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Rappelez-vous, c’était en 2001. Pour la première fois dans l’histoire de la télévision française, onze célibataires faisaient leur entrée dans un loft criblé de caméras. 24h sur 24, leurs moindres faits et gestes étaient retransmis sur les écrans de nos télévisions. « Loft story » devient la première télé-réalité grand public. Dans les mois qui ont suivi, TF1 lançait Koh-Lanta, suivi de près par « Star Academy. » Depuis ces débuts connus de tous, la télé-réalité n’a plus jamais quitté nos écrans. Si l’époque Loana est révolue, le principe, lui est resté le même: filmer des individus (connus ou pas) dans des situations réelles du quotidien.
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Aujourd’hui, l’offre s’est déclinée et les chaînes proposent des émissions sur des thèmes plus divers les uns que les autres. Tout y passe: la cuisine, la chanson, l’aventure ou encore la mode. Autant de diversité qui permet aux productions de toucher un public de plus en plus large. Pourtant, ceux qui sont principalement touchés, ce sont les jeunes de 15 à 25 ans. Ceux qui sont hyper connectés sur les réseaux et fervents utilisateurs d’Instagram, Snapchat ou encore Twitter. Une proie jugée facile pour les annonceurs.
C’est ainsi que l’on a vu apparaître sur nos écrans des télé-réalités comme les Marseillais ou les Chtis. Ces stars du petit écran ont pour mission de décrocher un job dans un pays de rêve. Tous les participants sont à la base des inconnus mais soyez certains qu’après un passage dans ce type d’émission, le compteur de leurs abonnés sur Instagram explose rapidement. Une notoriété dont profitent les marques qui ont, depuis quelques années, bâti un empire publicitaire gigantesque grâce à ces starlettes. Explications…
Stars de télé… et du placement de produit
Bonbons, thé amincissant ou encore crème pour le corps… tout y passe! Les publicitaires l’ont bien compris: pour toucher les jeunes, il faut capter leur attention avec des personnages qu’ils aiment. Manon Marsault, candidate des Marseillais diffuse chaque jour de courtes capsules vidéo présentant un produit. Si cela passe pour un bon plan ou un conseil à première vue, on se rend vite compte que la starlette, qui cumule plus d’un million d’abonnés sur Instagram, est payée pour promouvoir la marque. Un business auquel les jeunes sont sensibles puisqu’elle propose à chaque fois des codes « promo. » Si leur idole utilise tel ou tel produit, c’est évident qu’il est bon. Et ce, peu importe le prix qu’il coûte. Ce n’est pas Noëlla, 19 ans, qui dira le contraire.
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La télé-réalité, c’est son truc. Pour cette étudiante en communication, rater un épisode des Anges est inconcevable. « Je suis pratiquement tous les programmes proposés. En moyenne, je regarde quatre épisodes par jour. » Ces stars de télé-réalité, elle les suit en majorité sur les réseaux sociaux et c’est pour cette raison qu’elle regarde les émissions auxquelles ils participent. « À force de les suivre sur les réseaux, je suis obligée de les regarder à la télévision. S’ils viennent d’une première émission et qu’ils participent à une deuxième, j’ai envie de voir leur évolution.«
Pour elle, c’est important de voir ce qu’ils deviennent au fur et à mesure des aventures. Pouvoir les suivre sur les réseaux, c’est aussi un bon moyen de découvrir l’envers du décor, de connaître les derniers potins du milieu mais aussi d’avoir une certaine proximité avec eux. Noëlla ne cache pas être intéressée par le placement de produits. « J’ai déjà acheté du blanchiment dentaire parce que l’entreprise a été créée par deux candidats que j’adore. Et aussi les codes promo sur les sites de vêtements. Aujourd’hui, je n’utilise plus que ça. »
Ces comportements, nous pouvons les expliquer par la volonté des adolescent(e)s de faire partie d’une communauté. Quand ils grandissent, ils créent leur personnalité, et ont besoin d’avoir des référents. Aujourd’hui, trouver un modèle est beaucoup plus facile qu’il y a quelques années parce que ils ont accès plus rapidement à des centaines de milliers de profils sur internet. En faisant partie d’un groupe, ils se sentent acceptés et intéressants. Pourtant, ces stars de télé-réalité ne sont pas forcément les modèles dont les parents rêvent pour leur progéniture.
Besoin de prendre du recul
Maxi est une mère de famille et elle a une vision de la télé-réalité totalement différente. Pour elle, ces émissions sont remplies de personnages caricaturaux. Elle raconte que sa fille, âgée de 10 ans, serait spectatrice si elle la laissait faire. Preuve que le public que les producteurs de télé-réalité cherchent à toucher est de plus en plus large. D’autant plus que selon elle, les jeunes n’ont pas le recul nécessaire pour « garder à l’esprit que ce sont des émissions de divertissement et que cela ne représente pas la vraie vie.«
Naomi, 20 ans, l’avoue: « Ils sont là pour faire du spectacle. La plupart sont bêtes comme leurs pieds ou du moins, ils font peut-être semblant de l’être. » C’est pour cette raison qu’elle ne s’identifie jamais à ces personnages qu’elle ne considère même pas comme des stars. « Ils n’ont pas vraiment de talent particulier. » Elle confie quand même que les rencontrer la ferait sourire.
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Pour Maxi et son point de vue de maman, ces personnages de télé « sont loin de correspondre à mon modèle éducatif qui se rapproche plus de valeurs comme la fidélité et le respect de soi et des autres. » C’est vrai qu’à la télé, les couples se font et se défont. Certains candidats sont même devenus emblématiques par leur caractère très volage. Pour Maxi, c’est inquiétant. « Les comportements des participants influent directement sur nos jeunes et leur structure de communication et représentation des autres, des comportements acceptables et des attitudes admises.«
C’est ainsi que Julien Tanti, connu pour ses expressions cultes et ses infidélités envers Manon Marsault, est devenu le marseillais le plus en vogue du programme. Avec ses 2 millions d’abonnés sur Instagram, il touche un public très large: la clé de son business d’enfer. Ouverture d’une pizzaria « Les fratés », d’un salon de coiffure ou encore création d’une marque de vêtements « Tchatcheur ». Julien a créé un empire sur le dos de plusieurs millions de jeunes.
Voyeurisme ou pas?
Si pour certains psychologues, regarder ce type d’émissions s’apparente à du voyeurisme, les jeunes, eux, voient les choses autrement. Naomi ne se considère pas comme « voyeur » parce qu’elle juge que les candidats décident eux même d’étaler leur vie. « Pour moi, du voyeurisme ça serait plutôt vouloir tout savoir sur une personne qui garde tout pour elle et qui n’étale pas sa vie sur les réseaux. Ici, rien qu’en les suivant sur Snapchat, on connait le détail précis de leur journée: ce qu’ils mangent, où ils vont, …«
Quand on lui demande pourquoi elle les suit autant sur les réseaux sociaux, sa réponse est la même que celle de Noëlla… « Je regarde par curiosité. Est-ce que les meilleurs amis dans l’émission sont aussi les meilleurs amis dans la vie. Est-ce que les couples durent en dehors des tournages. C’est aussi intéressant de voir comment réagissent ceux qui ne sont pas en tournage avec les autres. Par exemple, le quotidien de Manon Marsault, quand Julien Tanti, son compagnon, est en tournage à l’autre bout du globe. » Il s’avère quand même que les jeunes gardent un esprit critique face à ces émissions qu’ils adorent. S’ils se rendent compte qu’il s’agit de mise en scène dans la plupart du temps, reste à voir ce qu’il en est de la manipulation des images…