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Ce n’est ni une question de pouvoir d’achat, de salaire ou de “niveau” social : quel que soit son revenu, il y aura toujours des personnes plus riches que soi, ou du moins plus flambeuses. Et quand ces personnes sont des amis, cela peut créer une gêne voire un malaise. Longtemps, j’ai été cette personne, pas la flambeuse l’autre. Celle qui n’ose pas dire non et qui préfère dépenser ses chèques d’anniversaire en restaurants ou en verres pour faire comme les autres, celle qui s’endette auprès de ses parents pour partir en vacances et qui envisage sérieusement de sauter un ou deux repas pour “rester dans les clous”.
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Je me souviens par exemple de mes vacances de l’été 2008 : deux semaines dans une villa de 16 personnes sur la Costa Brava. Si le cadre était idyllique, les premières courses au supermarché m’ont fait plonger dans une torpeur inconnue jusqu’alors. Tandis que je sélectionnais avec précaution des boîtes de thon et de maïs dans l’optique de faire des grandes salades, mes acolytes optaient quant à eux pour des homards bleus importés directement de Bretagne. Rebelote au rayon charcuterie : les zinzins envisageaient très sérieusement de s’offrir un jambon serrano entier à 110 euros pièce. Ce qui m’a sauvée ? C’est que je n’étais pas seule à suffoquer à la caisse et que nous avons décidé de nous désolidariser à trois, à manger des plats simples et économiques, seules dans notre coin. Pas très convivial mais bon.
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“La notion de l’argent entre amis est un sujet récurrent. Il se pose toujours là, à un moment ou à un autre. On peut soit être confrontés à un entourage plus aisé financièrement que nous ou bien l’inverse, à savoir que moi, je suis plus riche que ceux qui m’entourent”, résume Aurore Le Moing, psychothérapeute en région parisienne, qui questionne ensuite les limites à ne pas franchir, d’un côté ou de l’autre. “La complexité de cette question réside dans le fait que chaque être humain a un rapport différent à l’argent. Qu’il en ait beaucoup ou pas du tout d’ailleurs. Vous n’avez jamais remarqué dans vos amis, que ce sont les mêmes, riches ou pauvres qui seront les plus généreux, et inversement, ceux qui font plus attention, qui ne se battront jamais pour payer une addition ?”, interroge-t-elle alors.
L’addition, entre sketch et drame
Ah l’addition ! Ce moment fatidique qui cristallise tout un tas d’angoisses et de non-dits. Si Muriel Robin en a fait un sketch dans les années 90, c’est un passage qui fait rarement rire les convives, surtout ceux qui comptent leurs sous. Je me souviens d’un dîner pour l’anniversaire d’une amie où par économie j’avais fait l’impasse sur le vin, l’entrée et j’avais tenu à partager un dessert. Mais à la fin, on a divisé la note en 5 (car oui, très logiquement on prenait en charge en plus le repas de la star de la soirée). Résultat ? J’ai payé 68 euros pour un burger et une demi tranche de pain perdu. Un grande réussite. Une situation dans laquelle se reconnaît Astrid qui préfère désormais ne pas sortir, que de devoir avouer que c’est une question d’argent. “Maintenant, je privilégie les sorties avec mes amis proches, leurs anniversaires, etc et je fais l’impasse sur les soirées moins importantes”, avoue-t-elle.
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Cette gêne, Charlotte, néo-parisienne de 23 ans, la ressent quelques fois. “Me plaindre serait indécent. Mon niveau de vie est loin d’être un problème”, confie la jeune fille. “Mais je me demande quand même si on peut rester amis en grandissant, si on ne gagne pas approximativement la même chose. Et parfois, je me dis que non”, ajoute-t-elle. Sans pour autant se focaliser sur ces questions, elle y pense régulièrement. “Quand mes amis racontent leurs dernières vacances ou parlent du dernier restaurant qu’ils ont testé, ils ne le font ni pour flamber, ni pour me froisser. Mais à un moment, le prix vient dans la conversation et assez systématiquement, je calcule l’écart dans ma tête. Mais à vrai dire, je n’en parle jamais”.
Money, Money, Money
C’est précisément cet aspect tabou qui entoure la question financière qui crée le malaise, et nous entraîne parfois dans des situations inextricables, comme moi et mon homard gate. Charlotte par exemple a longtemps refusé de se priver de moments qu’elle estimait précieux, quitte à se mettre dans une situation inconfortable pour le reste du mois. “Un été, j’ai voulu suivre une de mes amies pour un voyage de rêve : 15 jours à Miami et aux Bahamas. Elle ne comptait rien ou presque : hôtel de luxe, restaurants tendance, shopping… Je me suis sentie pousser des ailes. Je me suis adaptée à son train de vie, sans qu’elle ne me demande rien. Mais le retour en France a été très douloureux et j’ai dû me faire une raison”, philosophe-t-elle.
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Cécile, 28 ans, a dépassé ce tabou et ce depuis longtemps. « Mes amis savent très bien que selon les périodes, je n’ai pas toujours les mêmes moyens qu’eux. D’ailleurs, la plupart du temps, ils anticipent et se débrouillent pour payer les tournées ou les restos à ma place, en catimini. Et franchement ça me touche », confie-t-elle, en avouant tout de même que parfois, cette générosité l’embarrasse. « Je sais très bien qu’ils font ça pour qu’on passe tous des bons moments ensemble, mais je ne peux pas m’empêcher d’être gênée. Pour me rassurer, je me promets que dès que j’aurais les moyens, je paierai à mon tour de tournées ».
Prix d’amis
“En vérité, il faut se demander ce que l’argent représente pour nous et être au clair avec cela. Si l’on a envie de dépenser pour nos amis, peu importe nos moyens, allons-y. Mais il ne faut en aucun cas les tenir responsables de cela ou attendre forcément la même chose de leur part en retour. Après tout, chacun doit être libre de pouvoir faire ce qu’il veut”, ajoute Aurore Le Moing, magnanime. Avant d’expliquer que selon elle, on devrait avant même de programmer des vacances entre amis, demander à tous les conviés leur budgets et leurs envies, pour pouvoir faire les meilleurs compromis.
Charlotte partage cette idée et avoue qu’elle sous-estimait nettement la puissance de son amitié. “Les vrais amis entendent sans problème qu’on n’a pas forcément les mêmes moyens et se fichent du restaurant tant qu’on est ensemble”, sourit-elle. Cécile acquiesce en ajoutant qu’il faut avoir sacrément confiance pour parler d’argent, ou surtout du fait qu’on en ait pas tant que ça. « C’est à ça qu’on reconnaît les vrais amis selon moi », sourit-elle. Quant à moi, disons que le temps a fait son oeuvre et que je sais désormais que l’amitié ne se mesure pas au nombre de homards dégustés.
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