Ultime reconnaissance, le film Anatomie d’une chute vient de décrocher la statuette du meilleur scénario original aux Oscars 2024.
C’est l’histoire d’une chute. Mais de quelle chute s’agit-il ? Celle d’un homme, écrivain frustré, retrouvé mort dans la neige à la suite d’une violente dégringolade – point de départ d’une enquête visant sa compagne soupçonnée de l’avoir tué ? Ou celle de ce couple dont on découvre l’intimité à travers un procès cherchant à éclaircir les circonstances du décès, et qui va révéler les failles d’un amour gangrené par l’envie et la frustration ?
Anatomie d’une chute relate la crise psychique d’une femme, l’héroïne, romancière à succès et mère d’un enfant mal voyant, victime d’un jugement moral comme judiciaire sur sa vie. Avec un sens éblouissant du suspense et de la mise en scène, Justine Triet tisse la toile qui se resserre sur son personnage principal joué par l’extraordinaire Sandra Hüller (Toni Erdmann).
On connaissait le talent de la réalisatrice à composer le portrait de femmes hors normes, comme dans Victoria et Sibyl, son diptyque ayant révélé pleinement Virginie Efira au cinéma. Ce nouvel opus offre une exploration encore plus poussée de la puissance féminine dans sa magie et ses secrets. Il met à nu la force solaire de cette héroïne jusque dans sa portée destructrice, projetant une ombre sur la vie du mari – un peu éclipsé par cette énergie de titan, cette femme bulldozer stimulée par le succès de ses romans et une vie sexuelle parallèle bien remplie.
Du thriller réaliste au film en lévitation
À travers le dispositif du procès entrecoupé de flash-back, Justine Triet bâtit une audacieuse charpente narrative où se joue, peut-être avant tout, la condamnation symbolique d’une femme qui a eu le mauvais goût de réussir sa vie et qui déroute par ses manières froides comme par son manque apparent d’empathie.
En toile de fond, le film déploie une réflexion sur la faillite des notions de vérité et de mensonge, de faute et de culpabilité, au profit d’un faisceau d’interprétations et de points de vue – au sein du tribunal où s’affrontent les excellents Swann Arlaud et Antoine Reinartz dans les habits d’avocat et de procureur.
Alors qu’il a débuté comme un thriller réaliste, le film de Justine Triet semble alors entrer en lévitation, s’armer de force poétique et philosophique, et d’un principe de croyance supplantant toute logique rationnelle à travers la voix d’un petit garçon extralucide, plus sage que tous les adultes réunis.
Anatomie d’une chute, de Justine Triet, avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner…
Cet article est paru pour la première fois sur Marie Claire France.
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