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Récemment, Garance Doré postait une lettre ouverte sur son désir tardif d’être mère, et le fait qu’il soit trop tard pour elle d’être enceinte aujourd’hui, âgée de 42 ans. Nombreuses sont les personnalités à témoigner de leur envie débordante d’être mère en mettant en avant un problème : elles sont quadras, et pour elles, être enceinte devient le parcours du combattant, les poussant à se résigner en acceptant de ne jamais devenir mère, ou à se tourner vers l’adoption.
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Avoir envie d’un enfant plus tard est une réalité très différente selon les femmes
Pourquoi, dans notre société, beaucoup de femmes ont envie de leur premier enfant à la fin de la trentaine et au début de la quarantaine, lorsque c’est « trop tard », comme si le corps et l’esprit ne s’accordaient plus ? Nous avons tenté de décrypter cette envie de grossesse tardive avec deux experts psychologues.
La maternité après la trentaine, la société responsable ?
Si durant la trentaine, les femmes ne désirent pas encore être mères, la carrière en est souvent la première explication. La construction de soi entre aussi en compte, et pour finir, la stabilité affective. D’après Camille Rochet, psychologue du couple et de la famille qui tient le blog « À nous tous », avoir envie d’un enfant plus tard est une réalité très différente selon les femmes : « J’observe que certaines sont conscientes de l’énergie que les enfants demandent et préféreraient avoir des enfants lorsqu’elles ont encore toute la vitalité de la jeunesse.
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Elles pensent aussi au bonheur pour un enfant que d’avoir des parents jeunes qui peuvent partager certaines aventures avec eux. Simplement, il y a un vrai conflit intérieur entre le désir et la réalité du travail, la carrière professionnelle qui demande un vrai investissement et la stabilité affective conjugale. Certaines femmes voudraient un enfant avant 30 ans mais s’imposent tout ce cadre avant de s’estimer prêtes à pouvoir donner la vie. «
Carrière: ambition et peur d’un déclassement
Désormais, les femmes au foyer sont de moins en moins nombreuses. Les femmes se lancent dans des études aussi longues que les hommes, elles sont indépendantes et se lancent dans des carrières ambitieuses. Et cela a forcément un impact sur l’âge de la première grossesse. À savoir que les femmes qui sont mères plus tard n’ont pas moins d’enfants que les autres, seul l’âge de la première grossesse est repoussé en raison des études longues ou de la précarité qui ne permet pas une stabilité financière pour s’imaginer sereinement maman. D’ailleurs, l’âge de la grossesse est souvent un marqueur social : plus les femmes se dirigent vers des études supérieures (donc longues), plus la naissance de leur premier enfant sera dite tardive. En revanche, les femmes ayant un niveau de diplôme inférieur auront généralement un enfant plus tôt que les autres (car leurs études sont plus courtes, et elles entrent forcément dans la vie active plus tôt).
La société actuelle pousse les femmes à s’épanouir autrement
Côté carrière, d’après Maïté Tranzer, psychologue clinicienne, « Ces femmes assument pleinement leur choix d’avoir un enfant plus tard car elles sont d’abord dans une construction de soi avant d’accueillir un enfant dans leur vie. Souvent après avoir privilégié leur carrière professionnelle et leur liberté, elles vont faire ce « choix réfléchi » d’une grossesse tardive, malgré tous les risques que cela peut engendrer (complications liées à l’âge.) »
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La société actuelle pousse en effet les femmes à s’épanouir autrement, personnellement et professionnellement. Et comme il devient difficile d’associer vie professionnelle et vie intime, les femmes ont tendances à « cocher les cases » successivement : s’élever professionnellement puis fonder une famille.
Maïté Tranzer, met aussi en avant un autre point intéressant : « La société actuelle, bien qu’en évolution lente sur le sujet, ne permet pas aux femmes de briser le « plafond de verre » notamment parce qu’il y a une absence liée au congé maternité, puis un éventuel aménagement du temps de travail pour concilier une vie de famille. Cela demande davantage d’attention et d’investissement, qui sont souvent considérés à tort par les employeurs, comme des freins à la productivité et à l’investissement professionnel. Il y a donc ce sujet de quotidien de « vie active », le sujet de la réalisation de soi, et probablement la peur d’un certain « déclassement », de perdre son statut de femme active, son statut au sein de l’entreprise (des éléments que la femme active est allée chercher à la sueur de son front et souvent avec difficulté, peu de femmes parviennent à de hautes fonctions). »
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La tendance du « développement personnel »
Aussi, parce qu’il existe une tendance du développement personnel, les femmes choisissent souvent dans un premier temps une carrière prenante avec un mode de vie très actif, pour leur épanouissement personnel dans l’accomplissement et la réussite, et aussi ne pas perdre la place qu’elles ont gagné dans leur travail. Une fois qu’elles ont accédé à un haut poste ou que leur situation professionnelle les satisfait, enfin elles peuvent mettre tout cela entre parenthèses pour penser à fonder une famille.
