Women on Boards : Une nouvelle directive européenne anti-plafond de verre
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Women on Boards : Une nouvelle directive européenne anti-plafond de verre

Par Marie Honnay
Temps de lecture: 5 min

La directive européenne baptisée Women on Boards, dont les eurodéputés ont débattu le 22 novembre à Strasbourg en amont de son approbation formelle, introduit des procédures de recrutement transparentes dans les entreprises afin de garantir, d'ici juillet 2026, la représentation féminine dans au moins 40% des postes d'administrateurs non exécutifs. Pour mieux comprendre les enjeux de cette nouvelle directive, Marie Claire a rencontré les eurodéputées Manon Aubry et Lara Wolters.

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Women on Boards

Présentée pour la première fois en 2012, puis gelée pendant une décennie, la proposition de la Commission européenne visant à imposer des quotas relatifs à la présence des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises cotées en bourse vient enfin d’aboutir. Jusqu’ici, au sein de l’UE, seuls 30,6% des membres des conseils d’administration sont des femmes.

On note en outre des différences significatives entre les États membres. Elles sont, par exemple, 45,3% en France contre seulement 8,5% à Chypre. En 2022, moins de 1 grande société cotée sur 10 a une femme comme présidente ou PDG. Depuis 2011, les pays comme la Belgique, la France ou encore l’Italie ont instauré des quotas en la matière. Conséquence : c’est évidemment mieux qu’avant. En Belgique, on est passé d’une représentation de 10% de femmes dans les CA des grandes entreprises en 2008 à 34% en 2021. Toutefois, selon l’expression consacrée, on « peut encore mieux faire ».

En 2022, moins de 1 grande société cotée sur 10 a une femme comme présidente ou PDG

Désormais, si elles ne veulent pas être soumises à des sanctions, les entreprises européennes qui n’atteignent pas le cap des 40% de représentation dans les postes d’administrateurs non exécutifs (ou 33% des postes d’administrateur) devront prendre des mesures pour renforcer la présence des femmes à leur tête. L’objectif de la directive baptisée Women on Boards : introduire dans les entreprises des procédures de recrutement transparentes. En vertu des nouvelles règles, les États membres devront, dans un délai de deux ans, introduire des sanctions dissuasives et proportionnées, comme par exemple des amendes pour les entreprises qui ne respectent pas les procédures de nomination ouvertes et transparentes.

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Une jolie avancée, mais…

Alors qu’on a souvent, à tort, tendance à penser que les grandes avancées féministes ont été menées par les générations précédentes, comment expliquer qu’il faille encore passer par de telles directives contraignantes ? Pour l’eurodéputée de 32 ans Manon Aubry, la réponse est claire : « il faut s’ôter de la tête que tous les combats féministes ont été gagnés. Au sein de l’Union européenne, on constate un écart salarial hommes/femmes équivalent à 36,7% », précise la militante française. « Quand on débute en politique en tant que femme, on doit être préparée à encaisser de vrais actes de violence, Avant de rejoindre les listes de la France Insoumise, je venais du milieu associatif. La politique n’est pas ma vocation première. J’avais des craintes, bien entendu, mais je sentais que, si je voulais faire avancer les choses, je n’avais pas d’autre solution. »

manon aubry women on boards

L’eurodéputée française Manon Aubry.

Pour Manon Aubry, cette directive met le doigt sur un système défaillant. « Le parcours professionnel des femmes est semé d’obstacles. Les grossesses sont un premier facteur bloquant, tout comme le virilisme qui continue à faire loi dans le monde de l’entreprise. Depuis toujours, les hommes se promeuvent entre eux. N’oublions pas que si la directive dont nous parlons est extrêmement significative, les femmes concernées ne constituent que 0,01% des travailleuses. On parle donc d’une élite dirigeante. Mais quid des autres ? C’est-à-dire de ces travailleurs qui reçoivent le salaire minimum : deux-tiers sont des femmes. Pendant la crise du COVID-19, on a applaudi les caissières, les aides-soignantes et les infirmières, mais depuis, on les a un peu oubliées. Or, on le sait, parmi ces femmes, 1 sur 2 est harcelée sur son lieu de travail au cours de sa carrière. Les violences psychologiques et parfois physiques sont quotidiennes. Si, malheureusement, l’Europe préfère fermer les yeux sur ces dysfonctionnements graves, en tant que femme (politique), on ne peut plus attendre. Il faut agir au plus vite. »

Il faut s’ôter de la tête que tous les combats féministes ont été gagnés

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La voix de Simone de Beauvoir

Pour l’eurodéputée socialiste néerlandaise Lara Wolters, l’une des responsables du dossier Women on Boards au Parlement européen, « les entreprises les plus performantes – tant sur le plan de l’innovation, que de la productivité et de la créativité – sont celles qui ont les conseils d’administration les plus diversifiés. Leur perspective s’élargit et leur culture d’entreprise change dans un sens positif. À ce stade, aucune recherche ne s’est encore réellement penchée sur l’impact clair d’un management féminin sur le plan social. Avant de pouvoir mesurer avec exactitude les avancées rendues possibles par ces nouveaux quotas, il faudra encore un peu de temps.

Mais au-delà des chiffres attestant de la progression purement « business » résultant de la féminisation des postes de direction, on ne peut que constater, à contrario, les nombreuses aberrations obtenues par les entreprises comme Twitter dont les comités de direction restent, à ce jour, majoritairement masculins. Si nous avons axé cette directive sur les entreprises cotées en bourse, c’est que nous savons que les décisions qu’elles prennent – bonnes ou mauvaises – ont un impact considérable sur la société. Qu’il s’agisse d’avancées dans le registre social ou environnemental, l’avenir nous montrera, j’en suis convaincue, que les femmes ont un rôle déterminant à jouer dans les processus de changement », précise Lara Wolters.

Lara Wolters women on boards

L’eurodéputée socialiste néerlandaise Lara Wolters.

Mais, on s’en doute, ces mesures contraignantes ne seront pas suffisantes. Pour réaliser de véritables avancées, il faudra encore que la société s’organise. « Cette directive n’est qu’une partie d’un grand puzzle. Pour que les choses changent à tous les niveaux de la société, nous devons disposer de systèmes de garde d’enfants de qualité et encore plus accessibles. Il faut aussi allonger les congés de paternité et combattre les discriminations à l’embauche dans certains secteurs. Celui de la distribution est l’un des plus critiques dans sa gestion des ressources humaines. Ce devoir de vigilance qui consiste à remettre les droits humains au cœur des préoccupations des entreprises sera d’ailleurs, dans les mois à venir, l’un de mes principales préoccupations. »

Pour réaliser de véritables avancées, il faudra encore que la société s’organise

Pour Manon Aubry, chaque femme, qu’elle soit ou non impliquée en politique, a un rôle à jouer dans ce combat féministe. « La plupart des grandes révolutions sont initiées par les femmes. On le voit actuellement en Iran, mais si on veut que les choses changent durablement, il est essentiel de sortir de ce cercle strictement féministe. Les hommes doivent, eux aussi, se montrer solidaires de ce combat et opérer les changements qui s’imposent. Il ne faut pas non plus oublier que les combats qu’on pensait gagnés ne sont jamais acquis définitivement. Pensez au droit à l’IVG, par exemple, qui est actuellement remis en cause dans des pays comme l’Italie ou la Hongrie. J’aime me souvenir d’une phrase de Simone de Beauvoir que toutes les femmes devraient garder à l’esprit : « il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilantes. »

 

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Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.