Révocation du droit à l’IVG aux USA : ce qui va changer pour les femmes
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Révocation du droit à l’IVG aux USA : ce qui va changer pour les femmes

Par Irène Sulmont
Temps de lecture: 4 min

Vendredi 24 juin, la Cour suprême a annulé l'arrêt Roe v. Wade garantissant l'accès à l'IVG dans tout le pays. Les 50 États américains peuvent donc décider d'interdire ou d'autoriser l'avortement sur leur sol. On estime que la moitié d'entre eux va revenir à la situation d'avant 1973. Accroissement des inégalités, violation du droit des femmes à disposer de leurs corps et crise de santé publique majeure... O&n vous dresse une liste (non-exhaustive) de ce qui va changer pour plusieurs milliers de femmes.

De Michelle Obama affirmant avoir « le coeur brisé par la nouvelle » sur Twitter à Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui affirme que « la décision d’aujourd’hui éloigne les États-Unis d’une tendance progressiste… » des milliers d’Américaines sont bouleversées par cette catastrophe. Pour mieux comprendre le tournant historique opéré outre-atlantique, voici ce qu’il faut retenir de cette sombre nouvelle.

Une nette hausse du prix de la contraception d’urgence

Suite à la décision prise par les juges de la Cour suprême de révoquer le droit à l’avortement, le prix de la pilule du lendemain a vivement augmenté aux États-Unis. Cette pilule s’ancre dans la contraception d’urgence. En effet, elle permet d’éviter une grossesse si elle est prise jusqu’à trois jours après un rapport non ou mal protégé. À peine quelques heures après l’annonce de l’annulation de l’IVG au niveau fédéral, plusieurs sites qui proposent des pilules du lendemain se sont retrouvés en rupture de stock.
Le coût de cette pilule du lendemain, disponible sans ordonnance, varie entre 10 et 50$. Quelques temps après l’annonce de cette mesure, seule celle vendue à 47$ était encore disponible. C’est une conséquence concrète et inégale pour les femmes en situation de précarité financière qui ne pourront pas se permettre de dépenser une telle somme.

 

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Une mesure qui pénalise les plus précaires

Dans un premier temps, l’absence de choix face à une maternité non choisie cause des dégâts économiques. Un enfant non désiré appauvrit les femmes concernées (jeunes et pauvres).
Par ailleurs, les femmes qui veulent recourir à l’IVG sont souvent dans une situation financière précaire. Pour les femmes vivant dans les États où les législations interdisent l’avortement, il existe la solution de se rendre dans l’État le plus proche où cet acte médical est légal. En effet, multiples États, dont la Californie, renforcent le droit à l’avortement sur leur sol pour le protéger.
Comment cela se traduit-il ? Pour les Américaines, cela engendre une massification des distances à parcourir pour accéder à une prise en charge légale. À titre d’exemple, en Arizona, État voisin de la Californie, la distance passerait à plus de 400 kilomètres… Pour pallier à cela, certaines organisations aident les femmes en situation de précarité : aide financière pour les billets d’avion, essence, hôtel ou garde d’enfants.

 

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Un recul historique pour le droit des femmes

D’après le Guttmacher Institute, jusqu’à 58 % des Américaines en âge de procréer (environ 40 millions de femmes) vivent dans un État qui pourrait les priver de ce droit, ou le limiter massivement.
Pour Amnesty International, l’accès à des avortements sûrs est un droit fondamental. C’est à dire ? Chacun.e a droit à la vie, à la santé, à ne pas subir de violences ou de discrimination. Les décisions relatives au corps de chacun.e appartiennent à chacun.e. C’est le concept d’autonomie corporelle. Imposer de poursuivre une grossesse non désirée ou imposer un avortement dans des conditions dangereuses est une atteinte aux droits humains.
En modifiant la législation, la Cour suprême fait le choix d’accentuer les inégalités entre les genres. En effet, il s’agit d’une protection et d’un respect des droits humains des femmes et des jeunes filles. Les lois relatives à l’avortement respectent, protègent et mettent en œuvre les droits humains des personnes enceintes. Enfin, ils évitent aux femmes de se faire avorter dans des conditions dangereuses.

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Une mesure qui pénalise les minorités ethniques discriminées

Selon le Guttmacher Institute, 862 320 IVG ont été pratiquées en milieu médical aux États-Unis en 2017. Avant 1973, les taux de grossesses précoces étaient plus élevés et la mortalité en couche des Afro-Américaines également. Il faut savoir que trois quarts concernent des Américaines pauvres qui sont membres des minorités ethniques.
À titre d’exemple, dans l’Etat du Mississipi, 80% des femmes qui se font avorter sont issues de minorités ethniques selon le site ABC NewsPourquoi ? Les accès aux soins de santé et à un moyen contraception sont limités pour ces catégories. Par ailleurs, les institutions publiques de ces États, l’école notamment, l’éducation sexuelle est insuffisante.

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Une grave crise de santé publique

Avant 1973, nombreuses femmes confrontées à une grossesse non désirée avaient recours à des techniques massivement dangereuses (aiguilles à tricoter, cintres en fer ou tout autre objet assez long pour atteindre l’utérus). Selon Amnesty International, mettre fin à une grossesse est une décision courante que prennent des millions de personnes.
En effet, chaque année, à travers le monde, un quart des grossesses se terminent par un avortement. S’il est possible de commander sur Internet des pilules abortives (efficaces jusqu’à dix semaines de grossesse) ou d’en acheter au Mexique, les associations pro-choix pensent que des femmes ignorent leur existence.

 

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Tags: Avortement, Usa.