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À trente-trois ans, Mustii, de son vrai nom Thomas Mustin, offre l’album que l’on pouvait rêver pour les fêtes ou pour n’importe quelle party dansante et joyeuse. Pourtant, comme toujours chez lui, il y a une part d’ombre et de mélancolie dans le propos comme dans le texte.
The Maze est votre troisième album. C’est une fameuse étape, non ?
On dit souvent que le deuxième album est une confirmation et le troisième, l’album de la maturité, mais je trouve que ce sont des clichés. Moi, je continue à explorer. Et honnêtement, je ne sais pas compter et ne retiens pas les anniversaires non plus. Ce qui est sûr, c’est qu’il était urgent pour moi de faire cet album parce qu’après l’Eurovision de la chanson, j’aurais pu m’enfermer chez moi et sombrer. J’ai préféré me remettre immédiatement au travail. Je voulais retrouver le contrôle et le plaisir. Avec l’Eurovision, j’avais un peu perdu le sens de mon engagement dans la musique. Je ne me suis pas mis de barrières sur ce disque parce que, pendant quelques mois, j’avais eu l’impression d’être un peu cloisonné.
Votre réaction a été celle d’un survivant.
Complètement. Parce que je n’avais pas vécu l’Eurovision comme une fête, de par la politique qui s’en est mêlée et aussi pour des raisons de production. Je me suis un peu perdu. Je voulais pouvoir me reconnecter à ce que j’aime après ça. Pour autant, l’album ne parle pas de ça. Cet album parle de moi et c’est la première fois que je suis aussi direct dans mes textes. Avant cela, j’utilisais des prétextes. Ici, je me sens beaucoup plus libre pour aborder mon lien avec la communauté LBGTQA. Il m’a fallu du temps pour l’évoquer et pourtant, je suis issu d’une famille ouverte et tolérante. Sur cet album, je parle aussi des milieux underground, des gens que je côtoie dans des fêtes qui sont flamboyants la nuit mais qui ont aussi leurs failles. Dans cet album, je parle également de ma liberté sexuelle.
Cet album est très marqué par des sonorités rock années 80 mais aussi par la culture club.
L’album évoque beaucoup mes dernières années avec de vraies questions d’identité. Et des familles choisies. J’assume l’hommage aux icônes des années 80 comme Grace Jones et sa manière de scander les mots. Dans la culture queer, Grace Jones comme David Bowie sont des figures ultra inspirantes et iconiques. Et toute l’imagerie joyeusement décadente du Studio 54. Et ce contraste entre la célébration et la flamboyance avec une base bancale et un peu abîmée.
Ce décloisonnement des genres musicaux est relativement récent.
On constate cela aussi dans le cinéma. On est toujours à la croisée des genres et à l’hybridation. Après, il ne faut pas que cela devienne un fourre-tout. Il faut que ce brassage soit bien maîtrisé. Un film comme Emilia Pérez, par exemple, est riche et très réussi. Aujourd’hui, on doit jouer avec les codes. On a tendance à dire qu’on ne crée plus rien mais moi, j’ai l’impression que ce mélange des genres est susceptible d’apporter de la nouveauté et des formes singulières. Moi, je trouve ça ultra vivifiant. Je ne suis pas du tout pessimiste par rapport à la création culturelle.
Lennert Madou
Une thématique forte de cet album, c’est la nuit.
L’idée était de développer le thème de la nuit, de la before-party à l’after-party. C’est au travers de ces nuits que j’ai appris à m’assumer. On a une autre acuité, la nuit. Aussi parce qu’on se retrouve dans des safe places.
Qu’appelez-vous « safe place » ?
Des endroits où en tant qu’homosexuels, on ne risque pas d’être stigmatisés, violentés, jugés. On a l’impression de pouvoir être pleinement qui on est. Moi, en rue, je suis incapable de tenir la main de mon mec. Je suis pudique.
Où se trouvent ces « safe places » ?
Dans le centre de Bruxelles, autour du Mademoiselle, il y a L’Agenda. Au C12, de nombreuses soirées queer sont organisées.
Vous rendez hommage à toute une série d’artistes comme Grace Jones et Bowie, déjà cités, mais aussi les Killers ou les Pet Shop Boys.
Oui, le post-punk ou la dance des années 90. Je me réfère aussi à Bronski Beat et à Jimmy Somerville. Ou à Madonna que je vénère. Cette période me fascine aussi bien en musique qu’en cinéma. Et encore une fois parce qu’il y a un contraste entre la célébration et la mélancolie.
The Maze, qui est le titre de cet album, signifie “labyrinthe” en français. Avec qui vous perdriez-vous dans un labyrinthe ?
Avec ma petite chienne Dina. Elle doit son nom au petit chat dans Alice au pays des merveilles. Le labyrinthe est une belle
métaphore de la vie que je voulais conter.
Ces derniers mois, qu’avez-vous appris sur vous-même ?
D’être un peu plus strict par rapport à mes convictions et à moins vouloir faire plaisir à tout le monde. C’est une forme de maturité.
Comment votre look évolue-t-il ?
Pour accompagner ce disque, j’ai envie de jouer avec la flamboyance et le côté club. Et la dualité masculin-féminin. Je désire des tenues raffinées et glam’. Elvis Pompilio a créé spécialement une coiffe pour mon nouveau show et je collabore avec Elke Hoste, professeur à l’Académie d’Anvers. Elle côtoie beaucoup de jeunes créateurs. J’ai envie de travailler avec de nouveaux talents. Récemment, j’ai collaboré avec Florent Seligmann qui est issu de La Cambre. Et j’ai encore envie d’explorer.
Mustii, The Maze, sortie le 4 décembre. En concert à Forest National le 1er février.
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