Voyager sans enfants : pourquoi les séjours « Adults Only » séduisent de plus en plus ?
© Pexels - Rachel Claire

Voyager sans enfants : pourquoi les séjours « Adults Only » séduisent de plus en plus ?

Temps de lecture: 7 min

La tendance cartonne. À nouveau très prisés cet été, les séjours sans enfants ont plus que jamais la cote et confirment le besoin viscéral de calme, quels que soient l’âge, la génération et le genre. Nécessité de se ressourcer, gage de tranquillité ou envie d’une charge mentale a minima, la formule séduit de plus en plus de Belges, parents ou non.

/

C’est une grande première. Mi-juillet, Flavie et Brice partent quinze jours aux Seychelles sans Fleur, 6 ans et Eugène, un an et demi. Un besoin profond ressenti par le couple qui a opté pour un hôtel « adults only », réservé aux plus de 18 ans. « Le calme, c’est le grand luxe de ce séjour. La possibilité, enfin, de passer du temps à deux, mais aussi de s’autoriser à écouter ses envies individuelles, sur lesquelles on met un couvercle la majorité du temps. On adore être avec les enfants, mais se retrouver à huis clos est essentiel pour notre équilibre amoureux », explique Flavie, 37 ans, stratège en marketing digital. Brice, son compagnon, parle carrément d’une « soupape nécessaire pour éviter le burn out parental ».

Une décision qui n’étonne pas Léa Lambrot, psychologue au CentreMergences d’Ixelles, qui confirme l’importance de s’octroyer des pauses, si le besoin s’en fait ressentir. « Elles sont salutaires, à la fois pour la santé mentale et physique. Fonder une famille ne se résume pas au statut de parent et ne doit pas éclipser le binôme que l’on forme avec sa moitié, ni sa propre personne. Être à l’écoute de son couple, mais aussi de soi-même, est une valeur ajoutée importante dans la qualité de vie et le bien-être.

Le marketing l’a bien compris, en surfant sur ce besoin vital de souffl­er et en déclinant ces ores de séjour sans enfants, tendance dont s’emparent également des restaurants ou des compagnies aériennes, notamment », précise la spécialiste.

Pourtant, malgré la demande grandissante du public pour ce type de formules, le concept ne fait pas toujours l’unanimité. « Mère indigne, parents égoïstes, citadins stressés dépassés par leur rôle de père et de mère, mon entourage n’est pas toujours tendre avec notre de choix d’une semaine annuelle sans enfants, en dehors des vacances scolaires », confie Léna, 33 ans, maman de jumeaux de 2 ans et demi.

« C’est le cadeau que l’on se fait depuis la naissance de Thiago et Lya, pour que notre duo reste aussi important que notre quatuor. Cela permet de garder une parenthèse d’insouciance, de faire la fête, de ne pas devoir supporter les enfants des autres, de ne pas avoir d’horaire pendant huit jours. Ma mère dit que je dois accepter de grandir et qu’avoir des enfants exige de la constance et de la rigueur… Or, Thiago et Lya sont, je pense, bien plus heureux d’avoir des parents épanouis que frustrés par un trop plein de contraintes », ajoute cette coache sportive bien décidée à inspirer d’autres parents pour que les mentalités évoluent.

Une coupure bénéfique pour toute la famille

Des réactions qui traduisent souvent la façon dont chacun projette lui-même son statut de parent, selon Léa Lambrot. « Cela renvoie à nos propres angoisses, mais aussi à nos fantasmes de perfection », explique la psychologue. « Face à des parents qui osent s’offrir une pause sans enfants, d’autres, même inconsciemment, envient cette audace qu’ils n’ont pas nécessairement.

Car il faut en effet s’affranchir de certaines injonctions sociétales, encore très fortes et parfois très genrées, qui consistent à véhiculer le stéréotype qu’être parent, c’est être là pour ses enfants. Les confier à d’autres le temps des vacances reste mal vu par certains. Pourtant, si c’est un projet bien cadré et encadré, il est bénéfique pour tout le monde : pour les enfants aussi, couper le cordon pendant plusieurs jours peut faire beaucoup de bien.

« Faire famille » ne signifie pas être toujours tous ensemble, il en va de la qualité de l’épanouissement personnel de chacun, notamment », complète la psy. Un besoin de déconnecter qui n’est d’ailleurs pas réservé aux seuls parents.

C’est le cas de Nelly, 67 ans, divorcée, mère de deux filles et grand-mère de trois petits-enfants. « Je suis une fan des séjours « adults only » depuis dix ans. J’adore les enfants, qu’ils soient bébés ou ados, mais surtout pas en vacances. La piscine est une épreuve, sans parler des repas. Il ne s’agit pas d’égoïsme, mais de bien-être. Quant à mes petits-enfants, pas question de jouer la baby sitter en vacances. La vie ne s’arrête pas quand on devient grand-parent. Je voyage, je sors beaucoup, j’ai une vie sentimentale… autant je suis disponible pour eux le reste de l’année, mais pas en vacances », se félicite cette prof de français à la retraite.