La sensation d’être pleinement comblées et épanouies pour se permettre de devenir mère
Camille Rochet précise : « On veut un enfant plus tard qu’avant car il me semble que toute cette tendance du développement personnel, nécessaire en outre, peut parfois être interprété de façon excessive. Nous avons la sensation que nous devons être pleinement comblées et épanouies pour se permettre de devenir mère. Il faut donc développer tous nos talents et toutes nos compétences pour ensuite être disponible. Or, l’enfant n’a en réalité pas besoin d’une mère parfaite! Heureusement ! Il a besoin de cet amour naturel qui naîtra lors de son arrivée au monde. Mais cela, tant que nous ne l’avons pas expérimenté nous ne pouvons le deviner ! »
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La stabilité affective tardive
Le facteur « stabilité affective » est aussi très important avant d’aller plus loin dans son changement de vie personnelle. De nos jours, les femmes se mettent en couple plus tard et prennent le temps pour choisir celui qui partagera leur vie et sera le père de leurs enfants. Et si, au regard de la stabilité affective tardive, on refoulait l’envie d’avoir un enfant durant la trentaine ? Camille Rochet pense que c’est possible : « Il n’y a aucune généralité en la matière, bien évidemment (…) mais pour donner notre amour à notre enfant, nous devons aussi en recevoir suffisamment. Cela se nourrit en partie dans le couple donc ce mécanisme de refoulement me semble tout-à-fait cohérent. » S’ajoute aussi le facteur financier, élément dont les femmes tiennent compte pour apporter une sécurité matérielle et financière aux enfants.
Cette pression rend difficile ce défi de la maternité
Ainsi, la stabilité professionnelle et la stabilité sentimentale sont des facteurs indispensables, poussant la femme vers la sérénité et par la suite vers son envie de maternité. Avant de faire un enfant, les femmes ont envie de se sécuriser. Une théorie confirmée par Camille Rochet : « Aujourd’hui nous avons peur d’un certain nombre de choses : être de bons parents, offrir à l’enfant un couple parental aimant et disponible, offrir tout ce qu’il y a de mieux à l’enfant (ce qui implique d’avoir des revenus financiers satisfaisants, un logement agréable, des moyens de transport…). Toute cette pression rend difficile ce défi de la maternité. C’est ainsi que les femmes attendent souvent de se sentir sécurisées sur tous ces plans et de trouver le conjoint qui pourra aussi les rassurer. »
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La grossesse tardive et l’influence de l’entourage
Si l’on constate que la société a une part de responsabilité dans l’envie d’être mère plus tard, on remarque que l’entourage dans lequel on évolue a son rôle a jouer, de notre mère à notre conjoint en passant par nos sœurs et amies.
La mère, première personne de référence
La femme est en partie influencée par son modèle familial et la mère est en première position. Souvent, plus jeune, on peut se référer à l’âge de la première grossesse de sa mère pour se projeter et se donner une sorte d’objectif. La façon dont notre mère a vécu sa maternité est également un facteur : si notre mère ne témoigne que de bons souvenirs et d’une évidence ou d’une facilité, la maternité ne sera pas appréhendée de la même manière que si notre mère ne parle que de difficultés et d’angoisses. Camille Rochet le souligne : « Si l’entourage ne met en avant que les contraintes liées aux enfants, cela va être compliqué d’assumer mon désir aux yeux des autres. » Et de poursuivre : « Si la famille accueille l’annonce de la grossesse avec joie, ce sera plus facile. Si l’on renvoie l’idée qu’il faut remplir un certain nombre de critères avant d’enfanter, alors cela peut bloquer. »
Le milieu socio-culturel a une grande influence
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Pour finir, le lien mère-fille qu’on a vécu impacte sur l’envie de maternité, selon Camille Rochet : « Si la relation a été satisfaisante, la femme va avoir cette envie de vivre cela avec son propre enfant. Parfois elle a envie de réparer son histoire étant l’inverse de sa propre mère. Dans ce dernier cas, il peut y avoir une crainte à reproduire les mêmes erreurs et donc un temps d’attente plus important pour rassurer dans la capacité à être une bonne mère. «
L’entourage qui nous ressemble, la deuxième influence
Souvent, la femme va prendre comme référence la grossesse de leurs proches, des personnes auxquelles elle peut s’identifier. Ainsi, « les femmes choisissent un âge dit « normatif » de grossesse (qui est très subjectif, propre à chacune car cela varie en fonction de leur entourage) », selon Maïté Tranzer. La femme est aussi influencée par son éducation et son niveau d’études et également l’environnement dans lequel elle évolue. Camille Rochet l’affirme : « Le milieu socio-culturel a une grande influence ». Maïté Tranzer poursuit : « L’éducation et le niveau de diplôme nous conduisent à fréquenter des individus semblables (théorie des appariements sélectifs). On fait le choix de fréquenter des individus qui nous ressemblent culturellement et cela engendre une influence mutuelle (donc s’ils sont diplômés et dans une dynamique de carrière, le modèle repousse effectivement l’âge de la première grossesse. »
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Et l’homme dans tout ça ?
