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Source : Marie Claire France
Comme beaucoup d’autres secteurs, le monde du travail a été chamboulé par la pandémie de COVID-19. Pour pallier aux pertes auxquelles les entreprises ont dû faire face avec la mise en place du confinement, l’Etat s’est engagé à verser une allocation proportionnelle aux revenus des salariés placés en chômage partiel. Un coup de pouce qui permettait donc aux entreprises de réduire, ou d’arrêter l’activité de leurs salariés.
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Mais en parallèle de ce dispositif exceptionnel, on a pu observer des tentatives de fraude : « L’abus consiste à empocher cette allocation, sans en respecter la contrepartie ; c’est-à-dire, solliciter du salarié qu’il travaille, afin de profiter de l’aide publique tout en limitant la perte d’exploitation », explique Maître Sabine Sultan Danino, avocate à Paris.
En avril, ce sont 8,6 millions de salariés qui ont été soumis au chômage partiel. Certains dans la légalité, d’autres dans la fraude. Nina*, Amélie* et Florent* font partie de la seconde catégorie. Témoignages.
La fraude au chômage partiel favorisée par la peur d’une perte d’emploi
Nina* travaille dans le secteur de la publicité. Diplômée depuis moins d’un an, elle occupe son poste depuis seulement quelques mois. Alors, quand les premières annonces tombent, elle ne comprend pas tout de suite ce qu’il se trame dans l’esprit de son employeur, visiblement peu scrupuleux.
« On a été mis en chômage partiel assez rapidement, se souvient la jeune femme, mais ce n’était pas très clair, je n’ai jamais eu d’explications nettes par écrit de ce que l’on attendait réellement de moi et à quel moment. Je savais juste que j’étais désormais en télétravail, donc j’ai fait comme si j’étais au bureau. »
Le salarié qui refuse de travailler alors qu’il a été placé en chômage partiel ne pourra pas faire l’objet d’une mesure disciplinaire
L’activité partielle étant nouvelle pour la majorité des Français, elle paraissait encore plus effrayante à Nina, sans réelle expérience derrière elle.
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Accaparée par un gros projet, elle a du mal à s’organiser. Surtout qu’elle a peur qu’on lui reproche de ne pas avancer assez vite : « C’est mon premier grand pas dans le monde du travail, je suis la dernière arrivée et au début, je me disais que si je ne travaillais pas autant qu’en temps normal, on se séparerait de moi une fois la crise passée », raconte-t-elle.
Pourtant, Nina aurait été dans son droit en refusant cette situation : « Si la demande est formulée officiellement et explicitement : le salarié qui refuse de travailler alors qu’il a été placé en chômage partiel ne pourra pas faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Il ne commet aucun manquement en refusant de se conformer à la demande illégale de son employeur », explicite Maître Sabine Sultan Danino.
Entretenir le flou pour faire passer la fraude
Amélie*, elle, travaille dans l’hôtellerie. Contrairement à Nina, elle n’a pas eu peur de demander des comptes à ses supérieurs, mais reste au final, dans le flou total.
« Dès que le confinement a commencé, on a eu un mail officiel de la direction pour nous dire que tous les hôtels fermaient (Amélie travaille dans un groupe hôtelier, ndlr) et que tout le monde passait au chômage partiel et était payé à 84% », commence la jeune femme. Depuis, plus de consignes officielles.
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Elle en parle à des amis. Elle apprend alors que certains d’entre eux se sont arrangés avec leurs patrons pour être payés à 100% en faisant une sorte de mi-temps. D’autres ne travaillent juste pas, mais tous ont au moins reçu des consignes claires.
L’employeur peu scrupuleux va user de ruse pour solliciter ce cumul, de façon officieuse, il s’agira d’appels, de suggestions lourdes et insistantes en invoquant ‘la solidarité’
Amélie, de son côté attend toujours des réponses claires. Finalement elle s’entend dire que « le fonctionnement est un peu familial » et qu’il n’y a pas d’obligation mais que personne « n’a pas envie que ça s’écroule non plus »…
« Comme il s’agit d’une fraude et que c’est assimilé à du travail illégal, l’employeur peu scrupuleux va plutôt user de toutes sortes de ruse pour solliciter ce cumul, de façon officieuse. Il s’agira d’appels, de suggestions lourdes et insistantes en invoquant ‘la solidarité’ ou ‘la conscience professionnelle‘ », confirme l’experte avocate.
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Amélie est d’accord pour travailler, mais elle pose ses conditions : « J’ai demandé à ce qu’ils me sortent certains jours du chômage partiel pour que je puisse travailler et dans ce cas-là, aller au bureau ». Car en plus du manque d’informations, elle a du mal à concilier télétravail et surveillance de son bébé.
Pour rappel, dans son communiqué du 30 mars dernier, le ministère de Travail est clair : « Lorsqu’un employeur demande à un salarié de télétravailler alors que ce dernier est placé en activité partielle, cela s’apparente à une fraude et est assimilé à du travail illégal. »
Pourtant, plus de deux mois après la mise en place de ce dispositif, Amélie baigne toujours en eaux troubles : « Hier on m’a sortie du chômage partiel juste une journée afin de préparer un événement, mais une journée ce n’est pas suffisant ! Donc j’ai dû travailler hier et aujourd’hui. Et je pense que je devrais recommencer demain matin », partage la jeune femme. « Je pense que c’est pour faire bien qu’ils nous sortent quelques jours du chômage partiel mais en vérité, on aurait besoin de quinze jours, pas de deux… C’est aussi sûrement pour avoir des preuves que ce qu’ils font est assez réglo », ajoute-t-elle.
Une fraude déguisée en appel à la solidarité
Employé dans une start-up, Florent* est lui aussi en plein flou. Le schéma est le même : pas d’indication précise mais toute une équipe en chômage partiel.
« Au début je n’étais pas vraiment regardant, notre hiérarchie nous avez prévenus que le temps de la mise en place de l’activité à distance, on allait peut-être travailler sur notre jour de chômage ».
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Sauf que ça ne s’est jamais vraiment arrêté. « Beaucoup suivent le même modèle depuis les premières annonces en fait, mais moi je prends mon jour, je sais que ce n’est pas une pratique correcte », précise le jeune homme.
Pourtant, nombreux sont ses collègues qui l’encouragent à travailler pour le « bien de la boite ». « On m’a clairement dit que c’était le meilleur moment de take one for the team – se donner à fond pour le reste de l’entreprise ndlr– et de montrer son implication dans la boite, mais je ne vais pas me faire avoir », soupire Florent.
Que risquent ces entreprises qui fraudent ?
Entre directives floues, discours fuyant et culpabilité, les entreprises qui abusent du chômage partiel ne paraissent pas si isolées que ça. Mais que risquent-elles vraiment ?
Maître Sabine Sultan Danino détaille les risques encourus par ces sociétés :
- Un remboursement intégral des sommes perçues au titre du chômage partiel
- Une interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle.
- 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en application de l’article 441-6 du code pénal (utilisation d’une fausse déclaration en vue d’obtenir d’un organisme public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu)
« Au-delà de toutes ces sanctions cumulables, du risque de redressement Urssaf, fiscale, l’employeur encourt surtout une atteinte durable à son image et à sa réputation », rappelle l’experte avocate.
Reste à savoir quand et comment, les entreprises concernées par ces fraudes seront réellement mises en face de leurs agissements.
Article original : marieclaire.fr. Nous avons jugé utile de reprendre cet article de nos confrères du Marie Claire France car de nombreux témoignages nous indiquent que la situation est très similaire ici, en Belgique.
* Tous les prénoms ont été changés
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