Fleabag : 5 bonnes raisons de regarder la série jubilatoire et féministe récompensée aux Emmy Awards
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Fleabag : 5 bonnes raisons de regarder la série jubilatoire et féministe récompensée aux Emmy Awards

Par Morgane Giuliani
Temps de lecture: 6 min

Dimanche 22 septembre a eu lieu la 71e édition des Emmy Awards, qui récompensent les bons élèves de la télévision peu de temps après la grande rentrée. Si Game of Thrones a obtenu le Graal, à savoir, le prix de la Meilleure série dramatique de l'année, pour son ultime et controversée 8e saison, une autre série s'est détachée du lot.

Il s’agit de Fleabag, mini-série de deux saisons (disponibles sur Amazon Prime en Belgique), créée par celle qui était jusqu’alors relativement inconnue : Phoebe Waller-Bridge, auteure, actrice et réalisatrice britannique de 34 ans, également en charge de l’excellente série d’espionnage Killing Eve.

 

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« Non ! Oh mon Dieu, non ! Merci ! Jouer la comédie est extrêmement difficile et douloureux », a déclaré, hilare, Phoebe Waller-Bridge, sur scène. Elle a été récompensée dans les catégories Meilleure actrice dans une série comique, et Meilleure comédie, une première pour une série britannique. En tout, l’équipe a remporté 6 statuettes.

Pour celles et ceux qui n’ont pas pris le temps de découvrir Fleabag, voici 5 bonnes raisons de s’y mettre.

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Son pitch original

Adapté du seule-en-scène éponyme de Phoebe Waller-Bridge, qu’elle avait également écrit et interprété à Londres, Fleabag donne son nom à son héroïne, soit : « sac à mouches ».

Et quelle héroïne : une Londonienne trentenaire célibataire – jusque là, rien d’anormal – à l’humour acerbe. Accro au sexe, flamboyante, Fleabag est paumée, et dépressive, depuis la mort de sa meilleure amie, avec laquelle elle tenait un salon de thé autour du thème des cochons d’Inde. Oui, rien que ça.

 

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La série se détache aussi en rentrant dans la tradition de plusieurs séries britanniques humoristiques comme The Office, How Not To Live Your Life et Peep Show, offrant le point de vue du narrateur comme ancrage, et une approche décalée de la mise en scène.

L’originalité ici veut que Fleabag brise le quatrième mur. En d’autres termes, cette femme au sourire immense s’adresse directement au téléspectateur en parlant à la caméra, l’interpelle, et souvent, alors qu’elle est en pleine discussion. Cette proximité voulue donne l’impression d’être dans la confidence de cette grande solitaire passionnante et hilarante, et rend accro. Très vite, on a envie de devenir sa meilleure amie et faire les 400 coups avec elle à travers Londres.

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Son héroïne imprévisible

Fleabag est un concept, aussi bien la série que son héroïne principale en elle-même. Fuyant son double deuil, celui de sa mère et de sa meilleure amie, la Londonienne se réfugie dans les lits d’hommes rencontrés au hasard. À première vue, cela ne semble pas nouveau.

Mais sa conscience d’elle-même exacerbée et son analyse continue de ceux qui l’entourent, avec un humour mordant et désabusé, empêchent la série de tomber dans le mélodramatique, et la trame facile.

 

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Ce qui rend Fleabag unique, c’est qu’elle ne fait pas semblant. Elle a conscience de ses défauts, sans pour autant les revendiquer. Elle sait très bien qu’en enchaînant les amants, elle ne fait que fuir la confrontation avec elle-même. Elle se sait autodestructrice, mais rit des conséquences, et nous oblige à en rire avec elle.

Si le deuil lui fait peur, elle n’est pas complètement fermée aux autres. Tolérante, elle s’accommode des défauts de ceux qui l’entourent : la nervosité contagieuse de sa grande soeur, la méchanceté gratuite de son beau-frère, la mollesse énervante de leur père, l’indécence scandaleuse de leur belle-mère, ou la vanité ridicule de ses amants.

Malgré leurs défauts, Fleabag témoigne toujours d’une grande douceur, qui lui est rarement retournée. C’est aussi pour ça qu’il est impossible de ne pas s’attacher à cette femme imprévisible. Elle déteste sa belle-mère, mais a parfois pitié d’elle et ne veut pas faire de peine à son père, jusqu’à accepter de s’improviser serveuse à son vernissage. Avant la remarque de trop.

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Son humour décapant

Il faut ainsi mentionner l’incroyable Olivia Colman. Oscarisée en 2019 pour La Favorite, la nouvelle coqueluche du tout-Hollywood interprète ici la belle-mère affreuse et hypocrite de Fleabag et sa soeur, qu’elle essaie d’éloigner de leur père, par possessivité maladive et peur d’une ancienne « rivale » : leur mère. Manipulatrice et grippe-sou, cette artiste forçant le cliché de la provocation facile en basant toutes ses oeuvres sur la sexualité, hérisse le poil et fait hurler de rire par sa cruauté cachée sous des sourires Colgate.

