Vous dites n’avoir jamais subi d’injustices liée à votre genre, mais qu’en écrivant ce spectacle, vous avez été effarée par les inégalités homme/femme.
J’avais fait un travail sur le code de la famille marocaine, la charia. En lisant sur l’histoire du droit des femmes, je me suis rendu compte que la situation était resté pareille! Il est effarant de voir encore des écarts de salaires entre homme et femme au 21ème siècle. Tout aussi effarant, quand on regarde les chiffres, de réaliser qu’entre 1985 et aujourd’hui, les hommes ont progressé de trois minutes par jour dans le partage des tâches ménagères! À ce rythme d’évolution, on sera tous égaux en 5050!
Votre regard a changé?
J’ai réalisé que si on se détache de la bigoterie, la situation est identique depuis la nuit des temps! Cela arrange beaucoup de personnes que la femme se trouve à la maison. Je l’appelle la femme Pénélope: elle tricote et s’occupe en attendant sagement que son mari rentre à la maison. Une situation ‘classique’. Comme si les femmes aimaient faire les carreaux. C’est devenu une charge ‘normale’. Quant à l’homme, il est habitué à avoir un marteau entre les mains. Ces rôles arrangent tout le monde! Sauf qu’avant, l’homme avait plus de charges: il devait notamment protéger sa famille. On n’est plus du tout là-dedans, mais on a gardé la tradition de l’histoire ancestrale. Cela dit, ce sont souvent les femmes qui élèvent les garçons. Il faut les élever autrement. Sans différence des genres, en ayant à l’œil le souci de la parité.
D’ailleurs, pourquoi est-ce toujours aux femmes qu’on offre de l’électro-ménager?
J’ai vu pas mal d’émissions sur France culture expliquant qu’il fallait changer notre façon de parler, de dire, d’agir. Pourquoi quand un père vient récupérer son enfant à l’école, on signale que le courrier est ‘pour madame’? Parce que dans l’inconscient collectif, c’est elle qui gère les gosses. Pareil en société, si un enfant pleure et que c’est un homme qui va le consoler, la femme sera déconsidérée. C’est une attitude qu’on a prise. Heureusement, aujourd’hui, la parole se libère. Ces dernières semaines, cela n’arrête plus, et c’est génial! Il y a aussi un enjeu pour l’homme: celui de reprendre sa place. Il est important, dans ce nouveau discours, de le réintégrer et l’aider à y participer. C’est un bel enjeu qui se joue en ce moment.
Pourtant cela effraie pas mal de gens…
On ne doit pas avoir peur de ce qui se passe. À l’inverse, on doit encourager cela, s’en féliciter, c’est positif. Il y a une prise de parole qu’il n’y avait pas avant. Surtout en France, où certains sont un peu réac’ et rétrogrades. Avec des gens comme Hanouna, on avait l’impression qu’il n’y avait plus de respect, ni d’éthique. Cette notion d’éthique est fondamentale à repenser dans l’éducation.
C’est quoi être féministe pour vous aujourd’hui?
C’est rappeler que les femmes sont mises sur le côté. Et que nous sommes obligé.e.s de le rappeler jusqu’à ce qu’elles comptent!
Nous avons créé un collectif, ‘Fuck La Vaisselle’ qui a pour volonté de créer un lien entre les femmes d’ici et les femmes d’ailleurs qui n’ont même pas droit à la parole. Il suffit de voir les femmes en Arabie Saoudite qui viennent d’obtenir le droit de conduire! La servitude dans laquelle les femmes sont mises sert à un programme politique. Cela n’a rien à voir avec la religion musulmane! Ces femmes là sont infantilisées et ne deviennent jamais adultes. Rappelons que le premier article de la déclaration universelle des droits de l’homme est que chaque être humain à le droit d’être égal dans son identité. Il est inadmissible que l’on puisse laisser passer cela. Il faut une libération de la parole internationale.
L’humour est-il une façon douce de faire passer des messages chocs?
Il y a plein de combats dans mes spectacles. Je suis humaniste avant d’être féministe. J’aime cette notion plus englobante d’égalité. L’humour est mon outil. Je ne veux pas me soustraire aux féministes, très engagées qui sont formidables, dont c’est le combat d’une vie.
Vous interprétez plusieurs personnages, quel est celui qui vous touche le plus?
Tous mes personnages me plaisent. Le fil conducteur, c’est Stéphanie Jacques. Un personnage un peu ringard qui fait des soirées tupperwife surnommées ‘Quiche Toujours’. Ce personnage me touche parce que c’est une nana un peu paumée, un peu ringarde, avec une robe à fleurs, pas très sophistiquée, dont on aurait envie de se moquer. Mais elle crée beaucoup d’empathie, parce qu’avec beaucoup de bonhommie très premier degré, elle balance!
Et l’autre personnage clé?
C’est Mamie Georgette. Elle dialogue avec les gens et leur distribue des morceaux de quiche en début de spectacle. Grâce à elle, on peut voir la situation des femmes Belges dans les année 50-60-70: depuis que son mari est mort, elle a pu récupérer la carte de banque… « Est-ce qu’il y a une vie après la mort? Moi, je dis oui! » s’exclame-t-elle. Plus le public est mixte, mieux c’est. Il y a pas mal de situations difficiles qui sont évoquées, mais les gens rient énormément. J’avais envie que tout le monde se marre… pour pouvoir emporter des choses à la maison! Idem avec le collectif: le but est de créer un questionnement, entamer le dialogue pour qu’il y ait une vraie réflexion.
En pratique
Quand? Les 24 et 25 novembre
Où? Au Théâtre Saint Michel
Plus d’infos pour d’autres dates et un intérêt pour le matériel pédagogique? www.zidani.be
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