Hommage à Arno : le poète anarchiste de la chanson s’en est allé
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Hommage à Arno : le poète anarchiste de la chanson s’en est allé

Par Joëlle Lehrer
Temps de lecture: 3 min

Ce 23 avril 2022, Arnold Hintjens, plus connu sous son nom de scène "Arno", tirait sa révérence. En hommage à l'icône nationale disparue à l'âge de 72 ans, nous vous proposons de redécouvrir cette interview réalisée à l'Ancienne Belgique. À l'occasion de la sortie de son treizième album en 2019, Arno se livrait avec le franc parler dont il a toujours fait preuve. Souvenirs.

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C’est un salon privé de l’AB. On est en pleine « heatwave » et Arno porte son éternel veston noir et son tout aussi emblématique jeans noir. Il m’assure qu’en-dessous, il porte un string léopard… On ne compte lui poser aucune question sur son âge car, le rocker a trouvé la parade : « Trop tard pour prendre ma retraite ! »

Ce nouvel album démarre de manière très radicale par un morceau en anglais, «They Are Coming». Parce que vous ne mettez pas d’eau dans votre vin, n’est-ce pas ?

Je répète depuis un certain temps qu’on est revenus aux années 30. Quand on observe ce qu’il se passe en Europe, aux Etats-Unis ou avec le Brexit au Royaume-Uni, c’est incroyable cette montée des extrémismes. Mais c’est le peuple qui a voté pour ces partis et leurs leaders. Sans le peuple, il n’y aurait pas eu Hitler non plus. Je me contente de constater. Mais je suis curieux et j’aimerais savoir pourquoi autant de citoyens votent pour l’extrême-droite. Il ne faut pas oublier que sans les gens, je ne peux pas écrire de chansons. Ce sont eux qui me donnent l’inspiration. Mais je ne veux pas changer le monde et ne tiens pas à ce que tout le monde soit comme moi. Parce que si tout le monde était comme moi, on serait dans la merde ! (Rires)

L’album s’intitule «Santéboutique»…

Cela signifie « bazar », « brol ». Et maintenant, on vit dans une santéboutique. Le monde change très vite. Moi, je n’ai jamais envoyé un mail de ma vie. D’une certaine façon, je suis un analphabète parce que je ne sais pas me servir d’un ordinateur. Je crois que dans cinq ans, on ne fera plus de paiements avec de l’argent liquide. Mais le passé, cela n’existe plus et le futur n’est pas encore arrivé.

Ce sont les gens qui me donnent l’inspiration.

Vous vivez avec cette philosophie du « ici et maintenant ». N’avez-vous jamais ressenti la nostalgie ?

Je suis plutôt sujet à la mélancolie. J’ai des flashbacks mais cela ne me plaît pas même s’il ne s’agit pas forcément de choses négatives. Je n’aime pas ce qui m’extrait de la réalité.

Dans «Santéboutique», vous évoquez le mariage or, c’est un acte que vous n’avez jamais signé de votre vie.

Non, les fleurs sont trop chères. Etre marié, c’est du boulot et je n’aime pas travailler. On tombe amoureux, on se marie, on partage la même salle de bains, on partage tout, après, on se dispute et on divorce. Mais qui sait, peut-être un jour me marierai-je ? Et j’offrirai à mon épouse un canari.

Il me semble que vous avez déjà eu un canari, non ?

Oui, il s’appelait Oscar et il a eu une dépression.

Dans «Naturel», vous avouez être un vieux pessimiste.

Jeune, j’étais anarchiste.

Le passé, n’existe plus et le futur n’est pas encore arrivé.

Qu’est-ce qui vous rend positif et optimiste ?

Pouvoir créer des chansons, donner des concerts. Sans la musique, je m’ennuie. Je n’aime pas les vacances.

Dans «Les saucisses de Maurice», vous relatez avec humour l’histoire d’une femme végane qui tombe amou- reuse d’un charcutier. La folie végane, ça vous amuse?

J’accepte le véganisme et le macrobiotique. Mais j’avais imaginé cette histoire pour un court-métrage. Peut-être le tournerai-je un jour ?

Cela fait un moment que vous n’avez plus joué l’acteur au cinéma. Pourquoi ?

Parce que je fais mes chansons. Il y a un an, on m’a demandé de jouer le mari de Catherine Deneuve dans un film japonais mais je ne l’ai pas fait.

arno micro chanteur

Getty Images – Arno sur scène en 2013.

Donc, vous avez refusé de tourner «La Vérité de Kore-Eda» avec Deneuve et ce film fait l’ouverture de la Mostra de Venise…

Ah, je ne savais pas !

«Oostende bonsoir» est un hommage à votre ville d’origine.

J’y évoque Ostende au crépuscule. À l’heure où apparaissent vivants les tableaux de Spilliaert qui est mon peintre favori.

Vous dressez le portrait de la chanson aujourd’hui dans «Ça chante». Où sont passés les chanteurs de charme bien coiffés ?

Je ne sais pas. Moi, je suis un chanteur de charme raté. Je suis un peu triste pour le rock. Le rock, c’était la révolte anti-système. La musique a été absorbée par le marketing. On vit dans une période très conservatrice. Mais l’esprit de révolte refait son apparition comme le montrent les jeunes manifestant pour l’environnement. Je trouve ça bien. Cela me fait penser aux mouvements contestataires des années 60.

Vous avez collaboré récemment avec Alice On The Roof. Avec quelle autre Belge aimeriez-vous travailler?

J’ai fait quelque chose avec Mélanie De Biasio. C’est ma sœur. Peut-être Annie Cordy ? Et sinon, mon rêve, ce serait un duo avec Mireille Mathieu. C’est une icône.

 

En hommage à Arno, voici une playlist pour réécouter les meilleurs titres du chanteur belge :

Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.

Tags: Musique.