Analyse : vivre séparément pour sauver son couple

A chaque retrouvailles, l’émotion est toujours présente 

José et Dorothéa, mariés depuis onze ans, ont par exemple fait ce choix de vivre séparément. Sans enfant, ces deux quadragénaires, ont toujours eu horreur des vies trop réglées. “Pour avoir déjà vécu en couple et subi l’usure du quotidien, je n’avais pas envie de revivre la même histoire lorsque j’ai connu José. Lui, c’est un artiste. Il a été très sincère dès le départ sur son besoin de solitude pour créer, chanter, sculpter…”, raconte pour commencer Dorothéa. José rebondit alors : “Moi, j’ai une peur bleue des couples qui se déchirent et en arrivent à se haïr comme dans les pièces de Strindberg… Avec Dorothea, j’ai trouvé un apaisement. L’avantage, avec deux appartements, c’est de pouvoir être seul. Lorsque la tension monte, je m’éclipse. Et puis je reviens.”

Parfois, ils passent trois jours sans se voir. Et à chaque fois qu’ils se retrouvent, les émotions sont toujours aussi fortes. “L’important, c’est d’être disponible pour l’autre. Et d’avoir toujours envie de l’autre, aussi”, rappelle Dorothéa. José acquiesce. “Un couple doit reposer sur le respect de l’autre. Surtout quand on a des rythmes de vie différents”, ajoute-t-il.

C’est délicieux de se donner rendez-vous, de s’inviter à dîner l’un chez l’autre, et de ne pas partager toutes les pesanteurs quotidiennes

Chez elle ou chez lui ? “En ce moment, c’est plutôt José qui vient. Mais il est très attaché à son appartement, bourré de livres, de sculptures, c’est son espace. Il n’a jamais été question que j’y vive… Chez moi, je tolère ses livres”, rit alors Dorothéa, qui préfère garder l’espace pas trop encombré. Et en ce qui concerne les risques d’infidélité ? Les deux répondent en choeur qu’en réalité, même quand on vit ensemble, rien n’est jamais acquis dans un couple. “Je crois même que la liberté qu’on se laisse nous lie davantage”, conclut alors Dorothéa.

Un équilibre trouvé

Natacha (48 ans) et Jacques (47 ans) ont eux aussi fait ce choix de vie. Ensemble depuis trois ans, et tous deux parents de trois enfants issus d’unions passées, ils ont trouvé leur équilibre, chacun chez soi. “Nous n’avons pas vraiment fait le choix de ne pas vivre ensemble. En fait, ça s’est plutôt installé tout seul”, raconte pour commencer Natacha. Le fait est qu’elle vit toujours avec sa fille de 18 ans et que Jacques a ses enfants une semaine sur deux. “Nous n’avons pas d’enfants ensemble, aucune urgence ne nous pousse à vivre sous le même toit. Et c’est très bien comme ça !”, poursuit-elle.

Leur relation se tisse petit à petit : en soirée en tête à tête, en voyage, en vacances en famille aussi. “C’est délicieux de se donner rendez-vous, de s’inviter à dîner l’un chez l’autre, et de ne pas partager toutes les pesanteurs quotidiennes. […] On reste, en un sens, éternels amoureux, et on redevient des ados quand on se retrouve tous les deux pour une escapade”, rajoute Jacques, enamouré.

“Pour savourer une relation de ce genre, il faut peut-être avoir dépassé des échecs. Avoir notamment connu l’impasse d’une première relation, avalé les affres d’un divorce”, poursuit Natacha. Elle, elle a quitté son premier mari au bout de quinze ans de relation. Jacques, quant à lui, a eu des enfants de deux femmes différentes. “Bien sûr, tout n’est pas tous les jours tout rose dans notre drôle de vie. Il y a des moments de frustration et d’exaspération. Mais dans l’ensemble, quand on se voit, c’est pour le meilleur. Notre luxe, c’est de ne rien projeter et de profiter de l’instant présent ensemble”, rationalise-t-elle. Chez lui ? Chez elle ? Ils négocient sans arrêt.

Une vie de famille, deux appartements  

Clara et Christophe, mariés et parents de trois enfants, ne vivent pas ensemble. Elle, 41 ans, lui, 37 ans, sont ensemble depuis huit ans. “Pas avec toi, pas sans toi. C’est ce qui résume le mieux notre couple. Avec Christophe, nous sommes liés par l’essentiel. Je ne vois pas avec qui je pourrais partager une telle complicité, une telle connivence”, débute Clara. Toutefois, quand ils sont amenés à vivre sous le même toit, c’est le clash permanent. “On peut sortir les armes dès le petit-déjeuner, à propos de tout et de rien. Peut-être que l’on se ressemble trop”, continue Christophe.

Ils ont essayé de se séparer, mais ils ne peuvent pas s’y résoudre non plus. Mais pour ce qui est de vivre sous le même toit, c’est mission impossible. “Je ne supporte pas ses coups de gueule ni ses petites maniaqueries, ni ses leçons d’éducation des enfants, avec cette façon, très nouveau père parfait, de me culpabiliser en permanence et d’appuyer là où ça fait mal. Je crois que nos névroses sont incompatibles, elles ne s’emboîtent pas. C’est sans doute pour ça, d’ailleurs, qu’elles s’attirent”, philosophe Clara.

La solution s’est donc présentée à eux : louer un studio rien que pour lui, à 300 m de chez nous. “Depuis qu’il a son lieu, Christophe vit chez lui trois ou quatre soirs par semaine. On consacre un ou deux soirs rien qu’à nous, et le week-end, on le passe à la maison avec les enfants. Depuis deux ans que ça dure, on ne s’est jamais aussi bien entendus. On ne garde que le meilleur”, conclut-elle.

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