Un parfum qui évoque une fleur imaginaire qui fleurirait dans la ville de Tokyo, la ‘fleur tokyote’… Avouez que c’est assez abstrait. Par où avez-vous commencé?
« En général, ce sont les gens qui m’inspirent. Ils me rendent heureux. C’est ce qui libère des émotions et m’enthousiasme. ces personnes sont alors des ‘modèles’ pour mon parfum. Mais cette fois, c’était différent. je suis allée à Tokyo pour ressentir l’ambiance de la ville. Et j’ai voulu saisir cette atmosphère en choisissant un par un les ingrédients qui s’accordaient. Un peu comme un écrivain qui choisît soigneusement les mots pour ce qu’il désire évoquer. je voulais de la légèreté, des fleurs, de la féminité. Un parfum qui parlerait de féminité d’une façon moderne, pas le genre de clichés baroques au travers desquels on aborde en général la femme dans le parfum. »
Quels ingrédients avez-vous utilisés pour Shiseido?
« J’ai choisi une rose Damascena de Bulgarie. Avec ses notes pures et complexes à la fois, elle représente pour moi la légèreté et la féminité. J’ai ajouté de l’ylang ylang pour la touche de sensualité. Cette fleur a un côté addictif sans être aussi lourde et capiteuse que le jasmin. Il y aussi un absolu de fleur d’oranger. Il est féminin, frais, subtil et complexe.
Ensemble, ces trois fleurs composent un bouquet assez classique. Je lui ai donné un peu plus de complexité et de légèreté en ajoutant trois sortes de musc. Je voulais une fragrance sensuelle mais les Japonais ont du mal avec ce genre de parfum. Ils détestent les parfums trop sucrés.
Apporter de la profondeur avec les notes de fond, c’est tout sauf évident. Le parfum devient vite trop lourd et désagréable à sentir. C’est la raison pour laquelle j’ai utilisé un peu d’ambre blanc pour une touche sensuelle. L’ambre est addictif mais ni trop lourd ni trop capiteux. On obtient ainsi un parfum sensuel qui reste léger. »
Vous dites être inspiré par les gens en général, ça veut dire quoi concrètement?
« Ils me rendent heureux! Et cela libère en moi des émotions qui m’inspirent. »
A quoi ressemble la journée d’un parfumeur?
« Chaque journée doit être différente. Parfois je peux rester des heures à mon bureau à la recherche d’idées, parfois je sors me promener dans les rues de Paris pour trouver l’inspiration. Je visite régulièrement mes clients pour être à l’écoute de ce qu’ils veulent. La confrontation amène souvent des idées très fortes. »
Dans quelle mesure le nez d’un parfumeur joue un rôle dans sa vie quotidienne?
« Je ne pense pas que mon nez soit meilleur qu’un autre ou qu’il joue un rôle particulier dans ma vie de tous les jours. Je suis plus sensible à l’énergie et à l’idée que j’ai des gens qu’à leur odeur. »
Quels sont vos ingrédients fétiches?
« J’ai grandi au milieu des champs de jasmins et de roses de mes grands-parents à Grasse. Ces ingrédients reviennent souvent dans mes compositions. J’adore particulièrement la fleur d’oranger que j’utilise dans beaucoup de mes créations. »
Comment est née votre vocation de parfumeur?
« Je me souviens qu’à l’âge de quatorze ans, je suis allé dîner avec mes parents et leurs amis. Je m’ennuyais ferme, et quand ils se sont apprêtés à partir, je me suis levé d’un bond pour aider la femme à enfiler son manteau de fourrure. J’ai été éduqué comme ça! L’odeur de la fourrure combinée à celle de son parfum était tellement sensuelle… J’ai tout de suite pris conscience de la magie et du pouvoir d’attraction d’un parfum. Je n’ai d’ailleurs jamais su de quel parfum il s’agissait. »
Je n’avais pas l’ambition de devenir parfumeur. Mon père, qui était lui-même parfumeur, m’avait emmené à un défilé d’Issey Miyake quand j’avais sept ans. Après ça, quand quelqu’un me demandait si je voulais devenir créateur ou nez, je répondais ‘Aucun des deux, je veux être footballeur!’. J’ai fait mes études en sciences politiques, économiques et sociologiques en Angleterre.
Après un stage chez Givaudan (école et entreprise de parfum) à New York, je me suis dit pourquoi pas moi? Quelqu’un m’a repéré là-bas. Il a fait en sorte que je puisse suivre la formation de parfumeur à Paris. Après mes études, j’ai rejoint l’équipe de Givaudan à Paris. Je pense que les choses se passent quand elles doivent arriver. Tout est écrit… »
En tant que fils d’un grand parfumeur, avez-vous ressenti une pression supplémentaire?
« J’ai un père fantastique. C’est un grand créateur mais aussi une personne géniale. C’est quelqu’un de profondément humain qui croit dans les gens. Je n’ai jamais reçu une pression supplémentaire ou un sentiment de compétition avec lui. Ou l’idée que je devais faire au moins aussi bien que lui.
J’essaie de faire les choses le mieux possible, à ma manière, avec mes propres créations. En réalité nous avons des goûts totalement différents. Je le considère comme un excellent parfum. J’adore Eden et Loulou mais je n’aurais jamais pu les faire. Parce notre personnalité et notre manière de travailler sont différentes. On dit que je ressemble plus à ma mère. »
Ever Bloom, Ginza Flower de Shiseido, 57 % le flacon 30 ml.
Si vous appréciez les parfums rares d’exception, lisez aussi « Le dressing Saint Laurent revisité en 5 parfums« , « Gabrielle Chanel: on vous dit tout sur le nouveau parfum Chanel » et « Miss Dior: Natalie Portman dans une magnifique nouvelle campagne »