Rencontre avec Heidi Delobelle, PDG d’AG
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Rencontre avec Heidi Delobelle, PDG d’AG

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L’accélération de la numérisation, des taux d’intérêt historiquement bas, la mise en place d’une organisation à l’épreuve du futur, la communication sur la durabilité et les relations avec les travailleurs sont autant de thématiques auxquelles Heidi Delobelle, la nouvelle CEO d’AG, est confrontée. Mais grâce à sa curiosité, son authenticité et son énergie, elle semble capable de prendre tout ça à bras-le-corps.

Pendant vingt-trois ans, Heidi Delobelle (50 ans) a gravi les échelons de la compagnie leader sur le marché de l’assurance-vie, jusqu’à devenir CEO en octobre 2020. « Je ne m’y attendais pas, ce n’était pas mon ambition, et parfois je dois encore m’y faire. Je connais très bien l’entreprise bien sûr. J’ai régulièrement changé de fonction, ce qui m’a obligée à sortir maintes fois de ma zone de confort. Je pense donc que grâce à ces expériences, je suis bien armée pour relever ce nouveau défi. »

 

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Avez-vous recherché ce changement vous-même ?

Je ne tiens pas longtemps en place. Après quelques années, j’ai dit à mon chef : « J’ai l’impression d’avoir fait le tour, tu n’aurais pas quelque chose pour moi ? » Je n’avais pas en tête une promotion verticale, mais bien le contenu du job en lui-même. En l’espace de trois à six mois, j’occupais un nouveau poste et ma hiérarchie a toujours été très attentive à mes besoins. Parfois, c’était même mon mentor qui me disait qu’il était temps de changer : « Jette un œil à l’organigramme de l’entreprise et dis-moi où tu te verrais bien travailler, ne te limite pas à ta propre expertise. » Pour moi, c’était un peu tiré par les cheveux, mais grâce à cette ouverture d’esprit, j’ai fini par me dire : « Oh oui, pourquoi pas ? » J’ai ainsi franchi plus d’étapes que ce que j’aurais pu imaginer. Mon mentor avait parfaitement cerné ma personnalité et il croyait en moi, je le sentais. Il a même dit une fois : « Je sais que tu as un potentiel énorme, c’est pourquoi j’ai moi-même demandé à être ton mentor. »

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Cela renforce-t-il votre confiance en vous en tant que jeune employé ?

Oui absolument! J’étais choqué à chaque fois qu’ils disaient quelque chose comme ça parce que j’étais toujours occupé, je n’y pensais pas. Je ne me considère pas si ambitieux, c’est plutôt la volonté de faire de nouvelles choses. J’en ai aussi eu d’autres auparavant, y compris une mentore. J’ai pu tirer les bénéfices nécessaires de tous ces différents mentorats. Celle-ci est structurée au sein de l’entreprise. Les mentors proviennent du comité exécutif et du niveau inférieur. J’ai aussi quelques mentorés maintenant.

 

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Cela a dû booster votre confiance en vous ?

Oui, tout à fait ! À chaque fois qu’on me disait quelque chose comme ça, j’avais du mal à le croire. Je ne suis pas ambitieuse, c’est plutôt l’envie de faire de nouvelles choses qui m’anime. J’ai eu plusieurs mentorats, dont j’ai pu tirer à chaque fois les bénéfices. Ceux-ci sont organisés de manière structurelle au sein de l’entreprise. Les mentors sont issus du comité de direction et du niveau hiérarchique inférieur. Aujourd’hui, j’accompagne à mon tour plusieurs employés.

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En tant que femme, accordez-vous plus d’attention au bien-être physique et mental de vos 4000 employés ?

Il est préférable que les hommes y prêtent également attention, sinon cela ne fonctionnera pas. Ce que je fais alors probablement plus, c’est d’aller sur le terrain. Par exemple, deux fois par semaine, je fais une petite conversation avec deux personnes que je ne connais pas de différents départements pour une conversation informelle et puis je sais un peu ce qui se passe sur le terrain. Ensuite, il y a « un café avec Heidi » deux fois par mois, une conversation informelle où dix d’entre nous boivent du café. Là vous remarquez qu’il y a beaucoup de questions parmi les gens, y compris comment on va continuer après le covid etc. Pendant la formation numérique, je fais un discours… Il y a diverses actions pour garder le lien avec l’entreprise et les collègues pendant le travail de domicile. J’essaie d’être très présente, même à distance et je constate que c’est très apprécié. Ma communication reste très authentique et humaine, ce qui est également apprécié. Maintenant, je vois aussi deux fois quinze minutes dans mon agenda, c’est tellement important pour ces gens et pour moi ça veut dire ne travailler qu’une demi-heure de plus ce soir.

N’avez-vous jamais eu l’impression d’avoir dû davantage faire vos preuves en tant que femme dans le secteur des assurances ?

