« Je t’ai écrit une lettre » : la BD qui soulève la question des agressions sexuelles
© Agathe Jeannin

« Je t’ai écrit une lettre » : la BD qui soulève la question des agressions sexuelles

Par Irène Sulmont
Temps de lecture: 3 min

Selon une étude publiée en 2020(*), 1/3 des jeunes belges pensent que si une personne ne dit pas explicitement « non », cela ne peut pas être un viol. Dans une société où la notion de consentement sexuel reste malmenée, certaines font le choix de rendre publique leur histoire, notamment par le biais des réseaux sociaux ou de la bande dessinée. L'idée ? Éduquer et démystifier les nombreux stéréotypes sur les agressions sociales. Explications.

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Extérioriser le traumatisme

Au cours d’une soirée trop arrosée, Marion est victime d’une agression sexuelle de la part d’un copain. C’est ainsi que comme de nombreuses victimes, celle-ci entre dans la spirale de la culpabilité et du dégoût de soi. « Au départ, je ressentais de la culpabilité. J’ai vu une psychologue qui m’a fait faire un exercice en me demandant de raconter les faits. Encore et encore. Raconter l’histoire, ça permet de la voir de l’extérieur. Bref, voir la scène c’est un peu accablant. »

 

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Une démarche thérapeutique

Directement après l’agression, Marion a écrit une lettre destinée à son agresseur. L’idée d’en faire quelque chose de public est arrivée plus tard, un an après les faits. Avec Agathe, son amie d’enfance, elles décident d’accompagner ce récit par une bande dessinée. « On a réfléchi ensemble aux illustrations, et à la manière dont parler de ça » nous explique-t-elle. En Belgique, on estime à 20% les femmes qui ont été victimes de viol en 2020*. En conséquence, pour les deux jeunes femmes, la démarche est un catharsis.

 

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Une volonté de sensibiliser

Mais les retours sur le projet sont bons. En somme, nombreux témoignages attestent que cette expérience n’est pas isolée. « En fin de compte, on a réalisé que certaines personnes n’ont pas reçu le soutien adéquat. Il y avaient des filles qui s’autorisaient à parler de leurs expériences pour la première fois » nous confie-t-elle.

“Certains nous ont demandé de mettre la BD sous format papier. Pourquoi ? Établir des cours d’éducation sexuelle ou pour l’éducation à destination d’hommes incarcérés pour des faits de violences sexuelles. Du coup, on a compris que le dessin est une clef de lecture simple et compréhensible. » L’objectif ? Éviter que ce qui lui est arrivée n’arrive à d’autres personnes.

 

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Une BD sous format numérique

Par ailleurs, la BD est imaginée pour un format numérique. En effet, l’objectif étant d’avoir une portée pour tous.tes. « (…) Les réseaux est un moyen pour sortir des sphères féministes. Nous avons la volonté de toucher un plus grand nombre de personnes. Instagram est un moyen de sensibiliser des gens de tous les milieux, contrairement aux blogs ou aux formats papiers. Sans négliger qu’il y a pleins d’initiatives intéressantes. Ça peut donner l’impression d’une grande sororité » nous explique-t-elle.

Pour les deux amies, « ces questions de consentement sont importantes. Dès l’enfance on nous inculque des comportements inappropriés. Par exemple, la Belle au bois dormant avec le baiser dans le sommeil imposé… ». Avant d’ajouter que  » les réseaux sociaux ont la force de dire les choses qu’on ne dit pas (toujours) ».

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« Parler aux victimes et aux agresseurs » pour une société plus apaisée


Pour conclure, la démarche s’ancre dans une logique de pudeur. « Ce qui était important était de parler aux victimes et aux (potentiels) agresseurs. Puisqu’on ne voulait pas être trop directes. Le mot ‘viol’ est banni. » En effet, nombreux hommes ne se sentent pas concernés par ce mot. « On veut parler aux hommes sans être dans l’accusation. Faire comprendre que c’est possible de ruiner une personne. C’est-à-dire que l’objectif est de dire : ‘ faites attention à la manière dont vous vous comportez avec les filles’  » conclut-elle. Si le projet a reçu un vrai succès avec de nombreux messages de femmes, le chemin reste long…

*Chiffres issus d’Amnesty International.

 

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