La vie de Gisèle Pélicot bascule le 2 novembre 2020. Ce jour-là, cette femme de 71 ans, mariée à Dominique Pélicot depuis des décennies, apprend de la bouche de policiers de Carpentras (Vaucluse) que son époux la viole depuis plusieurs années, et qu’il l’offre régulièrement à des inconnus recrutés sur Internet après l’avoir droguée.
Près de quatre ans plus tard, le 5 septembre 2024, Gisèle Pélicot s’est exprimée dans le cadre du procès de son époux et de cinquante inconnus, tous accusés de viols.
Gisèle Pélicot face à des « scènes d’horreur »
Pendant près d’une heure et demie, Gisèle Pélicot a donné sa version de cette horrible affaire, devant la cour criminelle d’Avignon et retranscrite par le journal Le Monde. Elle raconte dans un premier temps cette journée de novembre 2020, où les policiers de Carpentras lui ont demandé de venir au commissariat. Son mari, Dominique Pélicot, a été interpellé en septembre 2020 après avoir filmé sous les jupes de plusieurs femmes dans un centre commercial de la ville. Les enquêteurs découvrent sur son ordinateur et son téléphone des vidéos de viol sur une femme inconsciente : Gisèle Pélicot.
Pour la septuagénaire, son mari est « un chic type », « un super mec », répond-elle à l’enquêteur qui la reçoit. Puis, celui-ci lui montre des photos. « Je suis inerte, dans mon lit, et on est en train de me violer, explique-t-elle à la cour criminelle. Mon monde s’écroule, tout s’effondre, tout ce que j’ai construit en cinquante ans. Franchement, c’est des scènes d’horreur pour moi ».
Ce jour-là, elle refuse de regarder les vidéos. Elle ne le fera qu’en mai 2024, quelques mois avant le procès, sur les conseils de ses avocats, Stéphane Babonneau et Antoine Camus. « Elles sont plus atroces les unes que les autres, insiste-t-elle à la barre. Des scènes de barbarie, des viols, je me demande comment j’ai pu tenir. (…) Ils me considèrent comme une poupée de chiffon. (…) Le corps est chaud, pas froid, mais je suis morte sur mon lit ».
Gisèle Pélicot insiste également sur le fait qu’il s’agissait bel et bien de viols. « Et qu’on ne me parle pas de scènes de sexe, ce sont des scènes de viol, je n’ai jamais pratiqué le triolisme ni l’échangisme, je tiens à le dire ». Une réponse adressée aux avocats de plusieurs accusés, qui expliquent avoir seulement participé au scénario d’un couple libertin. « Je n’ai jamais été complice », ni « fait semblant de dormir », affirme-t-elle.
Un procès public au nom « de toutes les femmes droguées et qui ne le savent pas »
Face aux cinq magistrats qui composent la cour criminelle d’Avignon, Gisèle Pélicot aborde la question de la soumission chimique. En effet, son mari, qu’elle appelle désormais « monsieur P. », lui faisait avaler des anxiolytiques à son insu avant de la livrer aux hommes qu’il avait recrutés. « Je parle pour toutes ces femmes qui sont droguées et qui ne le savent pas, je le fais au nom de toutes ces femmes qui ne le sauront peut-être jamais […], pour que plus aucune femme n’ait à subir la soumission chimique ». Elle rappelle également avoir refusé que le procès se déroule à huis clos pour cette raison.
« J’ai un sentiment de dégoût », insiste-t-elle, tout en s’adressant aux accusés : « Ayez au moins une fois dans votre vie la responsabilité de vos faits », leur lance-t-elle. Dans le box des détenus, Dominique Pélicot, avec qui la septuagénaire est en instance de divorce depuis la révélation des faits à l’automne 2020, reste tête baissé. Interpellé en septembre 2020, il avait déjà été arrêté une première fois pour des faits similaires, cette fois en région parisienne, en 2010.
Condamné à une simple amende de 100 euros, il n’en avait jamais parlé à son épouse. « Il y a eu non-assistance à personne en danger. J’ai perdu dix ans de ma vie, jamais je ne les rattraperai », accuse-t-elle.
« Les policiers m’ont sauvé la vie, en investiguant l’ordinateur de monsieur P. », conclut-elle. Dans le même temps, ses enfants ont fait savoir à l’AFP qu’ils souhaitaient désormais que leur nom de famille soit publié dans la presse, ce que plusieurs médias avaient refusé de faire jusqu’alors. « Pas de problème pour eux », ont insisté leurs avocats. « Plus que jamais, ils sont fiers de leur mère ». Gisèle Pélicot porte son nom de jeune fille depuis l’automne 2020.
Le procès est prévu pour durer quatre mois, jusqu’au 20 décembre 2024.
Source : Marie Claire France.
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