, avec l’aide de sa mère et de deux amies, qui lui trouvé une « faiseuse d’anges », toutes les quatre mises en examen, pour complicité ou pratique de l’avortement. Elle était tombée enceinte à l’issue d’un viol.
Ce sont les accusées qui contactent Gisèle Halimi, la mère ayant eu connaissance de ses combats avec son livre Djamila Boupacha, parlant d’une militante algérienne violée et torturée par des soldats français. L’avocate accepte de les défendre.
Avec leur accord, et celui de Simone de Beauvoir, elle décide d’opter pour une plaidoirie politique, s’en prenant à la loi de 1920, qui interdit la contraception et l’IVG, et leur promotion, sous peine de trois mois à six ans de prison.
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C’est ce que l’on appellera le procès de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Très suivi par les médias, Gisèle Halimi en fait le symbole d’une législation française éculée en matière de droit des femmes à disposer librement de leur corps, les poussant soit à des pratiques d’avortement à risque, soit à partir à l’étranger.
« J’ai toujours professé que l’avocat politique devait être totalement engagé aux côtés des militants qu’il défend. Partisan sans restriction avec, comme armes, la connaissance du droit « ennemi », le pouvoir de déjouer les pièges de l’accusation, etc. », défendra Gisèle Halimi dans son livre fondateur, La Cause des femmes (1973).
Marie-Claire est jugée à part, à huit-clos, par le tribunal pour enfants de Bobigny. Elle est finalement été relaxée par le tribunal correctionnel, dans une audience publique à laquelle assistent de nombreuses militantes féministes, dont l’actrice Delphine Seyrig.
Trois ans plus tard, en 1975, Gisèle Halimi parvient à obtenir 500 francs d’amende avec sursis pour la mère de la jeune fille, qui n’aura jamais à les payer. Tandis que ses deux amies sont disculpées, et la « faiseuse d’anges » condamné à un an de prison avec sursis, et une amende. Inespéré.
Le procès de Bobigny sera l’une des influences de la loi Veil, qui, en décembre 1974, légalise enfin le recours à l’interruption volontaire de grossesse, et deviendra l’un des moments-clés de l’histoire des droits des femmes en France.
Même après la promulgation de la loi Veil, Gisèle Halimi ne relâcha jamais sa vigilance. En 1979, à la télévision, elle défend la nécessité du remboursement total de l’avortement : « Il y a quelque chose de choquant. Ça fait l’avortement des riches et l’avortement des pauvres », dénonce l’avocate et militante, alors que le Parlement, à cette époque, doit reconduire la loi Veil, qui n’était valable que cinq ans.
Faire reconnaître le viol comme crime
L’autre grand combat féministe de sa vie, c’est de faire criminaliser le viol. Cela paraît fou aujourd’hui, mais jusqu’en 1980, le viol n’était pas inscrit au code pénal en France.
Là aussi, Gisèle Halimi fait d’un procès un reflet d’un besoin de progrès politique et social, et crée une prise de conscience. En 1978, elle est l’avocate d’Anne Tonglet et Araceli Castellano, deux jeunes femmes belges, lesbiennes et en couple, victimes d’un viol collectif de plusieurs heures, dans une calanque près de Marseille, en août 1974. La première victime tombe même enceinte, et doit avorter illégalement, l’IVG étant encore interdit en Belgique.
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Comme pour le procès de Bobigny, ce sont les victimes qui font appel à Gisèle Halimi, définitivement identifiée comme défenseuse des droits des femmes.
Lors des premiers temps de l’affaire, les agresseurs nient le viol, et affirment que les rapports étaient consentis. Ils ne sont poursuivis que pour coups et blessures et attentat à la pudeur, ce qui relève du délit.
Ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations, qui attentent à votre dignité. Ne vous résignez jamais !
L’approche de Gisèle Halimi est à nouveau politique : elle se bat, avec les deux autres avocates des victimes, Anne-Marie Krywin et Marie-Thérèse Cuvelier, pour que les faits soient requalifiés sur le plan criminel. L’affaire quitte le tribunal correctionnel de Marseille pour les assises d’Aix-en-Provence, en 1975.
Le procès est houleux, la défense essayant de renverser la culpabilité du côté des victimes, accusées d’avoir été « provocantes ». Le « meneur » de la bande, Serge Petrilli, est finalement condamné à 6 ans de prison, pour viol, tandis que Guy Roger et Albert Mouglalis à quatre ans, pour tentative de viol.
Avec l’appui d’Agnès Fichot, sa collaboratrice pendant ce procès, Gisèle Halimi défend d’autres victimes de viol à travers la France. Ses plaidoiries sont utilisées par la sénatrice Brigitte Gros, qui dépose une proposition de loi sur le viol en 1978. Adoptée, elle fait du viol un crime passable de quinze ans de réclusion.
Sa pensée, c’est encore elle qui l’avait le mieux résumée, auprès du Monde, en 2019 : « Je dis aux femmes trois choses : votre indépendance économique est la clé de votre libération. Ne laissez rien passer dans les gestes, le langage, les situations, qui attentent à votre dignité. Ne vous résignez jamais ! »
Source : marieclaire.fr
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