« Les Chatouilles », le film autobiographique d’Andréa Bescond qui dénonce la pédophilie dans le cercle familial
© Stéphanie Branchu

« Les Chatouilles », le film autobiographique d’Andréa Bescond qui dénonce la pédophilie dans le cercle familial

Par Sophie Demanet
Temps de lecture: 3 min

Après "La danse de la colère", pièce de théâtre relatant son histoire, Andréa Bescond continue de se libérer de son passé par l'écriture et la danse. Avec "Les Chatouilles", elle nous livre un film autobiographique dans lequel elle interprète son propre rôle. Sorti en novembre 2018, le film raconte les abus sexuels que la comédienne et réalisatrice a subi étant enfant. Et de la longue descente aux enfers qui s'en est suivie. Le récit, qui traite la pédophilie dans le cercle familial, a de quoi nous bouleverser.

Portrait de cette poignante adaptation entre douleur, joie, culpabilité et guérison. Et retour sur une femme qui a choisi un jour de ne plus se taire.

 

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Titre attendrissant pour drame glaçant

Odette (Andréa Bescond) est abusée sexuellement durant toute son enfance par un très bon ami de la famille (Pierre Deladonchamps) qui minimise l’acte en lui donnant le nom enfantin de « chatouilles ». Odette garde ce lourd secret pour elle et le traîne jusqu’à l’adolescence où le poids de celui-ci commence insidieusement à l’étouffer. La jeune femme se noie dans la spirale de l’autodestruction et se réfugie dans la danse pour échapper aux souvenirs de cette enfance qui la hantent. Mais le traumatisme est trop important et les blessures trop profondes.

 

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Odette finit par demander de l’aider auprès d’une psychologue (Carole Franck) qui va l’aider à faire la paix avec elle-même. Mais pour y arriver, elle doit affronter l’ignoble culpabilité qui la ronge et faire ce qu’elle a toujours refusé de faire : en parler à ses parents (Karin Viard et Clovis Cornillac). La jeune femme est bloquée par la peur de devoir subir une nouvelle épreuve, celui de la famille qui remet sa parole en doute. Et si cela permettait de punir l’auteur de son mal-être et de l’aider à vivre une existence apaisée ?

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L’écriture, une bouffée d’oxygène

C’est en 2012 qu’Andréa Bescond commence à écrire la pièce « La danse de la colère », première pierre nécessaire à l’édifice de sa cicatrisation. Cette première étape salvatrice, elle va l’écrire avec son compagnon, le metteur en scène et comédien Éric Métayer. La première représentation a lieu en main 2014 et remporte un grand succès ainsi que plusieurs récompenses parmi lesquelles le « Molière du meilleur seule en scène »!

« Le choix de cette histoire s’est imposé à moi comme une survie, comme l’envie de dire haut et fort ce que beaucoup ne veulent pas entendre, rejettent en bloc, quoi de plus insupportable que le viol d’un enfant ? « Les Chatouilles » ce n’est pas un jugement, ce n’est pas de condamner la maladie d’un être en souffrance qui inflige des sévices à plus faible que lui mais c’est le constat d’un combat pour exister, respirer, survivre… »

Écrire a été salvateur pour passer du statut de « coupable » à ce celui de « victime » pour entrer dans la résilience et pouvoir enfin vivre au réel sens du terme, et non plus survivre.

 

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La lumière au bout du tunnel

C’est la rencontre avec Éric Métayer, le père de ses deux enfants qui va lui permettre de s’apaiser. Grâce à l’amour que lui procure sa famille, tout comme Odette dans le film, Andréa va se frayer un chemin hors de l’obscurité. La danse et l’écriture vont, elles aussi, petit à petit atténuer la colère qui déborde en elle. Les mots qu’elle a pu mettre sur son histoire sont en effet la dernière pièce du puzzle de sa guérison.

Même si l’on aimerait que ce récit ne soit qu’une fiction, ce n’est pas le cas. Il existe bien des monstres qui font vivre ces crimes innommables aux enfants. Parfois même dans leur entourage comme c’est le cas ici… On aime cependant la franchise avec laquelle le duo Bescond-Métayer se sont attaqués à ce sujet aussi dur que délicat à l’aide d’interjections comiques et sincères. Le film ne s’enfonce pas dans la noirceur des événements mais prouve au contraire que la reconstruction est possible. La preuve, le film ne s’appelle plus « La danse de colère », car la colère a fini par disparaître de la vie d’Andréa Bescond. Un combat victorieux qui a reçu deux Césars : celui de la Meilleure Adaptation pour Andréa Bescond et Eric Métayer et de la Meilleure Actrice dans un second rôle pour Karin Viard.  À voir absolument.

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Tags: Cinéma, Culture, Karin viard.