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Cartier réinvente sa boutique bruxelloise en un sublime écrin où la nature et la joaillerie se mêlent aux codes de l’Art Nouveau. Une métamorphose végétale orchestrée par le studio Friedmann & Versace. Visite guidée.
Deux ans après la rénovation de sa légendaire adresse parisienne du 13, rue de la Paix, Cartier insuffle aujourd’hui un nouveau souffle à sa vitrine bruxelloise. Pour ce renouveau, la maison a fait appel au studio d’architecture d’intérieur Friedmann & Versace, un duo 100% féminin incarné par Virginie Friedmann et Delphine Versace. Une collaboration rêvée pour le tandem créatif qui a signé quelques unes de plus belles adresses françaises dont l’hôtel La Pérouse à Nice, le restaurant Ciro’s à Deauville ou encore l’italien Bambini à Paris et Megève. “Cartier, c’était vraiment un modèle, car c’est la seule maison qui différencie toutes ses boutiques et raconte une nouvelle histoire à chaque fois”, confie Delphine. “Nous savions que nous allions pouvoir nous exprimer et préserver notre ADN.” À contre-courant des boutiques aseptisées et uniformisées de certains grands noms du luxe, Cartier préfère des créations singulières, inspirées, et fait de chacune de ses adresses un écrin à l’identité visuelle unique.
Clement Vayssieres
Le bijou dans son écrin végétal
Installée sur le Boulevard de Waterloo depuis 2007, la boutique se réinvente aujourd’hui en un somptueux “Jardin des Métiers d’Art”, où la nature éclôt dans chaque espace. Du parquet fait main représentant des nénuphars et donnant au visiteur l’illusion de marcher sur une nappe d’eau, au superbe chandelier en verre inspiré par la cime des arbres, chaque recoin célèbre, avec une élégance infinie, le monde végétal. “Nous avons voulu que la nature reprenne ses droits dans la boutique, comme si nous repartions de zéro pour lui laisser toute sa place. La nature jaillit ainsi dans tous les différents tableaux mis en scène” explique Virginie Friedmann. Articulée autour d’un patio baigné de lumière, la boutique a préservé ce puits de clarté qui fait sa particularité : une cour intérieure ouverte sur le ciel, transformant les lieux au gré de la journée.
Clement Vayssieres
Pour donner vie à ce jardin extraordinaire, Virginie Friedmann et Delphine Versace se sont plongées dans les archives du joaillier. “Lorsqu’on a été missionnées pour ce projet, il y avait une rétrospective sur Cartier au musée des Arts Décoratifs”, raconte Virginie. “On y a découvert le lien profond entre les voyages et Cartier, son ouverture sur le monde. On s’est retrouvées face à des objets fortement inspirés par la nature.” Autant d’éléments qui ont nourri leur vision et leur réflexion autour de ce projet, mené en étroite collaboration avec les meilleurs artisans. Vitrailliste, marbrier, sculpteur, faïencier, ébéniste… Tous ces garants de savoir-faire d’exception ont insufflé un supplément d’âme à la boutique, en créant des œuvres spécialement conçues pour Cartier.
“Cartier est la seule maison qui différencie toutes ses boutiques et raconte une nouvelle histoire à chaque fois” Delphine Versace, architecte d’intérieur
À l’instar de la frise Tutti Frutti qui habille les murs de l’espace consacré aux icônes joaillières de la Maison, inspirée directement de la collection éponyme de Haute joaillerie mettant à l’honneur des pierres rares telles que les saphirs, les rubis ou les émeraudes. “Nous avons détourné le motif d’un bracelet en créant une corniche moulée en staff”, explique Delphine. Autre exemple ? Le superbe herbier en macramé signé Laurentine Périlhou, artisane du fil, qui orne l’espace joaillerie. Cette fresque végétale murale de trois mètres de long réinterprète les bijoux historiques de la maison à l’aide de perles fines et de fils recyclés délicatement noués.
Clement Vayssieres
Non loin de là, un immense tableau en bas-relief happe le regard. On y retrouve la panthère, animal emblématique de la Maison, dans un décor foisonnant qui évoque les Serres Royales de Laeken. Réalisée par l’Atelier Blundell & Therrien, l’œuvre est en papier mâché, une technique ancienne utilisée par Gaudi. Habitués à employer des pigments, colles naturelles et peintures minérales, le duo d’artistes peintres a été mis au défi de travailler avec ce matériau très peu énergivore pour respecter un cahier des charges très pointu. La boutique de Bruxelles est d’ailleurs à ce jour l’illustration la plus aboutie de la démarche éco-responsable de Cartier déployée dans ses points de vente à travers le monde.
