Pour contrer les diktats d’Instagram, les jeunes créent leur « Fake Instagram » ou Finstagram
© Photo by Elijah O'Donell

Pour contrer les diktats d’Instagram, les jeunes créent leur « Fake Instagram » ou Finstagram

Par Camille Vernin
Temps de lecture: 3 min

"Finstagram" c'est la combinaison du mot "Fake" et "Instagram". Il s'agit d'un deuxième compte, généralement privé et accessible à un nombre restreint d'amis proches, qui vous permet de publier à peu près tout et n'importe quoi sur vous. Le but d'un finsta est de déjouer complètement les codes de l'Instagram classique. Au grand bonheur des millenials!

 

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Vous l’aurez compris, ce second compte à l’abris des regard permet d’exprimer un soi totalement décomplexé.Vous pouvez publier à volonté vos selfies ratés, des photos d’une banalité absolue ou le dernier mème qui vous a fait rire avec les personnes ayant accès à votre finsta sans révéler ces parties sombres de votre existence à votre patron, vos collègues ou votre famille. Eux vous suivent uniquement sur votre compte officiel. Le phénomène existe depuis plusieurs années déjà mais les finstas ont véritablement émergé en 2016 lorsqu’Instagram a enfin autorisé les utilisateurs à posséder plusieurs comptes sous un même profil.

Des « guides » ont même vu le jour. Daylical décrit la recette à suivre pour un bon finsta. Un, trouver un pseudo original et surtout indéchiffrable: TrumpToxic, CakeStripper ou Lolitage par exemple. Ensuite, « ne pas avoir peur de dire tout ce que vous voulez ». Le site encourage à exprimer ses frustrations, de vos déceptions amoureuses à la pizza froide qu’on vous a livré hier soir. Dernier conseil primordial: ne donnez accès à votre compte qu’aux personnes de confiance qui vous acceptent comme vous êtes.

 

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Le message en filigrane: « se créer un compte finsta est gratuit, pas le psy ». Certes, s’émanciper des exigences esthétiques d’Instagram et avec elles de l’approbation de vos abonnés peut sembler curatif. Pourtant, cette tendance met en lumière les effets néfastes d’Instagram sur notre santé mentale. Selon une études menée récemment par la Société Royale pour la Santé Publique du Royaume-Uni, Instagram serait le réseau social le plus nocif de tous. 1500 personnes âgées de 14 à 23 ans ont été interviewées et les résultats ont démontré que sa capacité à filtrer la moindre imperfection serait source d’anxiété, d’insatisfaction et de dépression. Ce phénomène serait particulièrement présent chez les jeunes filles. Selon un article de Madame Le Figaro, Instagram remettrait en question le regard que portent les filles sur leur corps.

L’art de se vendre

Selon le site QZ, les finstas seraient surtout un moyen de rendre privé des éléments de notre vie que l’on indiquerait pas nécessairement sur notre CV. Les adolescents et les jeunes adultes ont intégré les enjeux d’une bonne présentation en ligne. Ils ont appris que pour trouver un emploi, ils devaient se vendre, et cela même sur les réseaux sociaux que fréquentent aussi leurs potentiels employeurs. Les finstas ne seraient que la conséquence d’une vie professionnelle omniprésente à l’ère digitale.

Le sujet du traitement des données pose également question. Aux Etats-Unis, Harley Barber s’est faite expulser de l’Université d’Alabama pour avoir posté des vidéos racistes sur son finsta. Son compte était privé et destiné à être vu par ses amis proches. Pourtant, il n’est pas exclu que des contenus privés se retrouvent largement publiés grâce à une capture d’écran ou une vidéo produite à l’aide d’un autre appareil. Le titulaire du compte, même anonyme, peut être facilement retrouvé en analysant ses followers et son activité sur Instagram.

Les finstas deviennent d’ailleurs victimes de leur propre succès. Ils apparaissent de plus en plus nombreux et souvent publics, ce qui remet totalement en question leur raison d’être. De plus, se montrer ouvertement vulnérable, caustique ou désabusé au public est peut être une image de soi différente que celle véhiculée habituellement sur Instagram mais n’en reste pas moins une image quand même. Une nouvelle question est dès lors soulevée: est-il seulement possible de proposer un portrait juste de nous sur les réseaux sociaux? Quoi qu’il en soit, bien que le phénomène soit révélateur d’un certain « mal-être » ou du moins d’un agacement face à une identité digitale qui ne nous reflète plus fidèlement, inutile d’accabler les finstas. Pour beaucoup de jeunes aux Etats-Unis (et de plus en plus en Europe), ouvrir un compte finsta est surtout un passe-temps bon enfant pour dédramatiser leur quotidien. Leur crédo semble surtout vouloir exprimer qu’il est peut-être temps d’arrêter de se prendre trop au sérieux?

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