Qui est Tamino, l’envoûtant artiste anversois à la carrière internationale ?
© Herman Selleslags

Qui est Tamino, l’envoûtant artiste anversois à la carrière internationale ?

Par Joëlle Lehrer
Temps de lecture: 5 min

À vingt-cinq ans, Tamino fait partie de ce cercle restreint d’artistes belges menant une carrière internationale. Sahar, son deuxième album, compte parmi les grands événements de la rentrée. Angèle y est venue faire un tour.

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Les uns le comparent à Jeff Buckley, d’autres à Radiohead. Mais ce très grand garçon, de près de deux mètres, ne peut se comparer, en fait, qu’à lui-même. Il conjugue à la fois la douceur et la force, énormément de présence et de profondeur. Et à la fin de ce long entretien, nous avions l’impression d’être devenus amis.

Sahar, le titre de ce nouvel album, est à la fois un prénom arabe et un mot désignant le moment qui précède l’aube. Alors, quelle en est sa couleur ?

Je suppose qu’elle est légèrement orangée. Cette couleur n’a pas particulièrement influencé l’album. Le titre m’est venu une fois que j’avais écrit toutes les chansons. Lorsque je suis rentré chez moi, la tournée ayant été interrompue en raison de la pandémie, j’ai dû me réhabituer à rester à la maison. Je me suis remis à l’écriture, après deux semaines et tout est revenu très vite. J’ai écrit et composé beaucoup de chansons dont dix semblaient avoir une connexion entre elles. J’ai alors cherché un titre qui les résumait. Il se fait que Sahar signifie aussi la fascination. Et « Fascination » est l’un des morceaux de ce disque. Je pense aussi que cela parle d’un moment entre deux états, la nuit et le jour, l’adolescence et l’âge adulte. Je ne suis plus un teenager mais je ne me sens pas déjà adulte pour autant.

Votre vie a beaucoup changé, ces trois dernières années. Et vous avez dû assumer plus de responsabilités.

Surtout dans un certain domaine, celui de la musique. Dans ce domaine-là, j’ai grandi et évolué mais pas autant dans les aspects privés de ma vie. Cela prend du temps de bâtir les fondations d’une vie privée. Je vis à Borgerhout, près d’Anvers. C’est très multiculturel et j’adore.

 

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Sur cet album, vous jouez pour la première fois du oud, une guitare orientale. Cela signifie-t-il que vous cherchiez à puiser davantage dans vos racines égyptiennes ?

Absolument. Mon grand-père et mon père ont joué de cet instrument. Maintenant, je comprends mieux comment ils ont composé leurs chansons. Le oud est un instrument très ancien qui a évolué avec le temps. Il me donne l’impression d’être relié à l’histoire. J’ai vécu au Caire durant ma petite enfance avant d’arriver en Belgique. J’y suis retourné plus tard. Cette ville est incroyablement vivante.

De nombreux musiciens sont présents sur cet album et parmi eux, Colin Greenwood de Radiohead. Il est, pour ainsi dire, devenu votre pote.

Oui, il joue de la basse avec nous. C’est un peu surréaliste, en effet. Mais on oublie très vite le statut d’un musicien lorsqu’on travaille avec lui. Radiohead a toujours fait partie de mes groupes favoris.

Parmi vos influences, vous citez votre grand-père, Jeff Buckley et Radiohead. Avez-vous été touché, récemment, par d’autres artistes ?

Le nouvel album de Kendrick Lamar, Mr Morale & The Big Steppers, est proprement phénoménal ! C’est une œuvre d’art, selon moi.

Vos textes témoignent d’un grand sens poétique. D’où cela vient-il ?

Je ne me définirais pas comme un poète. Pour moi, un poète médite sa poésie avant de l’écrire. Dans mon cas, les mélodies et les paroles des chansons n’arrivent que lorsque je me mets au travail. Cependant, je lis énormément de poèmes et également les textes d’autres artistes. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens prennent le temps de découvrir les paroles des chansons et d’en donner leur propre interprétation. Si une chanson n’avait aucun sens, je ne pourrais pas la chanter.

