Chronique #07: Celui qui monte sur l’échelle du RAF
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Chronique #07: Celui qui monte sur l’échelle du RAF

Par Thomas D.
Temps de lecture: 4 min

Chez Marie Claire, nous avons décidé de partager avec nos lectrices le quotidien de Thomas, 39 ans, père célibataire de deux enfants et célibataire «par défaut » (c’est lui qui le dit!). Pas facile de trouver l’amour quand on a dû se séparer de la femme à qui un jour on a dit oui.

A travers ses chroniques, il nous emmène dans sa vie. On y découvre son quotidien. Ses fous-rires, ses angoisses, sa bonne humeur, ses rencontres, ses plans Q, ses galères, ses voyages et son univers professionnel. Thomas rêve d’une femme capable d’élever dans son cœur des chenilles pour en faire des papillons. Thomas rêve. Tout court.

 

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Chronique #07: Celui qui monte sur l’échelle du RAF

Je n’aime pas toujours l’idée de vieillir. L’apparition des premiers cheveux blancs, le regard des ados dans les transports en commun, le corps qui a parfois du mal à se lever, les soirées où on baille un peu plus tôt et parfois on s’endort même directement dans le sofa. Je n’aime pas trop l’âge qui avance et ce temps écoulé définitivement perdu. Et puis ces rides. Je les ai toujours trouvée très belle. Une femme de 40 ans a pour moi bien pus de charme qu’une de 20. Et ça a toujours été mon opinion. Quand j’avais 16 ans, je regardais mes voisines trentenaires en fantasmant un peu. Aujourd’hui, le regard que je porte sur ces visages un peu burinés par l’amour, les enfants, le boulot n’a pas changé. Ces courbes qui dessinent la vie laissent deviner qu’il y a eu de belles et de moins belles choses. J’aime les rides. Celles des autres, pas les miennes. Il y a quelques années, je me faisais encore régulièrement tutoyé dans les magasins en mode post étudiant trentenaire. Aujourd’hui, on me donne du Monsieur. J’attends avec impatience la proposition d’adhésion à un club de senior.

Par contre, vieillir m’a permis de développer l’échelle du RAF, et ça c’est la meilleure invention que j’ai eue ces dernières années. L’échelle du RAF, c’est l’échelle du « rien à foutre ». On a tous en nous nos seuils de tolérance aux choses. On a tous en nous la capacité ou non de prendre de la distance avec ce qui nous arrive et à dire « c’est pas grave ». Avec l’âge, je me rends compte que je relativise de plus en plus ce qui m’arrive comme si le fait d’arriver tout doucement vers la ligne d’arrivée m’amenait une forme de « je m’en foutisme ».

 

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Quand j’étais jeune, je me contentais de regarder le monde, de le contester un peu, mais j’y sautais quand même à pieds joints. Quand j’ai commencé à travailler, j’attachais beaucoup d’importance à ce que les autres allaient penser ou dire de moi. Alors, même si parfois je devais prendre un peu sur moi, je me fondais dans la masse et dans le moule de la sociabilité. J’allais à des soirées où je me forçais de sourire alors que j’aurais préféré faire du sport. Parfois je disais que j’aimais quelque chose, une musique, un film, une personne pour ne pas entrer dans des débat stériles. Ce n’était pas un manque de personnalité, c’était une convention sociale. Et puis, j’étais souvent touché par mille choses que je prenais personnellement. Depuis un an, je gravis quelques échelons du RAF. Avant quand mon m’appelait pour me dire qu’il faut « de toute urgence mettre de l’argent sur le compte commun », je m’angoissais, j’étais incapable de discuter. Et je m’exécutais car je savais que dans la cas contraire, j’aurais droit à 15 sms de rappels plus stressant les uns que les autres. Aujourd’hui, je prends le temps. Et quand mon ex-femme me tél pour me dire que « mais enfin, quoi, putain tu fais chier est ce que … » je raccroche. Mais sans aucun état d’âme. Je crois que ça la rend dingue. Et ça m’amuse. Une soirée ou un concert où je me sens bien? Déchaînement. Dans le respect de tous mais je me fous royalement de ce que les gens vont penser. Si je veux danser (et je danse très mal), je danse. Je saute, je crie. Parfois même quand on me pose une question du style « Tu sais où est le livre X? », je réponds « DTC ». Ça passe une fois sur deux. Mais tant puis, c’est moi. Echelle du RAF 7/10.

Et puis, j’ose tellement plus de choses. Il y a quelques mois, je me suis retrouvé attablé dans une brasserie bruxelloise à écrire. Mon PC devant moi, mon casque sur les oreilles. Et puis, en levant les yeux, je l’ai vue. Une jeune femme brune, cheveux courts, le nez aquilin. Et j’ai eu envie d’elle. De ses mains, que je voyais torturer un crayon. De ses yeux en moi. Je me suis levé, j’ai avancé vers elle et je lui a dit avec beaucoup de précaution et de tendresse. Je lui ai dit que j’avais envie d’elle, en m’excusant de cette envie. Elle a regardé autour d’elle pensant sûrement que c’était pari avec des copains. Mais il n’y avait personne. Je suis reparti m’assoir. Je ne l’ai plus regardée. Mais je sentais qu’elle levait la tête régulièrement. Et puis, elle m’a appelé. M’a invité à m’assoir, m’a demandé si ça marchait souvent. C’était la première fois de ma vie que je faisais cela. Je lui ai dit qu’au final, je me moquais bien de savoir si c’était dans les règles. On s’est raconté un peu. Du bout des lèvres. Et puis, elle décroché son téléphone, a appelé son amoureux et lui a dit qu’elle resterait sur Bruxelles ce soir.

Je n’aime pas toujours l’idée de vieillir. L’apparition des premiers cheveux blancs, … Mais l’âge a ceci de particulier qu’il nous permet, au final, de nous rapprocher sans cesse un peu plus de nous-mêmes.

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Charlotte Deprez Voir ses articles >

Foodie assumée, obsédée par les voyages, la photographie et la tech, toujours à l'affût de la dernière tendance Instagram qui va révolutionner le monde.

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