Wheel of Care : à vélo pour les soins à domicile
© Ringo Gomes-Jorge

Wheel of Care : à vélo pour les soins à domicile

Par Kim De Craene
Temps de lecture: 5 min

« Notre devise, ‘ Slow care on a fast bike ’, n’est pas une formule imaginée par une agence de relations publiques, c’est nous qui l’avons inventée », affirme Flora Billiouw, fondatrice de Wheel of Care, un service de soins à domicile proposé par des sages-femmes et infirmiers·ères à Bruxelles. « Nous sommes là pour chaque Bruxellois·e, quel que soit son âge. »

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Debout à 6h30 ce matin, la sage-femme Isaura Declerck a pris à 7h45 le train Alost-Bruxelles-Midi pour arriver une demi-heure plus tard à la Brede School Nieuwland, au cœur des Marolles, où Wheel of Care a son siège. Isaura prépare son sac et son vélo électrique pour se rendre à sa première visite à domicile prévue à 9h. Souvent, elle n’est pas de retour avant 23 h. Isaura travaille pour l’organisation depuis six mois. « Ses valeurs correspondent aux miennes », dit-elle. « Le temps consacré aux patient·e·s, l’impact durable de l’usage du vélo et la liberté dont nous disposons sont uniques. D’ordinaire, une sage-femme travaille selon un schéma fixe : elle accompagne la maman et son bébé pendant trois jours, et ça s’arrête là. Chez Wheel of Care, nous assurons un suivi jusqu’à ce que les enfants atteignent l’âge d’un an. De cette façon, nous créons un véritable lien. Nous répondons toujours aux e-mails et aux textos, y compris la nuit et le week-end. Même quand il s’agit de photos de caca, prises par des mamans qui s’inquiètent des selles de leur bébé. Une anecdote marquante ? Il y en a tant, c’est difficile de choisir. Jusqu’à présent, je n’ai que de bons souvenirs. Ce qui me reste en mémoire après chaque visite, c’est la chaleur et la gratitude des familles. » 

Des moments waouh

Cette année, l’organisation fête son cinquième anniversaire. C’est Flora qui a lancé Wheel of Care – à prononcer « We love Care » – en 2017. « Pendant mes études de sage-femme, j’ai eu un premier déclic lorsqu’une sage-femme indépendante est venue nous parler de son travail. Waouh, on peut se rendre au domicile des patients », ai-je pensé. « Après mes études, je suis partie en mission aussi souvent que possible : j’ai travaillé au Congo, au Cameroun et au Rwanda. Ensuite, au terme d’une spécialisation en médecine tropicale à Anvers, j’ai également effectué des séjours à l’étranger en tant que bénévole. Ces expériences sont riches d’enseignements : on apprend à se débrouiller avec ce qu’on a sous la main. » Après ses études, Flora a cherché du boulot. Elle a notamment travaillé comme sage-femme et infirmière en chef dans les tours du WTC à Bruxelles pendant la crise des migrants en 2016. 

« De nombreux réfugiés afghans et pakistanais étaient en détresse. Inutile d’aller à l’étranger pour aider des personnes vulnérables. Je pouvais exercer le travail que j’aimais dans mon propre pays, dans ma propre ville. » Après cette mission, Flora s’est lancée comme sage-femme indépendante. « Je n’avais pas de permis de conduire. Je me déplaçais à vélo, alors pourquoi ne pas emprunter ce moyen de transport pour travailler ? C’était d’abord un choix écologique. Mais j’ai vite réalisé que Bruxelles est vallonnée et impossible à parcourir uniquement à vélo traditionnel. J’arrivais au domicile de mes patients en sueur, et j’étais exténuée à la fin de la journée. Par ailleurs, je ne pouvais rendre visite qu’à quelques familles par jour. J’ai donc décidé de faire l’acquisition d’un vélo à assistance électrique. Mais pas n’importe lequel, il me fallait le meilleur. Avec une batterie qui tiendrait toute la journée et ne me lâcherait pas en plein milieu de mes visites. J’ai fini par choisir un ‘ eBik ’e équipé d’un système Bosch, qu’un studio de design a transformé en ambulance montée sur des roues de vélo. Aujourd’hui, je peux faire jusqu’à huit visites par jour, tout en prenant le temps avec chaque patient. ‘ Slow care on a fast bike ’, ce ne sont pas des paroles en l’air. Ce slogan n’a pas été imaginé par une agence de relations publiques, c’est nous qui l’avons inventé. »

