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Les dénis de grossesse ne sont pas rarissimes : en Belgique, ce phénomène concernerait 3 naissances sur 1000.
« Il ne faut pas confondre un déni de grossesse avec une grossesse dissimulée où la femme sait qu’elle est enceinte, mais cherche à le cacher à son entourage », observe le Pr Philippe Deruelle, chef du Pôle gynécologie, obstétrique et fertilité du CHU de Strasbourg. Ici la femme ignore tout de son état. Elle cache sa grossesse à elle-même. Le psychisme impose sa loi au corps, à un point tel qu’aucun signe habituel de la grossesse n’est extériorisé. Certains symptômes peuvent être perçus, mais ils sont mal interprétés, non reliés à une possibilité de grossesse.
Un ventre qui ne s’arrondit pas
Lors d’un déni de grossesse, la prise de poids est infime (0 à 5 kg environ). « Je me souviens d’une patiente qui attribuait ses quelques kilos supplémentaires à sa surconsommation de pain et de pâtes, après des difficultés financières, et non au fait qu’elle puisse être enceinte », raconte le Pr Duruelle.
Fait encore plus étonnant : malgré la croissance du fœtus, le ventre ne s’arrondit pas non plus. La femme contracte inconsciemment ses muscles abdominaux si bien que son utérus se déploie vers le haut au lieu de s’épanouir vers l’avant. Le bébé ne peut ainsi pas adopter la position fœtale habituelle dans l’abdomen. Il se recroqueville tout en haut derrière les côtes ou bien il est plaqué le long de la colonne vertébrale, en position allongée, derrière les intestins.
En cas de déni de grossesse partiel – révélé entre le 2ème et le 3ème trimestre lors d’examens médicaux pour douleurs lombaires par exemple -, le bébé change de position dès la levée du déni. « Le ventre se distend et s’arrondi dans les jours qui suivent l’annonce », constate le Pr Cyril Huissoud, secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Mais en cas de déni total – qui perdure jusqu’à l’accouchement -, il peut rester plat et tonique jusqu’au bout.
Ni nausées ni tensions mammaires
Même si personne ne voit rien, une grossesse cryptique – l’autre nom du déni de grossesse – implique des changements hormonaux bel et bien réels.
Si un test de grossesse est réalisé, il se révèle positif du fait de la présence de l’hormone bêta-hCG dans l’urine et le sang de la mère. Cette hormone, sécrétée par les cellules qui donnent naissance au placenta, est détectable dès l’implantation de l’embryon dans l’utérus. Son taux augmente rapidement au fil de la grossesse, ce qui permet d’avoir une réponse fiable en cas de doute. Mais quand on est en déni, on ne fait généralement pas de test de grossesse puisqu’on est à mille lieux de s’imaginer enceinte.
Et si l’on en croit les femmes qui ont vécu cette expérience inhabituelle, on ne ressent par ailleurs ni nausées ni tensions dans la poitrine. Tout se joue au niveau du mental. « L’activité de l’hypophyse et de l’hypothalamus, les deux glandes du cerveau qui contrôlent la production des hormones sexuelles, est sans doute modifiée par la puissance du psychisme, suggère le Pr Philippe Deruelle, ce qui peut expliquer l’absence de ces deux symptômes fréquents en début de grossesse ».
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Des règles parfois persistantes
Durant un déni de grossesse, seulement 26 % des femmes seraient en aménorrhée, selon une étude autrichienne de l’hôpital universitaire d’Innsbruck. 44 % auraient des saignements irréguliers, 15 % des saignements réguliers et 7 % des pertes de sang continuelles.
« Les données sont contradictoires, remarque le Pr Cyril Huissoud. Des études françaises récentes estiment en fait que seulement 1 à 2 % des femmes ont des saignements réguliers susceptibles d’évoquer de vraies règles ». Les saignements intermittents semblent en revanche plus fréquents. Leur origine peut être multiple.
La majorité des dénis de grossesse sont levés après le premier trimestre. Or en début de grossesse, plus de 10 % des femmes ont des saignements car, leur imprégnation hormonale n’est pas encore suffisante pour provoquer l’arrêt total des menstruations. On parle de règles « anniversaire ».
Il est aussi possible que des mécanismes de défense psychique contrecarrent l’impact des hormones féminines sur le corps. La muqueuse utérine située sous le site d’implantation de l’embryon peut alors continuer à saigner sous forme de spottings durant le premier trimestre sans mettre la grossesse en péril.
Un saignement léger peut également provenir du col de l’utérus, après une relation sexuelle par exemple, car celui-ci est très vascularisé au cours de la grossesse.
Les mouvements du bébé mal interprétés
La future mère n’étant pas consciente de ce qui se déroule dans son corps, les signes émanant de l’enfant en devenir sont systématiquement interprétés de façon erronée.
Les mouvements fœtaux, ressentis habituellement à partir de la vingtième semaine de grossesse, sont souvent assimilés à des désordres digestifs (gaz intestinaux, gastroentérite…). Beaucoup de médecins se laissent aussi berner : 38 % des femmes en déni auraient consulté pour des symptômes abdominaux sans que leur grossesse ne soit diagnostiquée, selon un rapport 2010 du CNGOF.
À la naissance, les bébés sont souvent plus petits que la moyenne, mais il est difficile de savoir s’ils sont à terme puisque la grossesse de leur mère n’a pas été suivie. Même en cas de déni total, le travail se met en route normalement. Un accompagnement psychologique est ensuite vivement conseillé pour amoindrir le traumatisme et la culpabilité.
Cet article est paru pour la première fois sur Marie Claire France.
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