L’importance de la représentation positive pour les jeunes d’origine non-blanche
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L’importance de la représentation positive pour les jeunes d’origine non-blanche

Par Charlotte Verbruggen
Temps de lecture: 3 min

La petite sirène jouée par Halle Bailey, une actrice afro-américaine. Michel Yeoh qui remporte l'Oscar de la meilleure actrice. Et chez nous, Babetida Sadjo qui est nommée dans la catégorie meilleure actrice aux Magritte du cinéma belge. Toutes trois ont comme point commun d'être des femmes non-blanches qui brillent par leur talent. Leur réussite personnelle impacte-t-elle les jeunes qui leur ressemblent ?

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Mireille-Tsheusi Robert est autrice et présidente de Bamko asbl, une association belge qui travaille sur les questions de races, de genre et de décolonialité. On a discuté avec elle de l’impact de la représentation positive sur les jeunes d’origine non-blanche et de son importance dans leur construction.

L’impact des médias

« Ça a déjà été démontré que le cinéma, la télévision et les médias ont un fort impact sur les gens en général et d’autant plus sur les enfants. Se voir représenté à l’écran peut avoir un impact positif sur l’image que les jeunes ont d’eux même et par ricochet sur leur estime de soi« , explique Mireille-Tsheusi Robert. Une nomination à une cérémonie ou l’attribution d’un rôle positif et important à une actrice non-blanche a donc un impact positif sur les plus jeunes. Pour la chercheuse, même s’il peut y avoir d’autres critiques à faire au monde du cinéma concernant notamment la place de la femme, ces avancées restent quelque chose de positif.

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Les représentations positives dans les médias impactent donc les jeunes d’origines non-blanches dans la construction de leur identité. Une chose que Mireille-Tsheusi Robert décrit comme étant un « parcours de combattants et combattantes ». Selon elle, aujourd’hui, beaucoup de choses sont remises en question et appellent à se réinventer. « C’est difficile, à notre époque, de se forger une identité et de pouvoir faire des choix en fonction de cette identité. Pour ce faire, c’est un avantage d’avoir des personnes qui nous ressemblent et qui font ces choix pour s’autoriser à faire les mêmes qu’elles. »

La représentation négative

Si les représentations positives impactent ces jeunes, les négatives aussi. Mireille-Tsheusi Robert tient, cependant, à rappeler que les préjugés ne sont pas les mêmes selon les origines. Pour illustrer ici l’impact de la représentation négative, la présidente de Bamko asbl s’est appuyée sur une étude qu’elle a menée au sujet de l’impact du blackface de Père Fouettard sur les enfants noirs. Elle explique que ces enfants perçoivent l’homme grimé comme un véritable homme noir qui donc, leur ressemble.

« Ils le voient faire le clown, le méchant, le serviteur, tous ces rôles en lien avec les stéréotypes ancestraux qui pèsent sur les personnes noires. En conséquence, les enfants s’identifient à quelque chose de négatif. » Cette réaction peut entraîner un rejet de son identité. « Ces enfants vont se construire en mode négatif, en détestant la texture de leurs cheveux, la couleur de leur peau et ils vont chercher à s’éloigner de qui ils sont », explique notre experte. Les représentations négatives ne doivent donc pas être sous-estimées, elles ont un impact concret sur la manière dont les jeunes se perçoivent et par conséquence sur leur confiance en eux.

Une évolution positive ?

Si Mireille-Tsheusi Robert se dit par exemple heureuse de la récente victoire de Michelle Yeoh aux Oscars pour les enfants d’origine asiatique qui vivent aux États-Unis, elle insiste sur l’importance de la proximité. C’est important, selon elle, que ces modèles soient proches pour que les jeunes puissent se dire, « c’est atteignable, elle qui a grandit dans les mêmes conditions que moi et qui me ressemblent a réussi.» Ainsi, une victoire de Babetida Sadjo aux Magritte impacterait donc davantage les enfants non-blancs et plus spécifiquement les enfants noirs qui vivent en Belgique. Pour Mireille-Tseushi Robert « il faut donc éviter, en tant que belge, de capitaliser sur le travail antiraciste des autres et plutôt faire la même chose de notre côté, pourquoi pas en mieux ? ».

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D’après l’autrice, ce sera gagné le jour où « il y aura des personnes non-blanches dans les rôles principaux et que ces rôles ne seront plus stéréotypés, que ces acteurs et actrices pourront jouer l’universel. » Dernière chose, Mireille-Tsheusi Robert rappelle que les choses ne bougent pas comme par magie. Ces choix et ces victoires lors des cérémonies n’arrivent pas sans volonté politique derrière. « Aux Etats-Unis, si Michelle Yeoh a obtenu un Oscar cette année, ce n’est pas un hasard. C’est aussi parce qu’il y a eu un travail militant derrière, une volonté politique de le lui attribuer. »

Pour aller plus loin : Bamko asbl propose des formations féministes et décoloniales du 3 mai au 17 mai prochain. 

 

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