Idem pour Agnès et Guy, 71 et 73 ans, grands-parents depuis 5 ans. « Nous encourageons d’ailleurs notre fils unique à partir seul avec sa femme. C’est la clé pour préserver son couple : avoir des moments à deux, au calme, se concentrer à 100 % sur soi-même et sur le lien amoureux. »

S’affranchir des stéréotypes pour un épanouissement familial

Si ce genre de soupape semble faire plus que jamais sens aux yeux de beaucoup, il traduit notamment une redéfinition de la parentalité en évolution constante. « Il n’existe plus de famille type, que l’on soit parents avec enfants, parents séparés, couple recomposé une ou plusieurs fois, avec ou sans enfants de partenaires différents, en mode monoparental…le nombre de configurations est incalculable. La morale a longtemps freiné – et freine encore – certains parents, qu’ils soient ensemble ou séparés.

Mais aujourd’hui, il devient plus banal de partir sans ses enfants, comme sans ses parents, d’ailleurs. Les mentalités, comme les carcans, évoluent, sans compter les notions de qualité de vie et de quête de sens. Chacun s’autorise plus spontanément à penser à lui et à ce qui est bien pour lui. La notion de culpabilité, elle aussi, évolue. Dans les années 60, il n’est pas certain qu’une maman qui élevait seule son enfant aurait osé partir en solo en vacances, par exemple. Pour moi, le message est clair : si le besoin s’en fait ressentir et que ce n’est pas perçu comme un abandon par un enfant, s’offrir une parenthèse en mode « adults only » peut être une alternative réellement bienfaisante, tant sur le plan de l’individu, du couple que de la famille.

“La notion de culpabilité,
elle aussi, évolue. Dans
les années 60, il n’est pas
certain qu’une maman
qui élevait seule son
enfant aurait osé partir
en solo en vacances, par
exemple.”
Léa Lambrot, psychologue

A contrario, il ne faut pas que cela devienne uniquement une mode ou pire, une injonction : tous les parents ne ressentent pas ce besoin de souffler quelques jours sans leur tribu, et c’est très bien aussi, l’essentiel est surtout d’écouter ses besoins profonds », ajoute Léa Lambrot, qui rappelle que la démarche est tout aussi bénéfique chez des célibataires ou des couples sans enfants, qui souhaitent ou non en avoir ou n’en ont jamais eu.

C’est le cas de Yoann, 29 ans, qui part avec des amis qui comme lui, « ne se sentent pas encore dans le mood de se caser et qui n’ont aucune envie de se retrouver dans un resort bourré de familles ». Idem pour Max et Mylène, 31 et 33 ans, qui espèrent préserver des vacances à deux même s’ils ont un bébé un jour, ou encore de Françoise, 55 ans : « Mon compagnon et moi n’avons pas fondé de famille, nous partons chaque année en vacances « adults only » pour privilégier des séjours calmes et apaisants, nécessaires à recharger nos batteries ».

La demande croissante pour les séjours « Adults Only » dans le tourisme

Une formule qui cartonne, quel que soit le public, et qui n’est pas si nouvelle, comme le rappelle notamment Sébastien Portes, Vice-Président du Club Med pour le Benelux, l’Allemagne et la Suisse. « Le Club Med a été pionnier des resorts « Adults Only », dès sa création en 1950 et est resté prioritairement destiné aux adultes fans de sport et de grandes sensations jusqu’aux années 80. Nous nous sommes diversifiés dans les familles dans les années 90 ». Aujourd’hui, si la part des séjours « Adults Only » y représente 56 % des demandes, Sébastien Portes constate que parmi ces formules entre adultes, qui ont la cote aussi bien chez les couples que chez les célibataires, la tendance des trêves entre amis est en train de connaître une véritable explosion.

« Toutes générations confondues, toutes très attirées par des vacances en groupe. Des voyages en bande, sans enfants, autour d’un thème, avec un boom pour le padel, notamment, mais aussi le cyclisme sur route ou le yoga, par exemple. Nos clients y recherchent l’esprit de liberté, une certaine insouciance, zéro contrainte, une tranquillité hors pair dans un contexte très haut de gamme. Et dans nos resorts familiaux, là aussi, on prévoit des espaces « Adults Only », pour que les parents venus en famille puissent se ménager des temps pour eux.

Cette demande grandissante, au Club comme chez nos concurrents, est également un baromètre qui en dit long sur la société dans laquelle on vit et le besoin de se libérer de la charge mentale, qui devient de plus en plus importante, tant sur le plan individuel que collectif, et aussi bien dans la sphère professionnelle que mentale. Qui que l’on soit, quels que soient les générations, le genre et les métiers, souffler est devenu encore plus vital, et la pandémie n’est pas étrangère à ce besoin de soupape », constate Sébastien Portes.

Hélène, 42 ans, mère en solo, en est convaincue. Elle part trois semaines en Thaïlande sans sa fille, inscrite à des stages. « C’est la première fois que je serai sans maman, mais ça va nous faire du bien, une longue période sans prise de tête ! », sourit Manon, 9 ans. La vérité sort de la bouche des enfants…

 

Si le sujet vous intéresse, lisez aussi : Déclin de la fertilité : allons-nous vers le baby crash ?, Pourquoi vous devriez organiser des « micro dates » pour faire durer votre couple ou encore L’été, la saison idéale pour une libido au beau fixe ?

Aurélia Dejond Voir ses articles >

Épicurieuse de nature, tête chercheuse en tous genres, shoes et books addict, collectionneuse des pancartes « Ne pas déranger ». Toujours à l’affût d’adresses décalées, de concepts atypiques et de rencontres inspirantes.

Tags: Voyage.