Qui était Mary Jayne Gold, la riche héritière qui a inspiré la série « Transatlantique » sur Netflix ?
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Qui était Mary Jayne Gold, la riche héritière qui a inspiré la série « Transatlantique » sur Netflix ?

Par Juliette Hochberg
Temps de lecture: 4 min

Elle est l'héroïne de la mini-série "Transatlantique" et son histoire méritait d'être racontée. La production dévoilée sur Netflix le 7 avril 2023 raconte l'histoire vraie de Mary Jayne Gold, une jeune Américaine issue de la "jet-set" qui, en 1940, a aidé des milliers de personnes juives à fuir loin de la menace nazie.

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Une héroïne de la résistance au nazisme tombée dans les limbes de l’Histoire. Une Juste, comme tant d’autres, injustement oubliée. Elle s’appelait Mary Jayne Gold. Depuis le 7 avril dernier, nous voilà déjà plus nombreux à connaître son nom. Ce jour-là, Netflix a dévoilé sa nouvelle mini-série historique Transatlantique, adaptée du roman The Flight Portfolio de l’Américaine Julie Orringer, et co-créée par l’Allemande Anna Winger, à qui l’on doit Unorthodox.

Mary Jayne Gold, une Américaine fortunée à Marseille

Durant six heures (sept épisodes d’environ 50 minutes chacun), le géant du streaming nous plonge dans le Marseille – où la mini-série a été filmée en décors réels – des années 1940.

Face à l’invasion allemande, Mary Jayne Gold, une riche héritière américaine incarnée à l’écran par la lumineuse Gillian Jacobs (repérée dans les séries Love et Community), a quitté Paris, où elle menait une existence mondaine, pour Biarritz d’abord, puis pour la citée phocéenne.

C’est dans ce port, alors non-occupé par les Allemands mais contrôlé par le Régime de Vichy, que l’expatriée originaire d’Evanston, près de Chicago, intègre l’Emergency Rescue Committee (ERC), grâce à Miriam Davenport, une compatriote étudiante en art avec qui elle se lie d’amitié, qui y est déjà engagée. Ce Centre de secours américain fut créé depuis New York par 200 citoyens américains inquiets, et chapeauté à Marseille par l’un d’eux, Varian Fry (interprété dans cette fiction par Cory Michael Smith), journaliste fraîchement trentenaire, diplômé d’Harvard.

Le « Schindler américain », comme il était surnommé, fut envoyé à Marseille par le ERC grâce à sa casquette de correspondant, mais avec pour véritable mission de sauver des Juifs, artistes, intellectuels, militants ou politiques anti-nazis en danger, par des moyens légaux ou illégaux.

Entre 2 000 et 4 000 Européens menacés fuiront le pays grâce à cette organisation privée. Parmi les exfiltrés : les peintres Max Ernst et Marc Chagall, la philosophe Hannah Arendt, le prix Nobel Otto Meyerhof, ou encore, les poètes André Breton et Franz Werfel.

série Transatlantique - Saison 1

Anika Molnar – Netflix

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Un engagement total

Le Centre de secours américain fut un temps subventionné par Mary Jayne Gold, cette fille d’un richissime WASP de Chicago, qui, après avoir achevé ses études en Italie, avait refusé de rentrer aux États-Unis lorsque la guerre avait retenti. Comme le relate sa nécrologie du New York Times, précieusement conservée par un site-hommage à Varian Fry, son argent a notamment permis d’acheter sur le marché noir marseillais des faux passeports aux réfugiés.

La jeune femme d’à peine 30 ans loue aussi la grande villa victorienne Air-Bel – aujourd’hui détruite mais qui survit autrement, grâce à une association marseillaise -, où sont réfugiés artistes et intellectuels, qui, dans cette bulle atemporelle, continuent de créer, malgré la peur et l’insoutenable attente d’un visa.

L’héritière s’engage, pour la première fois de sa vie jusqu’alors paisible et insouciante. Celle qui pilotait son propre avion, habitait un luxueux appartement parisien et flânait dans les plus chics stations balnéaires quelques mois encore auparavant – comme elle le raconte dans son livre -, devient passeuse à des frontières risquées, et s’occupe en particulier d’André Breton et de l’écrivain révolutionnaire Victor Serge, comme elle le raconte dans ses mémoires Marseille, année 40 (éditions Phébus dans sa version française). Préfacées par la femme de lettres Edmonde Charles-Roux, elles furent publiées aux États-Unis en 1980, année de leur écriture par l’héroïne de cette histoire, mais seulement dans les années 2000 en France.

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Mary Jayne Gold et « The Killer »

À Marseille, Mary Jayne Gold rencontre Raymond Couraud, alias « Killer » – parce qu’il « tuait » la langue de Shakespeare, s’amuse l’Américaine dans son livre. Avec ce légionnaire français qui a déserté la Légion étrangère, elle va partager une histoire d’amour romanesque.

« Il m’a persuadé que je devrais acheter un petit chalutier qu’il pourrait faire naviguer à Gibraltar avec douze autres légionnaires, qui souhaitaient également déserter et continuer le combat depuis l’Angleterre, rembobine-t-elle dans ses écrits. Killer (…) a été soudainement arrêté par la police militaire avant que notre plan ne puisse se concrétiser. Il a été détenu au Fort St Nicolas dans le port de Marseille en attendant son procès. »

C’est notamment via cet amant, qui mène à cette époque une vie de gangster, gère un marché noir, et a ressurgi dans sa vie quelques temps après son internement, que les volontaires de la ERC élaborent la fuite des réfugiés à travers les montagnes espagnoles (pour regagner le Maghreb, d’où ils traversaient l’Atlantique), ou à bord de cargos en direction d’Afrique du Nord ou directement du continent américain.

Killer se rend non sans mal en Angleterre, où il s’engage dans la section française du Special Air service de l’armée britannique. Mary Jayne Gold, elle, est forcée de quitter le Sud de la France et de retrouver sa terre natale à l’automne 1941.

Elle habite la Grosse Pomme – où elle fut plus jeune étudiante avant de poursuivre son cursus en Italie -, puis acquiert une villa à Gassin, non loin de cette vie risquée d’autrefois. C’est dans cette petite commune varoise qu’elle s’éteint en octobre 1997, à l’âge de 88 ans, à la suite d’un cancer du pancréas. Elle ne fut jamais mariée et n’avait pas eu d’enfants.

Quant à Varian Fry, il fut arrêté par la police de Vichy en août 1941, puis renvoyé à New York. À son retour, il tente d’alerter les Américains de la situation des Juifs d’Europe avec un article, puis publie en 1945 Surrender on Demand (La liste noire en français, paru chez Plon en 1999 seulement), récit de cette action de sauvetage à Marseille.

Entre ses pages d’abord censurées par son éditeur américain, le journaliste disparu en 1967 pointe la politique de son pays en matière de visas, qui furent si difficilement attribués à des innocents en danger. Et à la plume de Mary Jayne Gold de conclure : « Quoi qu’il en soit, 1940-41 fut une sacrée année pour une gentille fille d’Evanston ».

Transatlantique, sept épisodes, de Daniel Hendler et Anna Winger, avec Gillian Jacobs, Corey Stoll, Cory Michael Smith… Depuis le 7 avril sur Netflix.

 

Cet article est paru pour la première fois sur Marie Claire France.

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