Non, pas vraiment, mais c’est peut-être lié à ma façon d’agir et aux gens qui m’entourent. Chez AG, la culture était bien plus hiérarchique à mes débuts : le chef déterminait ce que nous devions faire et il tapait du poing sur la table, que ça nous plaise ou non. Il est ressorti de mes premières évaluations que j’étais un cadre trop proche du personnel. Mon empathie semblait donc représenter un désavantage. Et pourtant, j’ai toujours atteint les objectifs fixés. Je n’ai jamais supporté les intrigues politiques. Et une fois qu’une telle remarque figure dans votre évaluation, ça revient sans cesse. Alors j’ai posé la question à mon mentor : « Qu’est-ce que je fais de ça ? Si je dois changer sur ce point, je ne serai plus moi-même. » Ce à quoi il a répondu : « Mais Heidi, tout ça, c’est de la foutaise. Ce sont précisément tes points forts, tu dois t’appuyer dessus. »

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En tant que femme, accordez-vous plus d’attention au bien-être physique et mental de vos 4000 employés ?

Il faut que les hommes y veillent aussi, sinon ça ne fonctionne pas. Ce que je fais probablement plus, c’est me rendre sur le terrain. Deux fois par semaine, j’ai une discussion informelle avec deux personnes que je ne connais pas et qui appartiennent à des départements différents, ça me permet de me tenir au courant de ce qui se passe. Ensuite, deux fois par mois, il y a « un café avec Heidi », au cours duquel je m’entretiens avec dix membres du personnel. Là, je remarque que beaucoup se posent encore des questions à propos de la manière dont on va sortir de cette crise liée au Covid par exemple. Lors des formations numériques, je fais un petit discours… Il existe plusieurs moyens de maintenir le lien avec l’entreprise et les collègues tout en travaillant à domicile. J’essaie d’être très présente à distance et je remarque que c’est très apprécié. Ma communication est authentique et humaine, et ça semble plaire également. Ça représente deux fois un quart d’heure dans mon agenda, mais c’est tellement important pour ces personnes et pour moi. Ce n’est jamais qu’une demi-heure de travail en plus le soir.

 

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Vous succédez à un homme. Détenez-vous la marge de manœuvre suffisante pour mettre l’accent sur d’autres aspects ?

Je suis en effet complètement différente de mon prédécesseur. Pour la majorité des membres du comité de direction, mon style n’est peut-être pas assez dur parce qu’ils sont eux-mêmes plus rudes. Mais ils voient bien que nous parvenons tout de même à trouver une solution au terme d’un dialogue pacifique. Je ne pense pas que je doive faire plus d’efforts parce que je suis une femme. C’est à nouveau une question d’équilibre, mais nous finissons toujours par y arriver. Le travail est très agréable, mais aussi très stimulant. Généralement, les choses qui me parviennent sont en lien avec ce qui se passe mal. Il faut donc être bien dans sa peau, adopter une attitude positive et être capable de gérer beaucoup de stress, sinon ce n’est pas possible. Mais fort heureusement, je n’ai pas de problèmes de sommeil et je suis vraiment heureuse lorsque nous réussissons à aider un client ou un courtier, ça me procure beaucoup d’énergie.

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Vous avez une famille de trois enfants, sont-ils fiers de vous ?

Ils sont très fiers. Au début, combiner vie privée et travail n’était pas une mince affaire. Les journées étaient très longues, j’étais morte de fatigue avant même de monter dans le train, et je devais rattraper mon sommeil le week-end. Lorsque l’aîné est entré en 1ère primaire, mon mari est devenu enseignant, et ça a été un véritable soulagement. Je n’ai plus eu à me soucier de l’organisation du ménage et c’est la raison pour laquelle je suis là où je suis maintenant, sinon ça aurait été impossible. Si mon mari n’était pas devenu enseignant, je ne pourrais pas exercer mon travail, c’est aussi simple que ça. Ça s’est fait naturellement. Nous sommes tous deux diplômés en mathématiques avec une spécialisation en actuariat. Mais je me suis ennuyée à mourir à la maison pendant mon congé de maternité – notre bébé a très vite fait ses nuits – alors que pour mon mari, c’était une période vraiment spéciale. Il a d’ailleurs pris un congé parental. Par ailleurs, son travail dans l’enseignement le satisfait pleinement. Je n’ai jamais beaucoup vu les enfants pendant la semaine, mais le week-end, je les emmenais à leurs activités. Je n’ai jamais rien annulé avec eux, même si ça signifiait que je devais rattraper mon travail en retard le soir. J’entretiens une très bonne relation avec mes enfants. Mais c’est vrai, il a fallu faire preuve de flexibilité : ma plus jeune fille a dû réviser son test de lecture par téléphone pendant que je marchais d’un bâtiment à l’autre, ou quand j’étais dans le train. Je parviens donc toujours à trouver des solutions.

Êtes-vous consciente de votre rôle inspirant ?

De plus en plus. Mais c’est parce que je continue à recevoir ce genre de réactions. Le fait que j’aie une famille offre aux autres des perspectives. Osez franchir le pas, ne pensez pas que vous devez cocher toutes les cases. Nous avons tendance à sous-estimer l’expérience acquise. Or, elle peut très vite être réinvestie dans d’autres domaines.

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Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.