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Mise en ligne sur Netflix le 26 décembre après avoir été diffusée aux États-Unis sur la chaîne Lifetime, la série YOU a été l’un des derniers succès de l’année pour la plateforme de streaming. Le pitch : Joseph Goldberg (Penn Badgley) est un libraire passionné de livres anciens, qui tombe sous le charme de Guinevere Beck (Elizabeth Lail), étudiante en littérature. Il décide alors de tout faire pour lui montrer qu’il est l’homme de sa vie, quitte à bousculer le cours de sa vie, et essayer d’en prendre le contrôle.
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Cette première saison, inspirée du roman Parfaite de Caroline Kepnes, a été auréolée de succès, recevant des évaluations dithyrambiques sur Google, les forums ou réseaux sociaux. C’est le genre de série qu’on n’arrive pas à lâcher, même au bout de la nuit. Dissection de ce plébiscite, alors qu’une saison deux est attendue sur Netflix pour 2019, cette fois tirée du livre Hidden Bodies.
Attention : ne lisez pas plus loin si vous n’avez pas regardé la saison 1 jusqu’au bout !
Pour Penn Badgley
On l’avait cité comme l’une des premières raisons de craquer pour cette série : Penn Badgley, éternel Dan Humphrey de la série Gossip Girl, est le personnage principal de YOU. On avait peu revu l’acteur de 32 ans depuis la fin des aventures de cette bande à la fois insupportable et culte de jeunes huppés de Manhattan. Il y interprétait un jeune écrivain frustré au milieu de cette jeunesse dorée, parfois laissé pour compte.
Et quel plaisir de retrouver l’Américain, qui s’était ensuite essayé à la musique avec son groupe MOTHXR. Indéchiffrable et intense, il parvient à donner vie avec ambiguïté à cet homme, Joseph Goldberg, jeune libraire new-yorkais solitaire, dont le comportement problématique semble ne connaître aucune limite.
Parce qu’on plonge dans la tête d’un psychopathe
Espionnage, harcèlement, usurpation d’identité, mensonges, meurtre, manipulation… Joseph Goldberg ne lésine pas sur les moyens les plus immoraux et illégaux pour essayer de « conquérir » le coeur de Guinevere Beck, étudiante en lettres qui a eu le malheur de passer la porte de sa librairie. Blonde, mince, drôle, cultivée, maladroite, pleine d’esprit, indépendante, imprévisible, généreuse, secrète, Beck l’obsède dès la première seconde où il la voit. En voix off, Joseph imagine ce qu’elle pense, les raisons qui la poussent à agir de telle ou telle manière. Et nous, on entend Joseph penser en permanence, avec un débit rapide et parfois drôle, quand des pensées beaucoup plus communes entrecoupent ses réflexions effrayantes.
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Le libraire est maître en l’art de trouver des justifications tirées par les cheveux à ses actes plus horribles les uns que les autres. Pour lui, Beck « ne se rend pas compte » qu’elle est malheureuse, mène une vie en-dessous de ses capacités. Joseph est persuadé d’être son remède, son chevalier blanc, celui qui va la sauver et l’amener vers le droit chemin. Celui qui va l’aimer comme elle le mérite. Joseph est très imbu de lui-même, et pense mieux savoir que Beck ce qui est bon pour elle, entend faire le ménage à sa place, et ce, même s’il faut espionner ses messages et aller jusqu’à tuer.
Un mode de réflexion qui fait de Joseph un psychopathe pur jus. Mais voilà, Joseph ne se balade pas avec un imperméable brun, affublé de lunettes triple foyer. Joseph est beau, charmant, intelligent, malin, et puis, attentionné. Très attentionné. Sur papier, il ressemble au prince charmant, pour peu qu’on y croit, et qu’on le voie comme un sauveur. Et impossible d’en vouloir à Beck alors qu’elle tombe petit à petit dans le piège qu’il confectionne méticuleusement.
