« Nouvelle École m’a permis de mettre le nord sur ma boussole » : qui est Youssef Swatt’s, le rappeur belge révélé sur Netflix ?
© Emma Birski

« Nouvelle École m’a permis de mettre le nord sur ma boussole » : qui est Youssef Swatt’s, le rappeur belge révélé sur Netflix ?

Temps de lecture: 9 min

Des textes percutants, une plume incisive et de la suite dans les idées, Youssef Swatt’s s’impose sur la scène rap au terme d’une victoire décrochée sur Netflix. De ses convictions profondes à sa vision de la misogynie dans l’industrie de la musique, le rappeur belgo-algérien de 26 ans nous a répondu sans détour. Rencontre dans les backstages du Ronquières Festival.

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Révélé au grand public dans la compétition de rap signée Netflix, Nouvelle École, Youssef Swatt’s a démontré, au fil des épisodes et des défis, son talent brut et sa vision aiguisée du genre. Validé par SCH, Aya Nakamura et SDM, le jeune tournaisien a décroché, le 21 juillet dernier, la victoire de la troisième saison de l’émission Netflix, prouvant ainsi que « le meilleur rappeur de France venait probablement de Belgique ». Un coup de projecteur décisif pour celui qui compte déjà une décennie de rap à son actif.

Fort de cette nouvelle notoriété, celui qui rêvait de « remplir l’Ancienne Belgique et enchaîner sur la Cigale » voit aujourd’hui sa carrière exploser au-delà de la frontière belge. Son nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux s’envole, tout comme les streamings sur Spotify et les tickets pour ses concerts.

Tombé amoureux du rap dès son plus jeune âge, Youssef Swatt’s a signé son premier morceau à seulement 15 ans. Il a depuis enchaîné les projets, dont trois albums et un EP, des featurings, s’est produit en festival et en concert et s’est investi dans des ateliers d’écriture pour partager son art auprès de jeunes en institution et de personnes incarcérées.

Avec un regard acéré sur le monde qu’il met au service de sa plume, l’interprète de Générique de Fin n’hésite pas à mettre en lumière des réalités souvent négligées et à susciter des réflexions à travers ses textes. Fidèle à ses valeurs, le lyriciste de 26 ans, biberonné au rap conscient, prône un « héritage qu’il ne travestira jamais ».

Nous avons discuté avec le rappeur belge après son show au Ronquières Festival. Si Netflix lui a permis de briser le plafond de verre, plus rien ne semble empêcher Youssef Swatt’s de briller. Rencontre.

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Qu’est-ce que ça fait de voir son rêve se réaliser après 10 ans de travail ?

C’est incroyable de voir un grand rêve se réaliser. Ce qui est bien, c’est qu’il me reste encore beaucoup d’autres rêves. Pour être honnête, même avant Nouvelle École, j’avais déjà réalisé pas mal de choses. C’est une marche en plus à l’escalier, mais il y avait déjà plein de choses qui me rendaient heureux avant.

Maintenant que tout s’accélère, cela ne vous donne pas un peu le tournis ?

C’est sûr que les choses s’enchaînent très vite. Ça peut paraître vertigineux, mais j’ai le temps de m’y préparer, je suis bien entouré et je prends aussi beaucoup de recul.

J’essaie au maximum de garder une vie normale : éteindre mon téléphone, lire, écrire, boire des verres avec mes potes, me balader, aller au musée. Je fais des trucs vraiment normaux alors que ma vie change complètement, que tout le monde me reconnaît dans la rue, mais je continue juste à kiffer.

Vous avez commencé la musique très jeune. Quel a été le déclic ?

J’ai commencé à écrire à 12 ans sur les conseils d’un prof de français. Un an plus tard, je me suis mis à faire du rap. J’ai fait mes premiers concerts, mes premiers open mic… À 15 ans, j’ai sorti un projet. C’est à cet âge-là que tout a commencé.

Depuis tout petit, j’ai toujours écouté du rap. Pour moi, c’était normal. Mes potes voulaient devenir footballeurs, moi, je voulais devenir rappeur. Et dès que j’ai pu saisir ma chance, j’y suis allé.

Mes potes voulaient devenir footballeurs, moi, je voulais devenir rappeur.

Parlez-nous de vos influences musicales, à quoi avez-vous été bercé ?

L’un des premiers disques dont je me rappelle, c’est l’album de Soprano “Puisqu’il faut vivre” avec son groupe Les Psy 4 de la Rime. J’écoutais beaucoup Keny Arkana, Diam’s, Youssoupha, Kery James, Oxmo Puccino, IAM et Tupac. En plus du rap, j’écoutais aussi de la musique du bled, comme Cheb Hasni, ainsi que de la chanson française.

