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Depuis 60 ans, chaque création dinh van est une déclaration : libre, anticonformiste, intemporelle. Retour sur la vision d’un homme qui a profondément bousculé les codes de la joaillerie.
Assez peu de gens savent que derrière le nom « dinh van » se cache un homme : Jean Dinh Van. Il naît en 1927 d’une mère bretonne et d’un père vietnamien, lui-même laqueur ayant collaboré avec Cartier. Un signe avant-coureur, peut-être, de la trajectoire qui l’attend…

dinh van
Jean Dinh Van dans son atelier.
Très tôt, il baigne dans un univers où le geste, la matière et la précision tiennent une place centrale. Après des études consacrées au dessin et aux arts du feu à l’École des Arts Décoratifs, Jean Dinh Van fait ses premiers pas chez Cartier à 23 ans, où il évolue aux côtés de Jeanne Toussaint. Pendant huit ans, il y façonne des pièces de Haute Joaillerie et perfectionne son goût du métal, avant de voler de ses propres ailes et d’ouvrir son atelier parisien rue Sainte-Anne. Parmi ses illustres clients figure notamment l’artiste Jean Schlumberger.
Quelques années plus tard, en 1965, Jean Dinh Van ouvre son atelier place Gaillon et signe l’acte de naissance de sa Maison au design épuré pensé pour bousculer les codes. Son ambition ? Défaire la joaillerie de son carcan pour l’inscrire dans la vie quotidienne.
Le quotidien comme fil rouge
Dès les années 60, Jean Dinh Van redessine les contours du bijou. Sa quête : créer une forme à la fois simple, radicale et profondément moderne. C’est ainsi qu’il imagine l’alliance carrée, pièce emblématique devenue le manifeste de sa Maison. Ce carré aux angles subtilement adoucis joue d’un équilibre parfait entre rigueur géométrique et fluidité, comme un dialogue entre le carré et le rond. Déclinée en bracelets, pendentifs, montres ou boucles d’oreilles, cette signature graphique impose une esthétique nouvelle et fait l’effet d’une petite révolution dans le monde feutré de la joaillerie traditionnelle.
“J’aimerais que mes bijoux
soient aussi nécessaires qu’une
poignée de porte”
Alors que d’autres créateurs de joaillerie s’inspirent de l’imaginaire fantastique, de la flore ou la faune, Jean Dinh Van puise son inspiration dans les objets du quotidien qui l’entourent. Une clef, une serrure, une lame de rasoir, un maillon… Des éléments simples et purement fonctionnels qu’il réinvente en bijoux hautement désirables : du bracelet Serrure au pendentif Clef, jusqu’aux iconiques Menottes de 1976. « Le bijou Menotte trouve son origine dans une clef de serrure » rappelait le joaillier, « Tous les jours, matin et soir, je rentrais chez moi en touchant cette clef d’appartement. Je me suis dit soudainement qu’on pouvait en faire autre chose ».

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Le bijou Menotte s’inspire d’une clef de serrure.
Les chaînes qui ornent la place de l’Opéra Garnier lui inspirent la collection Maillon. Il en simplifie la forme et transforme la chaîne, traditionnellement accessoire, pour en faire le propos principal : un maillon rectangulaire à section carrée, avec un fermoir-encoche d’une pureté radicale.
Sculpteur joaillier
Autre symbole de l’esprit novateur et anticonformiste de Jean Dinh Van ? Sa manière de penser le bijou comme une œuvre d’art. Véritable joaillier-sculpteur, il puise son inspiration chez les maîtres des arts décoratifs français et dans l’avant-garde de son époque, de Picasso à Bernard Buffet. Son style, résolument moderne, entre en résonance avec les créateurs de son époque qui bousculent les codes et ouvre la voie à des collaborations devenues mythiques.

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Bague « Deux Perles » en or et perles, créée pour Pierre Cardin en 1967.
En 1967, il signe pour Pierre Cardin la Bague Deux Perles, deux perles de culture – une grise, une blanche – enchâssées dans une armature carrée, manifeste d’un design épuré. La même année, il conçoit pour Paco Rabanne une création en argent reliant deux bagues par une fine chaîne, bijou au croisement de l’art et du corps.
Liberté créative
La liberté créative a guidé le sculpteur-joaillier tout au long de sa carrière. Son processus, instinctif et affranchi des conventions, répondait à un besoin profond d’innover : « J’ai toujours aimé, je ne sais pas pourquoi et cela reste un mystère, faire des choses nouvelles, qui n’existaient pas. »
Jusqu’à sa distribution, il ne se conforme pas aux règles de la joaillerie traditionnelle. Dès 1967, ses bijoux sont vendus au Drugstore Publicis, sorte de “concept-store” avant l’heure. Une commercialisation hors des réseaux traditionnels de bijouterie incarnant sa volonté d’inscrire la joaillerie dans le quotidien.

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Bague « Petite boule », or, modèle créé en 1968.
En 2025, la Maison dinh van souffle ses 60 bougies. Pour l’occasion, une exposition s’est tenue début septembre dans la prestigieuse galerie Christie’s à Paris, tandis qu’un livre et un film court retracent l’œuvre visionnaire de son fondateur. Deux rééditions emblématiques – les modèles Serrure et Le Pavé – viennent compléter cet hommage, rappelant l’avant-garde et la force créative de la Maison.
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