Interview : Lous & The Yakuza, la révélation de la pop urbaine
© Laura Marie Cieplik

Interview : Lous & The Yakuza, la révélation de la pop urbaine

Par Joëlle Lehrer
Temps de lecture: 4 min

Une fille joyeuse qui chante des choses tristes. Une fille qui porte une grosse bague à chaque doigt. Une fille belgo-congolaise dont on parle jusqu’en Italie. Lous & The Yakuza, la révélation de la pop urbaine, sort « Gore » son premier album, cet automne. Interview.

On se trouve au Serra, un nouveau lieu sur la Place Rogier à Bruxelles. Avant moi, une équipe d’Arte est venue spécialement de Hambourg pour l’interviewer et la filmer. En quelques mois et quelques singles, Lous est devenue la nouvelle pépite belge dont on parle tout autour de la Belgique. Mais elle ne comprend pas qu’elle soit déjà disque d’or en Italie et pas à domicile. « Peut-être parce que les Italiens vous prennent pour une Italienne ? », lui dis-je.

 

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Lous, ce qui est le verlan de Soul, s’appelle en réalité Marie-Piera Kakoma. Ses amis l’appellent Lous ou Piera. Donc, on peut choisir. A dix-huit ans, elle a opté pour son pseudo et en a fait une nouvelle identité. Elle en a vingt-quatre aujourd’hui et rit souvent comme une petite fille.

Quelles sont les grandes voix de la soul qui vous ont inspirée dès le départ ?

Otis Redding, Aretha Frankin, Etta James, j’adorais aussi la voix de Billy Joel. Si non, j’aimais aussi Dalida et Edith Piaf. Elles m’ont inspirée pour ma diction. Je me sentais étrangement connectée à Dalida et à son vécu tragique.

A quel moment êtes-vous passée de la soul à la pop urbaine ?

La soul m’inspirait mais mes morceaux ne l’étaient pas à 100%. Je puisais autant dans le trap que dans le metal ou le r’n’b. Le bridge de « Dilemme » est soul alors que le sound design est parfaitement actuel. J’ai travaillé cet album avec le producteur espagnol El Guincho et les producteurs belges Ponko et Mems. Ces derniers sont issus de la scène urbaine bruxelloise. Je partage avec eux un même amour du groove. Du coup, cet album a été enregistré à Barcelone, Paris et Bruxelles.

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J’ai noté que vous parlez souvent de couleur(s) dans vos chansons, pourquoi ?

Cela fait partie de mon imaginaire. Tout est coloré dans ma tête. On a tous une couleur. Si vous voyiez mon appartement, on dirait que je suis sous acide, il y a des couleurs partout ! (Rires).

Dans « Quatre heures du matin », où vous parlez des agressions sexuelles dont vous avez été victime, il y a quelques années, vous déclarez vous souvenir de l’odeur des agresseurs plus que de leur visage.

L’odorat est encore plus puissant que la vue, je crois. Je me rappelle de tous les parfums. Dans « Bon acteur », je parle aussi d’odeur.

Qui vous a aidée pour ne pas être abîmée toute votre vie par ces agressions sexuelles ?

Moi-même. L’amour que je me porte et celui que les autres me portent. L’amour sauve de tous les maux. Mais c’est beaucoup de travail sur soi. J’ai compris que rien n’est fatal. Le temps fait bien les choses. Mais on ne guérit jamais complètement de ça. Quand je vivais dans la rue (ndlr : elle a été homeless durant quelques mois), je me persuadais que ce n’était pas ma finalité. Je voulais être heureuse.

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L’impression d’ensemble de l’album n’est pas très joyeuse. Je me suis dit que j’allais essayé de vous remonter le moral !

(Rires). Dans la vie, je suis super joyeuse, maintenant. Mais la joie, je préfère la vivre que l’écrire. Cela dit, si la musique était entièrement thérapeutique, je n’aurais plus aucun trauma.

Parallèlement à votre carrière artistique, vous avez fait du mannequinat.

J’ai été mannequin durant un an. Je l’ai fait pour me faire des sous et payer mes factures. Mais après la sortie de « Dilemme », j’ai arrêté. Si non, je suis associée à certaines marques comme Adidas et en tant que Lous & The Yakuza. J’ai également participé à des campagnes pour Louis Vuitton et Chloé. Et cet argent va m’aider à construire des hôpitaux en Afrique. C’est mon grand projet !

Et dans quel pays africain ?

Au Rwanda, d’abord. Le premier hôpital devrait voir le jour en janvier 2021. Le coronavirus a ralenti le projet. Il se fait en collaboration avec le gouvernement rwandais et consiste à développer des petites cliniques dans des zones non industrialisées. Je rêve d’un système de mutuelle performant en Afrique.

Vos deux parents sont médecins donc, avec ce projet, vous rejoignez l’œuvre de vos parents.

Complètement ! Et ils sont touchés par ça.

 

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Vous qui ne tenez pas à être « validée » par la mode, vous êtes tout de même très soucieuse de votre image.

Je pense que la mode est plus ouverte qu’avant aux profils atypiques comme le mien. Pour la campagne Louis Vuitton, ils ont reçu toute une liste de choses que je ne tiens pas à faire. Si, par exemple, j’ai décidé de dessiner des motifs sur mon visage, il est hors de question que je les retire pour une photo.

Depuis le début de cette interview, je suis fascinée par vos bagues imposantes. D’où viennent-elles ?

Les unes sont créées par Acchitto une marque italienne, les autres m’ont été offertes par ma styliste. Quand je suis allée à Londres, pour passer le contrôle, j’ai dû les enlever. Ils croyaient que c’était des armes !

Les mains, c’est très important pour vous ?

C’est la partie de mon corps que je préfère.

Lous & The Yakuza, « Gore », Sony Music, dès le 16 octobre.

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