« Behind Every Great One », le plus abouti des jeux vidéos féministes?
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« Behind Every Great One », le plus abouti des jeux vidéos féministes?

Par Camille Vernin
Temps de lecture: 3 min

"Behind Every Great One" a récemment fait parler de lui sur Internet. Dans une ambiance old-fashioned, ce jeu vidéo vous plonge dans le quotidien angoissant d'une jeune femme au foyer surmenée. Une critique des inégalités hommes-femmes? Certainement. Mais surtout une preuve que l'univers des jeux-vidéos est plus engagé qu'on ne le croit. Y compris dans la cause féministe?

Inspiré de l’adage, « Derrière chaque grand homme, il y a une femme », le jeu nous plonge dans l’existence de Victorine. Mariée à Gabriel (qui gagne assez d’argent pour deux comme il aime à le répéter), elle est totalement et irrévocablement consacrée à l’entretien de leur maison et au bien-être de son mari. Si le jeu débute calmement, la pression évolue crescendo. Pendant que Gabriel s’amuse à peindre dans son atelier, vous êtes chargée de nettoyer les toilettes, arroser les plantes, préparer le repas, nettoyer le sol, lire pour vous détendre ou faire une pause clope.

 

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En Belgique, 15,3% des femmes ont comme occupation principale d’être au foyer

Plus le jeu évolue, plus les remarques de Gabriel se font pesantes et l’environnement de la maison, a priori douillette, oppressant. Il y a l’ennui aussi, le manque de reconnaissance, la pression familiale. Si le jeu fonctionne aussi bien, c’est aussi pour son atmosphère mélancolique et oppressante. Le drame intime vécu par Victorine, sa solitude, nous plonge dans l’art sous-estimé du jeu vidéo. Un art subtil qui n’hésite pas à aborder des enjeux de société sous l’angle du divertissement. Les femmes, n’ont pas hésité à s’en servir pour défendre leur condition.

 

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Un féminisme singulier

Diyke

Dans la même veine, le jeu vidéo Dykie Street sorti en avril 2018 lance son grand coup de gueule contre l’intolérance. Vous incarnez Dykie (« dyke » signifie « gouine » en anglais), un petit personnage mauve volontairement androgyne. Malheureusement, le sentier est semé d’embûches.

 

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Votre mission est de détourner les tags sexistes et publicités homophobes que vous rencontrerez sur votre chemin. « PD » devient ainsi « Fière d’être PD », « Pute » se transforme en « Pute si je veux« . Le jeu a été créé par deux militantes des mouvements féministe et queer comme une réponse créative et décalée à un problème majeur de société.

 

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Un féminisme agressif

Dans un style beaucoup plus violent Hey Baby s’attaque au harcèlement de rue. Vous entrez dans le corps d’une jeune-femme en possession d’une mitrailleuse. Vous vous retrouvez cernée par des gros lourds qui vous balancent du simple « Salut beauté » au très délicat « Je vais te lécher ». Il ne faut pas être un fin stratège pour gagner, une bonne dose de « ras le bol » suffit à transformer le jeu en bain de sang.

 

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Les amoureux de crimes gratuits à la Grand Theft Auto se délecteront. Il faut pourtant admettre que le traitement réservé aux harceleurs laisse songeur par sa… légère disproportion.

 

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Un féminisme décomplexé

Molleindustria

Déjà en 2003, le jeu Orgasm Simulator réalisait un petit exploit d’avant-gardisme en tentant de normaliser le discours sur l’orgasme féminin. Le jeu, dérangeant à souhait (voire carrément malaisant), consiste à simuler un orgasme en appuyant sur un bouton. Vous avez la possibilité de contrôler la puissance des gémissements afin de toujours rester dans un juste milieu. Le but est de « venir » en même temps que votre « partenaire » mais pas trop tôt (pour ne pas qu’il s’en rende compte), ni trop tard (pour ne pas venir après lui). Vous l’aurez compris, le ton est à nouveau méchamment ironique.

 

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Pour briser les non-dits, d’autres jeux plus « éducatifs » ont vu le jour. La Petite Mort propose une expérience sensorielle sur le thème de la vulve, on vous laisse découvrir. Plus pertinent encore, le site Internet omgyes.com permet, à travers des vidéos décomplexées, de découvrir les dernières études scientifiques sur ce qui donne du plaisir.

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Tags: Féminisme, Société.