Sommaire
Voilà un couple, comme nous. Mariés, parents de deux voire trois enfants. Le même âge, les même crises d’adolescence à gérer, les mêmes envies de sorties le dimanche. Il y a là, dans cette rencontre, une gaieté, une légèreté qui donnent une animation nouvelle. Il y a aussi de la tendre nostalgie. Celle des beaux jours en bande de copains quand on avait 17 ou 20 ans.
« Notre fils avait six ans quand mon mari a été nommé en Afrique, se souvient Irène*. Nous avons vécu dans une résidence pour étrangers où nous nous sommes liés d’amitié avec un autre couple français de notre âge, Sylvie et Pierre. La vie d’expatriés est particulière, on vit entre soi : les cocktails, les barbecues, les invitations… C’était une vie facile, festive, comme si nous prolongions nos années d’étudiants. »
Les enfants, copains comme cousins
« Antoine et mon mari sont écrivains, et jusqu’à la dispersion de notre bande, il y avait une petite rivalité entre eux. Elle s’est effacée à cette occasion. C’est là qu’Antoine et Jean se sont découvert les mêmes plaisirs en dehors de leurs bouquins : jogging au petit jour, balades en forêt.
Lire aussi: « Deux mots magiques à se dire tous les jours pour être un couple épanoui »
Lorsqu’ils étaient ensemble, avec Jeanne, enseignante comme moi, on a partagé le plaisir d’être davantage sans nos hommes plutôt casaniers », témoigne Marie*. Le quatuor se met à passer quasiment tous ces dimanches ensemble. Puis se croisent en semaine. Quand leurs enfants vont les uns chez les autres, les parents se rejoignent pour des concerts, voir des spectacles, ou en salons du livre.
Dans ces amitiés-là, il y a une jubilation, un plaisir très particulier, presque enfantin.
« Rencontrer des couples d’amis, c’est une manière d’agrandir la famille, explique la psychologue Véronique Girard*. Autrefois, il y avait les grands-parents, oncles, tantes et cousins, avec qui l’on partageait beaucoup. Aujourd’hui, c’est moins le cas, or il y a un danger à vivre trop replié sur son couple. » Marie emploie la même comparaison : « Pour moi qui ai une famille très absente – comme d’ailleurs mon mari, qui a rompu il y a longtemps avec la sienne – , je crois que cette amitié a créé un cercle familial. »
Lire aussi: « Quelles sont les clés pour en finir avec la charge mentale? »
De vieux amis, comme de vieux amants
Et à l’instar de chaque famille, l’entente n’est pas toujours au beau fixe. Entre ces couples d’amis fusionnels surgit souvent des tensions, parfois des jalousies. « Antoine et Jeanne sont plus mondains que nous, il nous arrive de critiquer leur ambition parfois voyante. Eux nous trouvent très caustiques (à raison). Mais par miracle, parce qu’il n’y a au fond entre nous que de vrais échanges, reste une fraternité qui ne se dément pas. »
Parce qu’il n’y a au fond entre nous que de vrais échanges, reste une fraternité qui ne se dément pas.
Si ce n’est pas vraiment l’amour, ça y ressemble… tant cette amitié à quatre devient passionnelle. « L’été dernier, en Grèce, nous avons eu une discussion qui a tellement mal tourné, que mon mari voulait faire ses bagages et rompre… Nous avons fini par noyer tout cela dans du vin résiné, rembobine Marie. En six ans de ce régime, nous sommes devenus de vieux amis, de la même manière que l’on dit « de vieux amants ». »
Lire aussi: « Et alors, c’est pour quand? »
Quand arrive l’orage
« Dans ces amitiés-là, il y a une jubilation, un plaisir très particulier, presque enfantin, analyse la psychologue Véronique Girard et démontre les témoins. Mais il peut y avoir aussi une dénégation de la réalité de la vie. Il y a du jeu, là-dedans. Et comme tous les jeux, c’est dangereux. Le danger étant qu’un jour le bel équilibre entre ces couples d’amis se rompe, que l’on se sente trahi, trompé, parce que soudain le couple ami va se séparer et, du même coup, mettre à mal le carré magique. »
Durant des mois, nous n’avons plus eu envie de rencontrer d’autres gens, comme si nous étions en dépression.
Irène décrit ces sentiments particuliers ressentis par son binôme lorsque l’autre couple leur apprend leur séparation. Un soir, alors que le carré magique vient de passer le dernier week-end complice à quatre, Pierre téléphone à ses amis pour leur annoncer que Sylvie l’a quitté.
Lire aussi: « Les mamans les plus cools d’Instagram »
« Le ciel nous est tombé sur la tête. Comme si nous venions d’apprendre la mort soudaine d’un proche, c’était aussi violent et incroyable », pour Irène et son mari, plus à l’écoute de sa femme quand le quatuor est redevenu tandem. « C’était presque effrayant de n’avoir rien senti. Rien deviné. Nous avons essayé d’accuser le coup. De continuer à voir Sylvie d’un côté, Pierre de l’autre, mais le lien était brisé. Nous avions perdu la gaieté et surtout la confiance. J’ai essayé de m’en défendre, mais je me sentais trahie par Sylvie. Mon mari, lui, était furieux.
Durant des mois, nous n’avons plus eu envie de rencontrer d’autres gens, comme si nous étions en dépression. Entre mon mari et moi, quelque chose a changé : il est devenu beaucoup plus attentionné, comme s’il craignait qu’il ne nous arrive la même chose. Il faut dire que ce couple avait toujours été comme un miroir pour nous. » Et la femme de 38 ans confie ne pas être tout à fait remise. Encore aujourd’hui.
Quand le mari part avec la femme… du couple d’amis
L’autre danger des ces couples d’amis fusionnels pointé par la psychologue ? Si le désir circule, brisant chaque couple. Ceux de David et Aline, et de Laurence et Yves, par exemple. Les couples de trentenaires entretiennent une amitié si solide qu’ils décident d’acheter en multipropriété une maison face à l’océan où ils se retrouvent chaque week-end. Balades en bord de mer, soirées à écouter de la musique avec les enfants autour d’eux… Un rêve pour Aline*. Un rêve entaché d’un doute : David, son époux, s’éloigne.
Lire aussi: « Parentalité: 4 conseils pour mettre des limites (et s’y tenir !) »
Elle le sent et en parle avec Laurence, sa meilleure amie qui la rassure, lui disant qu’elle sait, par son mari, aussi associé à David, que ce dernier travaille jour et nuit. Aline déchante quand David lance, au cours d’une dispute, avoir une liaison avec Laurence depuis trois mois. Le mari et la meilleure amie d’Aline s’aiment, veulent divorcer pour vivre ensemble. « C’était l’horreur, la trahison totale, un vrai cauchemar. »
Ainsi, peut-être y a-t-il une subtile distance à respecter dans ces amitiés, suggère Véronique Girard. « Cette petite distance qui permet précisément à l’amitié comme à l’amour de vivre au long cours. »
*Témoignages récoltés par Anne B. Walter, et publié dans Marie Claire, 2006. Source : marieclaire.fr
Si le sujet vous intéresse, lisez aussi « Hypersensibilité: défaut ou cadeau« , « La phrase magique pour qu’un enfant arrête de faire une crise » et aussi « Pourquoi il faudrait (vraiment) ne rien faire le weekend pour être heureux et épanouis »