Journalistes au monde, Ariane et Raphaëlle sont voisines de bureau, à la section des reporters. Depuis quelques années, elles écrivent ensemble. La communauté est le troisième livre qu’elles signent en duo. Une enquête très prenante sur la ville de Trappes qui a vu naître bon nombre de stars françaises.
Pourquoi ce choix de travailler en duo?
Raphaëlle: Parce qu’on adore! C’est à la fois plus agréable parce qu’il y a l’excitation du partage des infos mais aussi parce que c’est plus facile de construire un livre ensemble. Et puis, on est toujours d’accord! Ça permet de multiplier les forces de travail, de confronter les points de vue et de résoudre les doutes.
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Pourquoi avoir choisi la ville de Trappes?
Ariane: Trappes, c’est une idée de Raphaëlle. On voulait raconter une ville française. Là, ce qui est intéressant c’est qu’on connait la ville pour ses stars: Jamel Debouzze, Omar Sy, La Fouine… Puis, Trappes, c’est aussi un triste record de djihadistes partis en Syrie. Au départ, on ne connaissait pas le chiffre exact, aujourd’hui oui: 67.
Raphaëlle: À travers cette ville française, on voulait raconter 60 années de l’histoire de France: raconter l’émigration, une forme de ségrégation sociale, les difficultés d’éducation, le renouveau religieux, le départ au djihad… Ça nous permettait de raconter tous ces défis et ces débats qui déchirent la France.
Comment avez-vous décidé de traiter le sujet et pourquoi l’avoir fait sous forme d’un livre, par écrit?
Ariane: On a essayé de traiter les choses à plat par l’histoire et la géographie; avec de l’enquête contemporaine. Il y a autant de stars parce qu’ils ont été aidés par une ville qui est restée communiste jusqu’à 2001. On dit que ce sont les « réussites » du communisme municipal. Le conservatoire gratuit pour La Fouine, le club de foot rouge pour Anelka ou Papi, le prof d’impro pour Omar Sy et Jamel. C’était l’idée de trouver une explication. D’une manière, c’est aussi pareil pour le départ au djihad.
Raphaëlle: Ce qu’on voulait, c’était adopter la forme du récit. En faire une enquête très solide, très serrée et très rigoureuse mais l’écrire et la restituer sous forme d’un récit. Cet enchaînement nous a fait penser aux séries d’aujourd’hui: à chaque épisode, on retrouve des personnages qui s’entrecroisent. On a adopté cette forme là pour raconter une histoire vraie. On croit beaucoup au pouvoir de l’écriture. Dans La communauté, on revient beaucoup en arrière et à l’écrit, on peut restituer ce qui n’existe plus, ces familles qui ont disparu du paysage. Ça permettait de raconter tout ça de manière plus vivante.
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Est-ce que les personnalités représentent un espoir pour les jeunes?
Ariane: Les stars sont le fruit du communisme municipal, mais aujourd’hui, il a disparu. Ils ne servent pas toujours de modèles comme on pouvait le penser. Notamment Jamel Debouzze: il est à la fois un extraordinaire conteur de Trappes mais il est très discuté en ville parce qu’il s’est beaucoup moqué des habitants.
Quelle a été votre plus belle surprise? La chaleur des gens! 30 000 personnes qui se connaissent, c’est une communauté.
Et la chose la plus compliquée? Organiser le foisonnement parce qu’il y a une multitude de destins. Montrer que la banlieue qui, généralement, fait peur est une histoire palpitante et qui mérite d’être racontée.
Comment le livre a-t-il été vu à Trappes? Beaucoup de réactions positives. C’est un livre qui bouscule et qui permet à la ville de regarder les défis qu’elle a relevé.
Et si c’était à refaire? On ajouterait un chapitre! L’idée c’était de faire quelque chose sans idéologie; raconter ce que l’on voyait de la manière la plus juste et subtile possible.
Le livre de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin est disponible aux éditions Albin Michel. 20 euros.
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