Comment la pandémie a-t-elle influencé nos relations amoureuses et amicales ?
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Comment la pandémie a-t-elle influencé nos relations amoureuses et amicales ?

Par Margo Verhasselt
Temps de lecture: 5 min

Après avoir appris à des millions de couples à gérer la routine, l’adultère et le manque d’érotisme – un concept en perte de vitesse - dans leurs relations amoureuses, la thérapeute belgo-américaine Esther Perel s’intéresse aujourd’hui aux conséquences de la pandémie sur nos relations intimes et sociales.

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Ses ouvrages sur les relations amoureuses ont été traduits dans près de 30 langues. Par le biais des podcasts hebdomadaires Where Should We Begin, elle a rendu ses séances de thérapie accessibles à des millions de personnes dans le monde. Ses conférences TED ont été vues 25 millions de fois environ. Esther Perel fait aussi des apparitions régulières dans les talk-shows d’Ellen DeGeneres et Oprah Winfrey. À 63 ans, cette Belge installée à New York est sans nul doute l’une des thérapeutes de couple les plus célèbres au monde. Sa force réside dans la manière sobre et directe avec laquelle elle véhicule sa vision unique des relations amoureuses, de l’infidélité et du concept de romantisme. Comme le reste du monde, la Belge est restée confinée pendant de longs mois dans un grand appartement de Lower Manhattan. « En tant que thérapeute, j’étais très préoccupée par l’effet de la pandémie sur nos relations », explique-t-elle lors de sa visite éclair en Belgique.

 

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Les chiffres les plus récents émanant du Ministère fédéral de l’Intérieur montrent que la crise sanitaire a clairement impacté la population sur le plan relationnel. Aux États-Unis, mais aussi dans notre pays. En 2020, le nombre de divorces a augmenté de 13% par rapport à l’année précédente. Ce chiffre équivaut à la plus forte augmentation en 5 ans.

Quant aux « déjà divorcés », la pandémie n’a fait qu’envenimer les conflits liés au (non)paiement des pensions alimentaires. En 2020, le service en charge de traiter ce type de problématiques a ouvert 3400 nouveaux dossiers, soit près de 40 % de plus qu’en 2019. Ceux qui cohabitaient légalement semblent avoir moins souffert du confinement. Le nombre de séparations dans cette tranche de la population a diminué de 17 % par rapport à 2020. Certaines régions ont également enregistré un véritable baby-boom, mais à l’échelle du royaume, les chiffres relatifs aux naissances restent comparables à ceux de 2019. « La conclusion – quelque peu succincte – que l’on peut tirer de ces statistiques est que la pandémie a perturbé notre équilibre amoureux, précise Esther Perel. Nous nous sommes soudain retrouvés confrontés à la fragilité de nos vies. Quand l’espérance de vie raccourcit, l’état d’esprit des gens se trouve profondément modifié. D’un coup, ils se demandent ce qu’ils attendent vraiment de la vie. La pandémie a donné un coup d’accélérateur à la nature de nos relations. De nombreuses personnes ont décidé de changer de cap. Par le biais d’une rupture ou… en faisant un enfant.

 

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Dans les deux cas, leurs priorités ont changé. Les mentalités évoluent. Quant au concept de solitude, il a pris une nouvelle dimension. Certaines personnes qui n’étaient pas célibataires ont réalisé qu’elles se sentaient seules au sein de leur couple. L’inverse s’est également vérifié. Même en plein confinement, des célibataires ont pu compter sur un réseau solide. Preuve que la manière dont on tisse et entretient des contacts sociaux n’est pas liée au fait d’être en couple ou non. Si la distanciation sociale nous concernait tous, il fallait s’assurer qu’elle ne se transforme pas en distanciation émotionnelle.»

Les relations sociales ? Notre affaire !

Maintenir des liens et se faire de nouveaux amis devient de plus en plus difficile. Par définition, les personnes qui vivent seules ont plus d’amis, sortent plus, mais elles ont moins de relations sexuelles que si elles étaient en couple. Sur le papier, la vie des célibataires semble plus trépidante. Constamment en quête de nouvelles connexions, ces personnes se sentent par essence moins seules. Selon Esther Perel, les hommes hétérosexuels en couple ont tendance à réduire leur cercle d’amis. « Les femmes font généralement plus d’efforts pour conserver un maximum de contacts. Dans une approche patriarcale et classique du couple, les hommes ne cumulent généralement pas réussite professionnelle et vie sociale épanouie.

Les femmes font généralement plus d’efforts pour conserver un maximum de contacts.

On peut aussi noter que les femmes ont tendance à entretenir les relations de leur mari, des relations qu’elles se sentent tenues de cautionner. Dans une conception très figée de romantisme, nous partons en outre du principe que nous devons être tout pour l’autre. Or, si votre partenaire vous suffit, qu’est ce qui justifie que vous continuiez à voir d’autres personnes ? » De plus, l’amitié est considérée comme moins importante que les relations amoureuses. « On le constate aussi dans le cadre des thérapies, souligne Esther Perel. Dans l’inconscient collectif, un couple est toujours un couple amoureux, un couple cohabitant ou un couple marié. On ne parle jamais d’un couple d’amis. Dans une société patriarcale, l’amour et l’intimité prennent le dessus sur l’amitié, dès lors reléguée au second plan. Nous demandons rarement aux gens d’amener leurs amis à des séances de thérapie. Celui qui prononce le mot “ amour ”, pense à l’amour romantique. Pas à celui qu’on ressent pour ses amis. Cet amour-là est, à tort, peu valorisé. »

Agrandir son couple d’amis

Esther Perel insiste sur l’importance d’être créatif lorsqu’on veut établir des liens et les entretenir. « Si vous voulez que votre vie reste palpitante, vous devez faire de vrais efforts. Autour d’une table, la rencontre de convives qui ne se connaissent pas encore suffit souvent à pimenter la conversation. L’intégration de nouvelles personnes permet d’éviter de rabâcher sans cesse les mêmes histoires. J’aime organiser des soirées où je demande à tout le monde d’inviter quelqu’un d’inconnu. Un bon moyen d’élargir son cercle. D’autant que ce cercle est important pour vous, mais aussi pour l’équilibre de votre couple. Plus vous pouvez compter sur le soutien de vos amis, moins la pression sur votre relation est forte. S’ils n’ont pas le pouvoir de sauver une relation dysfonctionnelle, vos amis influencent la qualité de votre relation, c’est indéniable.

Plus vous pouvez compter sur le soutien de vos amis, moins la pression sur votre relation est forte.

En cas de rupture, nous aimons pouvoir nous raccrocher à nos amis. La nature de nos relations a beaucoup changé. « Sur le plan sexuel, nous sommes plus longtemps nomades. Nous ne nous marions plus à 18 ans. Nous faisons ce que nous voulons jusqu’à 29 ans, puis nous cherchons la personne “ idéale ”. Que vous la rencontriez par le biais d’une application ou dans la vraie vie, cette personne justifie que vous vous désinscriviez de tous les sites de rencontres. Cette même personne a également le pouvoir de vous conforter dans l’idée que cette relation se suffit à elle-même. Le bémol ? Si vous êtes trompé de quelque manière que ce soit, vous perdez tout : le sexe, le mariage, l’amitié et un chemin plus ou moins tracé. Face à un tel vide, on comprend l’importance d’être entouré de vrais et bons amis. »

 

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Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.

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