Êtes-vous croyant ?

Je ne crois pas en un dieu anthropomorphique. S’il existe une force créatrice supérieure, je ne pense pas qu’elle ressemble à ce que nous enseignent les religions monothéistes. Mais je crois que nous sommes tous branchés à une force créatrice immense. C’est ce qui nous relient les uns aux autres en tant qu’êtres humains.

Si l’on prend au pied de la lettre un titre comme You Don’t Own Me, en amour, vous n’êtes pas possessif.

Je ne le suis pas, en effet et je ne tiens pas à être avec quelqu’un qui le serait. Cependant, cette chanson traite de l’oppression, en général. J’espère qu’elle sera revendiquée par des gens qui sont opprimés. Que ce soit par un pouvoir politique ou dans une relation amoureuse. En tant qu’artiste, ma plus grande responsabilité est d’amener les gens à se connecter. Je refuse de contribuer à entretenir des divisions et des haines entre les gens. Je ne choisis pas un camp, je choisis l’humanité.

Il y a un duo sur ce disque intitulé Sunflower. Avec qui le chantez-vous ?

Angèle. Sa voix est étonnante ! Lorsque j’ai écrit ce morceau, je pensais qu’elle pourrait le chanter. Nous l’avons enregistré à Paris, à son retour de New-York et elle était jetlaguée. Mais en une journée, nous avons réussi à faire ce duo. Cette chanson s’inspire de la mythologie grecque et de l’histoire d’amour entre la nymphe Clytie et le dieu du soleil, Apollon. Après l’avoir aimée, il l’abandonna. Elle pleura tant qu’elle se transforma en fleur de soleil, le tournesol. Et dans cette chanson, j’ai introduit un autre personnage, un jeune homme qui tombe amoureux de cette fleur et la protège. Mais l’un comme l’autre vivent un amour non partagé.

 

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Lorsqu’on écoute My Dearest Friend and Enemy, on est impressionné par votre capacité vocale. Vous pouvez monter très haut.

Il s’agit fondamentalement de falsetto. J’en faisais plus sur le premier album. Et je refuse d’en faire un gimmick.

Vous faites partie de ces très rares artistes appelés à se produire sur des scènes américaines. Comment cela se fait-il ?

Je ne sais pas. Les Américains sont très accueillants. Peut-être parce que leur pays a été fondé par des immigrés. Je les trouve fort ouverts à d’autres cultures. Ils se montrent très sensibles aux paroles, sans doute parce qu’ils les comprennent mieux. J’ai été frappé par la diversité du public qui assistait à mes concerts dans les grandes villes américaines. On ne trouve pas ça chez nous.

Quels sont les endroits à Anvers que vous recommanderiez à des amis venant de l’étranger ?

La salle de concert du Roma, le Bar Bakeliet à Borgerhout, le Bar Leon où l’on joue aux échecs le lundi soir, le Studio qui accueille toutes les disciplines artistiques. Pour les restaurants, je suis fou de cuisine japonaise et je recommande Izumi et Kato.

On connaît votre intérêt pour la mode. Où achetez-vous vos vêtements ?

À Anvers, je vais chez Think Twice, Episode et dans de nombreux magasins de fripes. Je porte aussi les créations de mon ami Jan-Jan Van Essche qui s’inspire notamment des motifs ethniques. Et je porte aussi des pièces d’Ann Demeulemeester.

Donc, ce n’est pas nécessaire pour un artiste de votre renom d’être labellisé par une marque de mode ?

Si je recevais une proposition de contrat exclusif, je l’examinerais. Mais ne porter qu’une seule marque m’est un peu étrange.

Quels sont les créateurs de mode qui ont votre faveur ?

Yohji Yamamoto, je le trouve génial. J’aime aussi beaucoup Hermès. Leur approche me parle. Ils ne cherchent pas la hype à tout prix. Et leurs pièces sont intemporelles.

Tamino, Sahar, Virgin Music, sortie le 23 septembre. En concert les 5, 6 et 7 décembre au Cirque Royal, à Bruxelles.

 

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Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.

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