Nouvelle icône du rock alternatif californien, Blondshell aborde des thèmes personnels profonds dans If You Asked For A Picture, son nouvel album. À vingt-sept ans, cette Américaine a choisi d’être comme une mère pour elle-même et de fuir les liens toxiques. Confidences au soleil.
Blondshell, aka Sabrina Teitelbaum, est une artiste complète qui puise son inspiration de son vécu, cool et sain à Los Angeles et excitant mais crevant à New York, de ses histoires familiales ou amoureuses, de sa relation avec elle-même. Elle rayonne bien au-delà des frontières américaines. Hier, elle était à Berlin, aujourd’hui à Bruxelles où elle chope la lumière du soleil comme personne avec de jolies lunettes Prada…
L’idée qui découle du titre de l’album est que chaque chanson qui s’y trouve, révèle une photo liée à une histoire et non l’histoire entière. N’est-ce pas un peu souvent le cas dans les chansons ?
Non, je ne le pense pas. Disons que le titre de l’album recouvre aussi la façon dont on s’adresse aux autres avec l’intention d’être parfaitement compris. Mais ce n’est pas un but très réaliste. Du coup, il s’agit de partager une photo d’un moment de votre vie et de voir comment via ce biais, vous pouvez vous connecter aux autres. C’était cela ma référence. Mais, parfois, il arrive que des chansons tentent de relater une histoire entière.
Pourquoi, à ce stade-ci de votre vie, désiriez-vous creuser dans vos relations familiales pour en extraire des chansons ?
Parce que j’ai pris un peu de distance par rapport à ces liens familiaux et que, plus jeune, je n’arrivais pas à prendre de l’altitude. J’ai 27 ans et je suis plus à même, aujourd’hui, de considérer les choses avec une perspective différente et davantage de compassion. Toutes les relations que nous avons dans la vie doivent beaucoup à nos relations familiales, qui étaient les premières que nous ayons connues. Donc, on ne peut pas franchement les séparer les unes des autres.
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Pour cet album, comme pour le précédent, vous avez collaboré avec le fameux producteur Yves Rothman. Quelle connexion avez-vous avec lui? Et que retirez-vous de cette association ?
Notre relation est honnête. Notre background est très similaire. Nos choix esthétiques se ressemblent, que ce soit dans la musique ou dans la mode. Il nous arrive de nous habiller de la même façon.
Vos références musicales, sur ce disque, étaient notamment Queens of The Stone Age et Red Hot Chili Peppers. C’est vraiment du rock californien pur.
Absolument. Je suis née et ai grandi à New York jusqu’à mes dix-huit ans. Ma musique recèle une grande part new-yorkaise. Mais je cherchais quelque chose de plus équilibré et je vis en Californie depuis dix ans. Et je tenais à ce qu’il y ait un son rock californien sur ce disque.
Emprunter des codes du rock californien établis par des groupes masculins, comme ceux précités, était-ce un geste féministe ?
Ce n’était pas un exercice intellectuel, mais juste une volonté de ma part de sonner comme ça. Et je voulais avoir cette masculinité sur mon album.
Parce que vous êtes une badass ?
Oui !
Ne pensez-vous pas que n’importe quelle femme dans cette industrie de la musique doit être une badass ?
Oui, on doit l’être. Et je suis ma propre boss.
On constate, depuis quelques années, que les artistes féminines dominent les charts et reçoivent le plus de récompenses. Vous sentez-vous porter par cette vague ?
Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une vague. Les femmes ont plus d’opportunités que par le passé. Je bénéficie des progrès sociaux qui ont été faits dans ce domaine de la musique. Si j’avais voulu faire ce job dans les 70’s, 80’s ou 90’s, cela aurait été beaucoup plus ardu qu’aujourd’hui. Il n’empêche que l’on doit toujours davantage plaider sa cause que si l’on était un homme. Et historiquement, il reste des endroits peu sûrs pour les femmes, comme les studios d’enregistrement, les salles de concerts ou les sites de festivals. Donc, des difficultés demeurent mais ce n’est en rien comparable à ce que cela a été il y a quelques décennies.
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Qu’est-ce qu’une rockeuse telle que vous est autorisée à dire et à faire par ces temps politiquement troublés ? Vous sentez-vous restreinte ?
Je prête attention à ce que je dis. Parce que c’est assez facile pour d’autres de mal vous comprendre, spécialement dans les choses écrites où le ton et le geste n’apparaissent pas. Donc, je fais gaffe mais je peux faire ce que je veux avec ma musique et sur scène. Et puis, ceux qui viennent me voir en concert connaissent mes intentions.
Sur certains morceaux, vous abordez les comportements toxiques que l’on peut avoir à son propre égard, notamment l’autosabotage. C’est souvent propre aux femmes qui se montrent très critiques envers elles-mêmes.
Je suis d’accord avec vous. C’est très compliqué d’être complètement gentil avec soi-même, d’autant qu’il n’arrive jamais que tout le monde nous ait traité avec 100 % de gentillesse. C’est vrai que c’est un thème très féminin. Parce qu’on nous a enseigné qu’il fallait en faire beaucoup plus et que nous devions prendre soin de nos frères et sœurs, de notre compagnon. Tout cela étant un vrai travail émotionnel. Et cette autocritique constante que nous avons vient de là.
Essayez-vous d’être votre meilleure amie ?
J’essaie d’être comme une mère pour moi-même. Je tâche de mener une vie saine depuis pas mal de temps. Et la psychologie américaine de ces dernières années met en avant l’attitude d’être un bon parent pour soi-même.
Blondshell, If You Asked For A Picture, Partisan Records, sortie le 2 mai. En concert le 17 septembre au Botanique.
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