Parce qu’un personnage de beau gosse psychopathe torturé fonctionne toujours
Beau et terrifiant, Joseph Goldberg bouleverse les repères, les grilles de lecture. Le risque étant qu’aux gens beaux agissant mal, on peut avoir tendance à pardonner plus facilement, être plus tolérants. Encore plus quand on veut nous faire croire qu’ils agissent par « amour ». On (re)pense, alors, à Edward Cullen de Twilight, qui veut contrôler les fréquentations et la virginité de Bella. À Christian Grey, qui veut contrôler les fréquentations et allées et venues d’Anastasie Steele, soi-disant pour la protéger (oui l’histoire se répète, car n’oublions pas que 50 Nuances de Grey est un dérivé de Twilight). Ou encore, à Paul Spector, le serial killer de la géniale série The Fall, où Jamie Dornan (à nouveau), joue l’épitomé du psychopathe « beau gosse », psychologue spécialisé en gestion du deuil en-dehors de ses meurtres scabreux.
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Joseph Goldberg fait partie de cette branche de personnages masculins, qui peut faire tant de mal aux femmes, et aux spectatrices, si l’histoire ne prend pas suffisamment de recul sur leurs actions. Car on est tentées de leur prêter toutes les meilleures intentions du monde et de fermer les yeux sur leurs violences inacceptables. D’autant que l’un des arcs narratifs secondaires les plus importants de YOU est le fait que Joseph tente d’aider, encore et encore, Paco, son petit voisin pris en tenailles entre une mère toxico et un beau-père violent.
Mais la série a raison de proposer un « méchant » si ambigu, car dans la réalité, le propre des manipulateurs est de jouer avec plusieurs faces d’eux-mêmes pour amadouer leurs proies. C’est ce qui les rend si irrésistibles et difficiles à détecter.
En regardant YOU, on espère que Joseph n’ira pas plus loin, ou qu’il fera amende honorable. On se surprend à être d’accord avec lui sur certains points. Oui, Benji et Peach sont des personnes affreuses, qui tirent Beck vers le bas. Et oui, on ne peut nier l’alchimie intense, parfois touchante, au sein du couple formé par Beck et Joseph. Lorsqu’ils roucoulent pendant plusieurs semaines, on se surprend, cette fois, à oublier les méfaits du second. C’est la réussite de YOU : nous mener en bateau en jouant sur les lignes, mais sans quitter son cap.
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Parce que l’héroïne n’est pas parfaite
Si Guinevere Beck est la cible d’un psychopathe, YOU n’en fait pas pour autant la victime idéale, une oie blanche qui n’aurait rien à se reprocher. C’est souvent le seul profil qui semble acceptable aux yeux de ceux qui adorent trouver des failles chez les victimes de violences, utilisées comme moyen de minimiser l’injustice de ce qu’elles ont vécu, et le fait qu’elles n’y sont pour rien.
Beck porte elle aussi son lot de mensonges, et de défauts. L’étudiante a trompé Joseph, même si elle l’a d’abord démenti coûte que coûte, quitte à le faire passer pour paranoïaque, et lui disant que sans confiance, aucun couple n’est possible. Elle fréquente des gens déplorables, vaniteux et inintéressants, et se laisse facilement distraire pour ne pas travailler. Mais comme elle le dit si bien dans une scène de dispute avec Joseph à la toute fin de la saison, lorsqu’elle est enfermée dans le cube de verre, tout ceci n’est pourtant pas équivalent à ce qu’il a fait : l’espionnage, la manipulation, les meurtres.
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Beck est imparfaite, parfois agaçante, mais elle n’en est pas moins victime de la folie d’un homme, qui confond amour et obsession, et se croit tout permis. Elle ne mérite pas ce qui lui arrive, et il faut espérer que tous les téléspectateurs et téléspectatrices soient d’accord sur ce point. Rien n’est moins sûr.
Parce que la série met à mal des clichés sur l’amour
Si on peut être tenté de se concentrer sur les « bons côtés » de Joseph et (sur)analyser ses tendances pour le meurtre et la jalousie pour une maladresse, ou l’expression d’un mal-être pas maîtrisé, le final de la saison 1 de YOU nous montre bien que rien ne l’arrête. Et qu’il n’y a donc, aucune justification pour excuser ses agissements.
Si la société et la pop-culture nous poussent, encore, à rêver du prince charmant sur son cheval blanc qui viendra nous sauver, comme le relève parfaitement Beck sur sa machine à écrire dans le dernier épisode, cette injonction a une limite : le libre-arbitre des femmes. Ce qu’elles décident de faire de leur vie ne regarde qu’elles. Personne, et en particulier un homme, n’a à essayer de contrôler la vie d’une femme, même s’il affirme vouloir uniquement son bien. L’amour n’est pas qu’une affaire d’intentions.
YOU, disponible sur Netflix.
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