« C’est l’enfer sur terre » : nos consoeurs de Marie Claire Ukraine racontent leurs histoires depuis la zone de guerre
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« C’est l’enfer sur terre » : nos consoeurs de Marie Claire Ukraine racontent leurs histoires depuis la zone de guerre

Par Galia Loupan
Temps de lecture: 5 min

"Si Poutine arrête les combats, il n’y aura plus de guerre. Si nous arrêtons les combats, il n’y aura plus d’Ukraine". Réfugiées dans les sous-sols de la capitale, nos collaboratrices de l’édition ukrainienne de Marie Claire nous racontent ce qu'elles endurent depuis que les bombardements ont éclaté à Kiev (Kyiv).

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En entendant la nouvelle selon laquelle les bombes avaient commencé à pleuvoir sur l’Ukraine, nous avons, comme tout le monde, été sous le choc, saisies d’incrédulité. Tout de suite, nous avons commencé à nous inquiéter pour notre petite sœur, Marie Claire Ukraine. Nous leur avons écrit, et après 24h d’angoisse et de silence, la réponse est arrivée.

Les membres de l’équipe sont, pour l’heure, saines et sauves, dans des abris. Leurs mots respirent la peur et la colère. Elles se sentent abandonnées. Irina Tatarenko, la rédactrice en chef de l’édition ukrainienne de Marie Claire, nous supplie de parler pour elles, de dire au monde entier ce qui se passe, ce qu’on fait à leur pays : « c’est l’enfer sur Terre. S’il vous plaît, je vous en supplie, il faut dire ce qui se passe en Ukraine. Nous avons tellement besoin de votre soutien. »

Depuis le discours de Poutine du 21 février 2022, Katerina Lagutina, Brand Director du Marie Claire Ukraine, a commencé à se sentir mal à l’aise. Elle a essayé de conjurer ce sentiment par l’activisme, publiant de longs posts enflammés sur son compte Instagram, signant un communiqué pour demander à ce que l’Ukraine rejoigne les Nations Unies.

Le 23 février, après une longue journée de travail, elle était allée au théâtre. La vie suivait son cours. Et puis cette nuit-là, à 4h du matin, les troupes russes étaient entrées en Ukraine. Réveillée par des coups de fils répétés, elle finit par décrocher pour entendre sa meilleure amie lui annoncer d’une voix atone que la guerre vient de commencer.

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Trouver refuge

« À partir de ce moment-là, je n’ai plus été capable de savoir quel jour on était. Je compte comme ça : le premier jour de la guerre, le deuxième jour de la guerre… », confie-t-elle.

Katerina Lagutina vient de Louhansk, dans le Donbass. En 2014, la guerre éclate dans sa ville natale. Elle se rappelle avoir vu des soldats « tirer depuis les toits des habitations civiles ». Elle décide de partir vivre à Kiev pour être en sécurité.

Il n’y a pas de protection ici. Mais j’ai été impressionnée par la façon dont la population réagit : tout le monde reste calme, obéit aux ordres. Même les enfants ne pleurent pas dans les abris.

Et voilà que cela recommence ; elle doit s’abriter dans les caves de sa ville d’adoption. « Il n’y a pas de protection ici. Mais j’ai été impressionnée par la façon dont la population réagit : tout le monde reste calme, obéit aux ordres. Même les enfants ne pleurent pas dans les abris. Les gens s’organisent, apportent de l’eau potable, construisent des installations de fortune… Les magasins et les pharmacies sont fermés dans mon quartier, mais nous avons l’eau courante et l’électricité. Internet fonctionne encore, mais mal. »

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Liza Prykhodko, photographe pour Marie Claire Ukraine, raconte le même quotidien. « Au début, on n’y croit pas, on pense que si on sort dehors, on va mourir tout de suite. Quand j’ai entendu les premières sirènes, cela m’a donné la nausée. Et puis le lendemain, j’ai commencé à entendre les bombardements, et tout ce que je pouvais faire c’était de téléphoner à ma famille et à mes amis pour les rassurer.