Le jury de « Nouvelle École » et les médias ont souvent salué votre plume. Comment travaillez-vous vos textes ?

Ce qui m’inspire pour écrire, c’est vraiment le fait de vivre des trucs. C’est un peu paradoxal, mais mon plus grand travail, c’est justement quand je n’écris pas. C’est à ce moment-là que j’essaie d’être le plus attentif, parce que j’ai l’impression que c’est là que je suis le plus productif. J’ai toujours besoin de m’inspirer, de discuter avec des gens, d’avoir des discussions philosophiques, qu’on soit au bar ou en train de regarder un coucher de soleil. Il y a toujours quelque chose qui s’en dégage. 

J’aime bien lire, aller dans des musées, traîner dans les transports. Parfois, je me réveille et je marche dans la ville pendant quatre heures. Je regarde les gens et je note des choses qui me passent par la tête. Mon métier, c’est d’observer ce qui se passe autour de moi et d’en faire des chansons. Si je reste enfermé dans ma tanière, il ne va rien se passer.

On reproche souvent au rap d’être misogyne et d’utiliser des termes dégradants envers les femmes, ce qu’on ne retrouve absolument pas dans vos textes. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Ça fait partie de mon éducation. Chacun a ses valeurs qui lui sont propres. Moi, ça va de soi qu’avec l’éducation que j’ai reçue, surtout avec mes sœurs et ma mère, bien sûr que ce ne sont pas des choses ni que je pense, ni que je dirais. 

C’est vrai qu’on reproche souvent au rap d’être misogyne, et je comprends cette critique puisque j’en écoute aussi. Mais je pense que le rap est le reflet d’une société qui, finalement, est aussi très misogyne. La chanson en général et le cinéma sont aussi misogynes. On tape beaucoup sur le rap, mais les plus grands noms de la chanson française ne sont pas forcément moins hardcore que certains rappeurs qu’on diabolise. 

Bien sûr, j’aimerais que le rap se rectifie là-dessus. Je le souhaite, et j’essaie de le faire à mon échelle. Mais ce n’est pas seulement un problème du rap.

Je pense que le rap est le reflet d’une société qui, finalement, est aussi très misogyne.

En dehors des concerts, vous animez aussi des ateliers d’écriture auprès de jeunes. Qu’est-ce que ça vous apporte personnellement ? 

Les ateliers d’écriture sont très importants pour moi, car c’est une manière de rendre la pareille pour ce qu’on m’a offert. Je participais à des ateliers de ce type quand j’étais petit, alors quand on m’a demandé d’en organiser, j’ai trouvé ça trop cool. C’est quelque chose qui te fait vraiment grandir, personnellement, en tant qu’artiste et en tant qu’être humain, parce que tu partages avec les autres quelque chose qui est impalpable. Tu partages ce que tu as dans la tête avec des plus jeunes ou des moins jeunes car j’ai animé des ateliers avec toutes sortes de publics. Je me rends compte qu’on peut semer des graines chez les gens et les pousser à écrire. 

Youssef Swatt's

Emma Birski

Les artistes de rap ont-ils une responsabilité particulière en ce qui concerne l’influence de leurs paroles sur les jeunes ?

La question de la responsabilité des artistes est compliquée. Pour moi, c’est plus une question en tant que citoyen qu’en tant qu’artiste. Quand on a une certaine audience et une certaine influence, je pense que ça va de soi qu’on doit l’utiliser à bon escient. Mais je ne suis pas d’accord pour dire que les artistes sont obligés de s’engager ou de prendre position. C’est quelque chose que moi j’aime faire, mais je trouve que c’est avant tout mon devoir d’être humain, de citoyen, de grand-frère, de petit-frère. C’est ça qui me pousse à le faire. C’est clair qu’il faut être attentif, surtout quand on traverse une période comme celle-ci où la culture occupe une grande place et où on a la chance d’avoir plein de canaux de communication qui nous appartiennent.

Quelles sont les principales valeurs que vous souhaitez transmettre à travers votre musique ?

Le fait de mettre des valeurs dans ma musique n’est pas une ligne directrice précise. Ce n’est ni calculé ni prédéfini. Ce ne sont pas des choses que j’ai implantées, mais plutôt qu’on m’a transmises par ma famille, mon entourage, la musique que j’ai écoutée et l’environnement dans lequel j’ai grandi. Je suis conscient que la musique peut avoir un impact sur les plus jeunes, et aussi un impact social, donc je suis attentif à inculquer certaines de ces valeurs. Mais je pense aussi que ce n’est pas une obligation et que c’est très cool de pouvoir faire de la musique plus légère, qui est faite pour danser et se déconnecter.