femme vélo

Ringo Gomes-Jorge

Des mamies assertives à vélo

L’organisation se caractérise par le slow care, des soins chaleureux, et une attention portée au caractère durable du matériel médical et du moyen de transport. « En voiture, nous ne pouvions réaliser que la moitié de notre travail à cause des embouteillages et de la recherche d’une place de parking », explique Flora. « Aux heures de pointe, aujourd’hui, nous dépassons souvent les voitures des autres infirmières avec notre ‘ eBike ’. Nous sommes ponctuelles, car nous pouvons parfaitement planifier nos itinéraires et nos visites. » « Conduire à Bruxelles, c’est dingue, mais faire du vélo n’est pas forcément plus évident et peut se révéler assez dangereux », poursuit Isaura. « Il faut s’habituer. Après quelques déboires, on conduit maintenant comme des mamies plutôt que comme des kamikazes. Enfin, comme des mamies à l’attitude assertive. » À Bruxelles, la mobilité a connu ces dernières années une évolution positive. Des pistes cyclables ont été aménagées dans de nombreuses communes, et des panneaux ainsi que des feux de signalisation ont été installés au profit des cyclistes.

Zéro tabou

Wheel of Care veut accompagner chaque Bruxellois·e, du nouveau-né de moins de 9 mois à la personne âgée de plus de 99 ans. « Il n’y a pas de tabous : tout le monde est accueilli avec plaisir, quelles que soient sa culture et ses valeurs », affirme Flora. «  Nous travaillons selon un principe cher à Robin des Bois : les personnes aisées prennent en charge une partie des soins prodigués aux plus vulnérables. Ainsi, environ la moitié de nos patients veillent sur l’autre moitié. Idéalement, nous aimerions bénéficier d’un soutien structurel, mais nos demandes de subsides se soldent en général par un refus. Les dons privés seraient également les bienvenus. Heureusement, la société Bosch eBike Systems nous sponsorise chaque année depuis nos débuts en 2017. » Par ailleurs, le recrutement n’est pas toujours chose aisée, ajoute Flora. « Il y a une pénurie de personnel dans le secteur des soins. Notre travail demande du temps et du dévouement. Toutes les heures travaillées ne sont pas payées ; seules les visites à domicile sont rémunérées. Les tâches administratives sont à notre charge, souligne Flora. Pour une visite à domicile d’une heure et demie à deux heures, l’Inami ne paie qu’une heure. Alors qu’il est primordial de prendre le temps lorsqu’on exerce une profession comme la nôtre. Surtout quand on s’occupe de personnes âgées : on boit une tasse de café avec elles, on prend des nouvelles de leurs proches. Les autres infirmières ne peuvent pas se le permettre. Nous tenons également à passer un moment auprès des nouvelles mamans pour voir si le moral est bon et les guider pour l’allaitement. »

bébé

Ringo Gomes-Jorge

Bruxelles et le reste du monde

La plupart des membres de l’équipe ont un travail à mi-temps sur le côté pour joindre les deux bouts. Pas Isaura, qui choisit de se consacrer pleinement à Wheel of Care, même si elle perçoit un salaire moindre. « Habituellement, une sage-femme gagne environ 1.800 euros ; je touche 1.300 euros et je peux atteindre les 1.600 si je travaille beaucoup. Heureusement, mon compagnon prend en charge une partie du loyer et des frais du ménage. » L’organisation ne manque pas d’ambition. « Nous avons déjà réalisé beaucoup de choses et étoffé notre équipe en embauchant d’autres spécialistes en plus des sages-femmes et des infirmiers·ères : une acupunctrice, un psychologue, une consultante en portage physiologique, un kiné, et une thérapeute qui propose un rituel Rebozo et des massages. En tout, ça représente 350 visites à domicile par semaine. Notre rêve est d’offrir nos services dans toutes les communes de Bruxelles et de les étendre aux grandes villes belges. Peut-être même au reste de l’Europe. J’aimerais que chaque personne dans le monde puisse bénéficier des soins que nous dispensons », conclut Flora.

Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.