L’éclectisme de Bruxelles réinterprété
Le monde végétal n’est pas la seule source d’inspiration derrière cette rénovation d’envergure, l’héritage architectural bruxellois y est également célébré. C’est en empruntant la voie royale que Cartier a fait son entrée en Belgique pour la première fois. En 1912, la Reine Élisabeth commande deux diadèmes de style guirlande à la maison de joaillerie française. Peu après, Albert Ier scelle ce lien en hissant Cartier au rang de fournisseur officiel de la Cour. En 1974, une première boutique bruxelloise ouvre ses portes au sein de la Galerie Louise, avant de s’établir, dès 2007, au numéro 54 du boulevard de Waterloo, l’épicentre du luxe de la capitale.
Clement Vayssieres
La localisation de la boutique Cartier au cœur de la capitale belge a indéniablement façonné le processus créatif du studio Friedmann & Versace. Comme l’explique Virginie Friedmann : “C’est le point de départ de notre réflexion artistique. La nature a été véritablement notre matrice, le fil conducteur de toute l’expérience dans la boutique, mais à travers le prisme de Bruxelles et de la Belgique.” Pour les architectes d’intérieur, chaque élément pictural, artistique et architectural de Bruxelles a nourri leur créativité. “Nous avons puisé dans des références variées, allant de l’Art Nouveau d’Horta à des figures comme le peintre Van Lint, sans oublier des lieux emblématiques comme les Serres royales et les Ursulines” poursuit-elle. “Nous avons frappé à de nombreuses portes pour découvrir des lieux fabuleux. Nous avons visité des hôtels particuliers, comme l’hôtel Van Eetvelde, et d’autres endroits liés à des architectes contemporains à Horta qui nous ont offert des inspirations incroyables.”
“Bruxelles est beaucoup plus libre que Paris dans son architecture” Raphaëlle Collette, vitrailliste
C’est cette immersion dans le riche patrimoine de Bruxelles qui a permis au duo de capter l’essence de la ville, entre vitraux, courbes et arabesques et motifs végétaux, pour offrir à la boutique Cartier une identité singulière, parfaitement ancrée dans son environnement.
“Cette ville, je l’adore. Je passe mon temps le nez en l’air à regarder tous les immeubles. Je trouve que l’architecture de Bruxelles est beaucoup plus libre et éclectique que l’uniformité haussmannienne de Paris” confie l’artisane verrier Raphaëlle Collette. Elle a réalisé l’œuvre intitulée L’Orée, une porte en vitrail courbée qui s’ouvre sur le salon privé de la boutique. Inspirée par le patrimoine Art Nouveau de Bruxelles, la vitrailliste a réinterprété le motif de la Capucine que l’on retrouve dans le Jardin d’Hiver des Ursulines de Wavre-Notre-Dame, tout en y insufflant une touche moderne. La Capucine, en pleine floraison, symbolise l’éclosion et le renouveau de la nature. Le vitrail, travaillé dans des textures et couleurs variées, crée une ambiance de douceur et de transparence, tout en préservant une certaine intimité aux clients de cet espace privé. Tel “un rideau de verdure que l’on traverse pour arriver dans un jardin plus intime et secret qu’est ce salon” , résume-t-elle.
Clement Vayssieres
La zone horlogerie, quant à elle, présente une œuvre métaphorique qui incarne l’art belge : “Le tableau qui y figure reprend le guillochage des montres Cartier tout en s’inspirant des codes du surréalisme”, précise Virginie Friedmann.
L’intimité d’un luxe décomplexé
L’atmosphère de la boutique Cartier s’imprègne aussi de la convivialité belge. “C’est peut-être lié au fait que ça soit à Bruxelles, mais je trouve que l’équipe est ultra chaleureuse”, confie Virginie Friedmann. Un sens de l’accueil renforcé par le bar central recouvert de céramiques aux motifs floraux et par la présence de nombreuses assises raffinées qui invitent au partage. L’expérience se veut décomplexée, tout en intégrant une dimension contemplative, nourrie par l’influence végétale omniprésente. Delphine ajoute : “Le fait d’avoir incorporé des objets chinés change vraiment l’ambiance. Avec ces luminaires de seconde main, il y a un côté très domestique, plus habité.” Un contraste entre œuvres d’art et pièces uniques soigneusement sélectionnées qui crée un espace qui évoque la douceur et l’intimité d’un intérieur chaleureux.
Clement Vayssieres
À l’heure où le luxe est plus que jamais un vecteur d’émotion, quel avenir pour les boutiques de prestige ? “On n’est plus dans une simple présentation de produits, mais dans une véritable expérience”, affirme Delphine Versace. “Il faut que le client se sente accueilli, baigné dans une atmosphère unique.” En cela, l’écrin Cartier de Bruxelles en est l’exemple parfait.
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