Quels ont été les moments les plus marquants durant l’émission Nouvelle École ?

Ce qui reste le plus gravé dans le marbre, c’est la toute première épreuve. C’est notre premier jour sur un tournage, et le moment où on est le plus stressé. Et le stress, ça grave les choses dans la roche. Et puis après, le plus fou, c’était l’annonce de ma victoire à la finale. C’était quelque chose de tellement intense que limite, je ne m’en souviens même plus tellement mon cerveau était en train de dérailler. 

netflix youssef swatt's

Netflix

Aviez-vous imaginé cette victoire ?

Non, pas du tout. À la base, je participais à Nouvelle École pour la visibilité. Je pensais que j’allais faire deux, trois épisodes et rentrer chez moi. Et puis, j’ai perdu le contrôle.

En réalité, votre talent, votre plume, vos textes, tout était déjà là avant Nouvelle École… Ce qu’il vous manquait, c’était vraiment ce coup de projecteur. N’est-ce pas un peu frustrant ?

C’est clair qu’avant l’émission, il se passait déjà plein de choses, mais j’étais un peu dans une sorte d’entre-deux. Il y avait un plafond de verre et je ne savais pas trop comment les choses allaient évoluer pour moi. J’étais honnêtement perdu. Nouvelle École m’a permis de mettre le nord sur ma boussole et de savoir quelle allait être la prochaine étape. Même si j’avais déjà un parcours avant, l’émission te pousse tellement hors de ta zone de confort avec les épreuves et les enjeux que toi-même, tu te découvres des capacités que tu ne soupçonnais pas.

Nouvelle École m’a permis de mettre le nord sur ma boussole.

Concrètement, qu’est-ce que cette visibilité va changer dans votre carrière ?

Franchement, ça change plein de choses. J’ai rencontré pas mal de nouvelles personnes et je vais continuer à en rencontrer. Mais en soi, je reste sur la logique de faire de la bonne musique, donner plein de concerts et kiffer comme au début, peu importe les enjeux. C’est paradoxal, il y a à la fois plein de choses qui changent et il y en a d’autres qui ne changeront jamais. J’essaie de trouver l’équilibre entre les deux.

Sous vos publications Instagram, on voit souvent des commentaires comme “Merci pour le rap” et “C’est le rap qui gagne”. Que ressentez-vous quand on vous dit que vous représentez « le vrai rap » ?

Quand je lis les commentaires, ça me touche trop. Souvent, j’ai un peu une larme à l’œil. Les gens sont tellement bienveillants avec moi. Je reçois des messages trop mignons. Parfois, je regarde et d’un coup, je m’arrête, je ferme mon téléphone parce que sinon, je vais me mettre à pleurer bêtement.

Ce qui me rend le plus fier, c’est de voir que c’est une victoire qui n’est pas uniquement la mienne. C’est vraiment tout un public qui se l’approprie et c’est une culture qui gagne, donc je suis trop content.

Quels sont vos projets en dehors de toutes les dates qui n’arrêtent pas de s’ajouter ?

Je passe beaucoup de temps en studio pour essayer de préparer la suite, de pouvoir rapidement enchaîner avec de la musique. Et aussi prendre du temps pour moi, partir en vacances.

Y a t-il un album en préparation ?

Je fais plein de chansons. Et après, je verrai ce que j’en fais : est-ce que c’est un EP, est-ce que c’est un album ? Pour l’instant, rien n’est fixé. J’essaie surtout de faire de la musique, sans me prendre la tête.

Vous avez sold out en peu de temps l’Ancienne Belgique et dans la foulée La Cigale, deux salles que vous rêviez de remplir. Il vous reste encore quelques cases à cocher sur votre liste de rêves ?

Il en reste beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup. En Belgique, l’AB, c’était quand même un gros rêve. Un jour, peut-être la Last Arena de Dour, ça serait un truc assez ouf parce que je suis un festivalier de Dour depuis très longtemps. Mais j’ai déjà joué dans ce festival, donc en vrai, c’est déjà coché d’une certaine manière. En France, ce serait de faire l’Olympia, peut-être un jour… Et en dehors des scènes, des featurings de rêve comme avec Youssoupha entre autres.

 

Youssef Swatt’s sera en concert le 5 septembre 2024 à La Maroquinerie, le 13 novembre à l’Ancienne Belgique, le 24 novembre à La Cigale et le 25 novembre au Bataclan. Pour connaître ses prochaines dates et son actualité : @youssefswatts sur Instagram.

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Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.

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