Sommaire
Tenir debout, de Mélissa Da Costa
« La plus grande torture est là, l’avoir sous
les yeux et me rappeler à chaque instant
ce que j’ai fait : l’avoir mis au monde pour
garder son père en vie. »
C’est passionnant, passionnel, dramatique, douloureux. On le ressent dans sa chair et dans ses tripes : avec ce nouvel opus, la romancière qui a réussi à détrôner Guillaume Musso et Marc Lévy au palmarès des auteurs les plus lus de France signe un récit qui décortique l’espoir sous toutes les coutures. Une histoire qui happe et bouleverse autant qu’elle anéantit ses héros. Un couple en miettes porté par François, qui a quitté sa femme pour une autre, et qu’un accident de la route, à quelques jours de leur emménagement, brise, au propre comme au figuré. Désormais paraplégique, entre soif de vie et désespoir, entre passion et résilience, il fait naître en nous un besoin impérieux de l’accompagner dans ce parcours abîmé dont on se demande jusqu’au bout s’il finira bien ou non. Une incroyable immersion dans l’univers flou et complexe des sentiments poussés jusqu’à leurs derniers retranchements, face à une réalité qui force à repousser les limites de l’amour toujours plus loin. Six-cents pages emportées par une plume addictive qui permet d’explorer l’âme humaine sans ménagement, quitte à ce qu’elle nous choque un peu, voire beaucoup.
Albin Michel, 22,90€
Les hommes manquent de courage, de Mathieu Palain
« Un fils. Pourquoi les hommes tiennent-ils
autant à ce qu’on leur donne des fils ?
Pas des enfants, non. Des fils. »
Il est l’auteur de la série documentaire au succès colossal, Des hommes violents, dans laquelle il allait à la rencontre d’hommes condamnés pour violences conjugales, contraints par la justice de participer à un groupe de parole. Six épisodes après lesquels le journaliste Mathieu Palain a reçu des messages en cascade, dont un mail de Jessie, qu’il a décidé de rencontrer et dont il raconte l’histoire dans ce quatrième livre. Une
littérature du réel nécessaire et qui remue, un récit social qui brise une autre forme de silence. Celle, sournoise, lourde et accablante, des secrets de familles. Quand son héroine de 45 ans, maman débordée par son ado de quinze ans, le retrouve après une énième fugue parce qu’il l’appelle au secours et lui confie ce qu’il a fait, elle décide d’ouvrir les vannes, de libérer son cœur et sa mémoire. Elle prend l’autoroute et de la vitesse, comme rassurée qu’il ne puisse pas s’échapper. L’habitacle comme huis-clos idéal à la confession, l’évitement d’un face-à-face les yeux dans les yeux, chacun fixant l’horizon, assis côte-à-côte, et des confidences que l’on lit à toute allure, emportés par celle de la voiture que conduit cette maman abîmée. Ça secoue.
L’Iconoclaste, 20,90€
Frapper l’épopée, d’Alice Zeniter
« Mais le problème était plus profond: ni
Jacques ni Marie-Jo n’avaient envie de
reconnaître, par leur présence au bout du
monde, le fait que leur fille aînée s’y était
réellement installée. »
On accueille son nouveau roman avec bonheur, car une fois encore, le fond et la forme étonnent et détonnent. Alice Zeniter, qui sonde magnifiquement les questions identitaires, campe cette fois son intrigue en Nouvelle-Calédonie, avec cette sensibilité qui fait partie intégrante de sa plume, sorte de délicatesse littéraire dont on se délecte dans chacun de ses romans, en contraste avec la force du récit, à la fois poignant, dur, profond. Tass, son héroïne, de retour à Nouméa après une rupture, y est prof de français au lycée. Fascinée par deux de ses élèves, Célestin et Pénélope, des jumeaux qui disparaissent brusquement, elle part à leur recherche, sans savoir encore que c’est sur la trace de ses propres ancêtres qu’elle se lance. Un récit magistral qui tente de faire comprendre la Nouvelle-Calédonie et les non-dits de l’histoire coloniale, et fait voler les clichés en mille morceaux sur ce paradis insulaire loin de se résumer aux plages idylliques prisées par des touristes pas toujours conscients du passé et de la difficile reconstruction identitaire de l’archipel. Une magnifique histoire qui réhabilite l’Histoire.
Flammarion, 22€
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