Nos deux spécialistes rappellent bien évidemment que le choix de faire un enfant se fait à deux, et que l’homme a aussi besoin d’être rassuré par une femme qui souhaite également mener à bien ce projet. L’âge de l’homme peut aussi influer sur l’âge de la première grossesse de la femme, encore plus si les deux sont « grands diplômés actifs ». Par ailleurs, l’homme peut jouer son rôle dans l’envie de maternité de la femme en l’encourageant à se lancer, en lui montrant qu’il n’a pas peur et en fantasmant avec elle sur comment sera l’enfant. Camille Rochet nuance : « De nombreuses femmes sont insécurisées par leur homme qui ne les soutient pas dans ce désir. Elles ont peur avant tout de se retrouver seules et cela ne fait pas partie d’un projet d’enfant épanouissant. »
Si l’âge « normatif » de grossesse que les femmes se donnent selon des critères différents en fonction de leur vie est dépassé, cela peut engendrer de l’anxiété et les préoccuper car elles auront cette sensation d’être « en retard » par rapport à leur point de comparaison. Dans cette optique, ces femmes ont tendance à craindre l’horloge biologique…
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L’horloge biologique perçue autrement
Ces femmes qui ont envie d’être mère plus tard suivent l’évolution sociétale, sauf que le corps lui, n’évolue pas en fonction de la société. Maïté Tranzer l’affirme : « Si l’âge de la première grossesse est repoussé, ces grossesses sont souvent dites plus « précieuses » car l’horloge biologique reste tout de même à prendre en considération et il peut y avoir plus de complications (des risques pour la santé). » Et de poursuivre : « Cette peur de l’horloge biologique peut influencer l’envie d’être mère plus tôt, mais cela peut entrer en conflit intérieur avec la construction de soi (développement personnel) et la carrière professionnelle. Bien sûr, c’est très subjectif et cela dépend de l’histoire de chacune. »
Cette horloge biologique tourne un peu trop vite
Dans sa lettre ouverte, Garance Doré qui a tenté d’être enceinte à 40 ans l’affirme : « Cette horloge biologique tourne un peu trop vite. » Elle admet cette « pression sociale » et aussi la pression de l’entourage, qui ne l’ont pas empêché d’écouter ses envies : « Quand j’avais 20 ans, ma grand-mère a commencé à me dire qu’il était temps d’avoir un bébé (…) A 30 ans, ma mère s’y est mise. N’attends pas trop, ce sera trop tard !!! Je n’étais pas encore prête, mais OK, j’écoutais. S’ajoute à cela les amis, les médecins et la pression sociale ». Elle reconnait avoir « joué » encore et encore avec son horloge biologique, en imaginant avoir un enfant seule, puis en repoussant l’idée quand elle a rencontré quelqu’un et a souhaité donner une chance à cette histoire, pensant que cet homme serait sans doute le père de son/ ses enfants. Ils se sont finalement lancés dans l’aventure à 41 ans, en vain.
Bien évidemment, être mère n’est pas une fin en soi et beaucoup de femmes font le choix de ne pas l’être, ne pensant jamais vraiment à cette horloge biologique. Mais quand l’envie est très forte, et qu’elle devient irréalisable parce que l’on s’y est pris « trop tard », c’est douloureux. Si Garance Doré n’a pas d’enfant, elle précise néanmoins : « Nous sommes quand même accomplis, même si nous ne remplissons pas toutes les cases stupides. »
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