Les personnages de Fleabag sont tous drôles à leur manière, et souvent malgré eux. Sauf que Fleabag se sait drôle, et en joue. Impertinente à frôler l’insolence, même dans les pires moments, elle s’attire souvent les foudres de son entourage, notamment de sa soeur, mais au prix de dialogues savoureux. Si ses proches sont lassés qu’elle fasse son intéressante, ils sont, au fond, bien content que Fleabag mette un peu d’animation, même si c’est parfois par pure maladresse.

 

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Pourtant, la gérante de café n’est pas optimiste. Elle décide simplement de prendre le contre-pied de tout, et lever son sarcasme comme bouclier contre les épreuves. Un numéro d’équilibriste porté par une écriture brillante, que l’on doit à Phoebe Waller-Bridge. Là où les autres adultes semblent endormis dans une vie morne, Fleabag est éveillée par une malice intacte qui la singularise.

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Son propos féministe assumé

Fleabag prend plus de place qu’on ne voudrait lui laisser, et c’est jouissif à regarder. Dans ce monde très imparfait, qui est aussi le nôtre, elle joue de ses larges épaules pointues pour se frayer un chemin et ne pas se laisser happer par la morosité ambiante, et au bout, la vacuité de tout.

Cela passe aussi par une analyse féministe de son rapport aux autres. Fleabag est féministe, et le dit au détour d’une phrase, mais en fait un élément évident de son quotidien. Son féminisme est omniprésent, évident, intrinsèque à son personnage. Il n’a pas besoin de thèse, d’explication, de revendication. On le comprend mieux dans un échange formidable avec une femme d’affaires quinquagénaire, dans la saison 2, jouée par Kristin Scott Thomas, qui se dit « enfin » libérée du regard des hommes, d’avoir disparu. Et c’est un grand pas en avant pour la normalisation du féminisme, ou en tout cas, d’une forme de féminisme, dans la fiction.

 

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Fleabag jure une phrase sur deux, n’a pas peur de parler de sexe, seins, pénis, vagin, flatulences ou injonctions pesantes sur les femmes. C’est là qu’elle trouve une forme de liberté.

On rit, on pleure, on fait semblant d’être scandalisé, on jubile, 12 fois par épisode. En à peine 27 minutes, c’est beaucoup. Les répliques fusent, laminent. Parfois, il suffit d’un regard caméra, d’une moue moqueuse, pour faire passer un message : Fleabag n’est certes pas comme tout le monde, mais elle ne prétend pas à un destin différent. Et pourtant, on ne peut s’empêcher de lui espérer beaucoup mieux.

On a rarement vu autant d’honnêteté émotionnelle sur le petit écran. Chaque épisode est un séisme émotionnel, et on en redemande. Au point que Phoebe Waller-Bridge, sous la pression du succès, s’est lancée à contre-coeur dans une deuxième saison, qui parvient pourtant à surpasser la première. Cette fois, Fleabag en pince pour un prêtre, et essaie d’apprendre de ses péchés. Il fallait le faire.

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Pour l’incontournable Phoebe Waller-Bridge

Vous l’aurez compris : Fleabag est le projet de Phoebe Waller-Bridge, qui l’incarne si bien qu’on a eu tendance à la confondre avec son personnage. Faute, aussi, à son humour impeccable en interview.

D’abord connue pour avoir créé et joué dans la sympathique petite sitcom Crashing, où il est déjà question de trouver sa place dans un monde fou, la Britannique de 34 ans est devenue un phénomène avec le succès critique et public de sa deuxième série originale.

 

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Elle a mis plus de deux ans à écrire la suite de Fleabag, prise entre-temps par un projet d’envergure : la série d’espionnage hautement addictive Killing Eve, avec des personnages féminins également imprévisibles et charismatiques. Une série elle-même multi-récompensée – l’une des deux actrices principales, Jodie Comer, a été sacrée Meilleure actrice dans une série dramatique aux Emmy Awards.

En cette rentrée 2019, Phoebe Waller-Bridge rend hommage à Fleabag en remontant sur scène pour l’interpréter, à New York et Londres. Désormais, les spectateurs font la queue pendant des heures, et l’actrice, scénariste et réalisatrice, n’hésite pas à leur apporter des boissons elle-même.

Désormais, tout le monde se l’arrache. Cela sonne cliché, mais c’est vrai. Daniel Craig a ainsi demandé qu’elle rejoigne l’équipe des scénaristes de James Bond 25, pour y apporter sa modernité mordante à l’agent secret.

Source : marieclaire.fr

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Foodie assumée, obsédée par les voyages, la photographie et la tech, toujours à l'affût de la dernière tendance Instagram qui va révolutionner le monde.

Tags: Fleabag, Série.