Pour moi, c’était pire d’imaginer leur angoisse que de rester en sous-sol dans le bruit des sirènes et des explosions. Tout ce qu’on peut faire, c’est de penser à ceux qu’on aime et de s’inquiéter pour eux. On s’écrit presque toutes les heures. ‘Est-ce que ça va ?’ – ‘Est-ce que ton immeuble a été touché ?’ – ‘Est-ce que toute ta famille va bien ? Personne n’est mort ?’ – ‘As-tu réussi à dormir un peu ?’ – ‘As-tu à manger ?’ – ‘Nous sommes forts !’ – ‘Je t’aime !’ »

As-tu réussi à dormir un peu ? – As-tu à manger ? – ‘Nous sommes forts ! – Je t’aime !


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La première attaque n’avait visé que des cibles militaires et les aéroports. Liza raconte comment la population a tout de suite commencé à scotcher les fenêtres, pour éviter que du verre pilé ne remplisse les pièces si le souffle d’une explosion les faisait éclater.

L’idée d’avoir du ruban adhésif comme seule ligne de défense contre les bombes serait presque ridicule, si ce n’était si triste. C’est pourtant la seule chose à faire. Liza ajoute : « Nous n’avons pas d’autre protection que nos prières et notre prochain. Personne ne s’attendait à ce que les civils soient attaqués. »

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« Il faut que le monde entier parle de l’Ukraine »

Quand nous leur demandons si elles ont vu l’attaque venir, Liza répond par la négative, avec colère.

Pour Katerina, c’est un peu différent : « Bien sûr que nous avions peur que cela n’arrive. Nous vivons avec la guerre depuis huit ans. Mais ça, c’est un choc complet pour nous. Nous ne nous attendions pas à ce que cela se passe comme ça. Nous espérons vraiment que le reste du monde va venir nous aider, c’est de la folie pure ! Il faut que le monde entier parle de l’Ukraine. Nous sommes tellement plus petits que notre ennemi. »

« Si Poutine arrête les combats, il n’y aura plus de guerre. Si nous arrêtons les combats, il n’y aura plus d’Ukraine. »

Pour l’instant, les armées occidentales ne s’impliquent pas [les actions se résument à des sanctions économiques et des envois d’armes. ndlr], et le peuple Ukrainien et son gouvernement ne peuvent compter que sur eux-mêmes.

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« Je ressens une immense fierté pour mon pays »

Les deux femmes témoignent avec fierté avoir vu des hommes de tous les âges faire la queue pour s’engager et protéger son quartier, sa patrie. Elles sont fières aussi du courage de leur président, Vladimir Zelensky, qui a choisi de rester aux côtés de son peuple.

Selon l’agence Associated Press, il aurait répondu à ceux qui essayaient de lui faire quitter la capitale pour le mettre à l’abri : « J’ai besoin de munitions, pas d’un chauffeur. » Cela semble avoir galvanisé le peuple Ukrainien, qui défend son pays de toutes ses forces.


Liza insiste : « Je vis dans la peur, la colère et l’angoisse, mais j’ai aussi une énorme fierté pour mon pays. » Katerina partage son sentiment : « je suis pleine de rage face à cette grande injustice qui est faite à mon pays, et au peuple d’Ukraine. Mais par-dessus tout, je ressens une immense fierté quand je pense à notre Président, M. Vladimir Zelensky, ainsi que notre armée. »

Toutes les deux parlent de ces hommes comme des protecteurs, des défenseurs, des sauveurs.

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Faire entendre leur voix

Quand je leur demande ce que nous pouvons faire pour elles, Liza s’écrie : « Ne gardez pas le silence ! Faites entendre notre voix ! Mon pays et moi-même sommes pleins de gratitude envers ceux qui parlent pour nous. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point votre soutien est important ». Et pourtant, vu d’ici, cela semble bien peu de choses.

 

Cet article est paru pour la première fois sur Marie Claire France.

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Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.