Paris Photo 2024 célèbre le female gaze à travers un parcours inédit
© Sabiha Çimen / Magnum Photos, Courtesy LOOCK, Berlin

Paris Photo 2024 célèbre le female gaze à travers un parcours inédit

Par Galia Loupan
Temps de lecture: 4 min

Paris Photo, l'événement incontournable dédié à la photographie, se tient chaque année dans la prestigieuse enceinte du Grand Palais, au coeur de la capitale française. Du 7 au 10 novembre 2024, les amateurs d'art photographique se réuniront pour explorer les œuvres de talents émergents et de photographes renommés du monde entier. Cette 27e édition met en lumière l'initiative Elles x Paris Photo, qui célèbre le regard unique des femmes photographes et invite les visiteurs à découvrir leur vision singulière à travers l'objectif.

À Paris Photo, l’une des plus grandes foires au monde consacrée à la photographie en tant qu’art, une initiative innovante appelée « Elles x Paris Photo » offre aux visiteurs une nouvelle façon de parcourir ce labyrinthe impressionnant d’images saisissantes et provocantes. Plus de 40 clichés signés par des femmes ont été sélectionnés pour tracer un itinéraire inédit au sein de la foire, célébrant ainsi le regard photographique féminin, ce fameux « female gaze ». Voici notre sélection issue de ce parcours, où nous avons exploré le corps et sa représentation dans toutes ses nuances.

Ces photographes femmes à ne pas manquer à Paris Photo

6 questions à Raphaëlle Stopin

Commissaire de l’exposition Elles x Paris Photo de la 27e édition de Paris Photo, directrice du Centre Photographique Rouen Normandie et ancienne directrice artistique du Festival de Hyères.

Quelles étaient vos intentions en réalisant cette sélection ?

Mon objectif était de libérer la création artistique des femmes des stéréotypes, d’aller au-delà de l’autoportrait, du militantisme ou du commentaire sur la représentation des femmes. Dans cette sélection, il y a bien sûr de nombreuses artistes de moins de 40 ans, environ un tiers, mais la majorité d’entre elles sont des artistes du 20e siècle.

Pour ce portfolio, nous avons choisi de nous concentrer sur le corps et sa représentation. Comment avez-vous perçu ce thème plus restreint ?

Ce que je trouve intéressant, c’est qu’il y a tant de codes visuels et de langages différents exposés. Tellement, en fait, que cela montre à quel point la question centrale, pour ces artistes femmes, était de vraiment créer une œuvre d’art. La question de l’esthétique n’est pas secondaire, loin de là. Et la production artistique féminine prend des formes variées et multiples, tout autant que celle des hommes.

Y a-t-il quelque chose d’intrinsèquement différent dans le regard photographique féminin ?

Les femmes étaient indéniablement plus conscientes et sensibles au fait que la photographie avait été utilisée, notamment dans les médias, comme un vecteur de représentations extrêmement objectivantes, ce qui les touchait évidemment plus que les artistes masculins. Par exemple, je vois que vous avez sélectionné Lois Conner et son travail qui questionne la représentation de la maternité, avec ces magnifiques Madones du quotidien. Voici une artiste qui propose des images alternatives, par le biais de ce même médium. C’est pourquoi la perspective historique est si nécessaire. Aujourd’hui, la question du corps est encore explorée, mais pas pour les mêmes raisons. Nous sommes passés des grandes luttes féministes contre l’imagerie commerciale de la ménagère ou la marchandisation des corps féminins. Et pourtant, l’actualité semble nous ramener en arrière. De nombreuses artistes continuent de voir le corps comme un espace politique. Par exemple, la représentation du genre, de la fluidité, qui est extrêmement actuelle, est quelque chose qui avait déjà été exploré dans le passé, mais peut-être de manière moins explicite.

Il y a quelque chose de presque agressif, radical, dans certaines de ces images…

Bien sûr ! Regardez Alina Frieske, qui produit une imagerie photographique entièrement manipulée, ou Lucile Boiron, dont le travail est purement photographique, sans aucune retouche. Il y a dans leurs œuvres une exploration de la chair, même si leurs approches sont techniquement opposées. Pour moi, les images ne penchent ni dans un sens ni dans l’autre. Au contraire, les deux ont une certaine crudité. Lucie Boiron, avec ce gigantesque bébé, a réalisé une photo qui plonge dans la chair. Il y a quelque chose d’extrêmement organique, presque essentialisé. C’est un gros plan extrême, une vue fragmentaire qui donne l’impression que la vie déborde du cadre.

Parlez-nous du corps fragmenté en photographie. Que signifie-t-il ?

Le fragment peut signifier beaucoup de choses. Alina Frieske découpe les corps. Comme elle utilise en partie des images trouvées en ligne, son travail exprime nos identités fragmentées dans le monde numérique. Ces images de nous circulent, nous ne savons pas où elles passent, ni où elles finiront ; et donc nos corps, à travers ces images, deviennent fragmentés, nos identités compromises. Pour Lore Stessel, l’impulsion créative est différente. Ce qui l’intéresse, c’est que le fragment exprime le mouvement, la performance. Bien sûr, c’est une sorte de violence de l’image de découper des parties du corps. Mais ce cadre montre un magnifique bouquet de mains : il est facile d’y projeter une image de solidarité féminine, de communauté.

Pensez-vous que les choses s’améliorent en ce qui concerne l’égalité des genres dans le monde de l’art ?

Dans ce pays, et dans bien d’autres, il y a beaucoup plus d’étudiantes en art que d’étudiants. Mais il ne faut pas oublier de regarder le passé. L’histoire de l’art, telle qu’elle est actuellement enseignée, est-elle une représentation fidèle de ce qui s’est réellement passé historiquement ? Bien sûr, les jeunes artistes doivent être encouragées et soutenues, mais il faut aussi leur montrer que la photographie artistique a une histoire, et qu’elle n’est pas seulement le domaine des hommes. Cependant, pour donner aux femmes leur juste place dans cet espace, la réévaluation de leur rôle dans cette histoire ne doit pas se faire au prix d’une simplification excessive. La recherche sur les femmes photographes se limite souvent aux photographes militantes ou aux portraitistes, c’est pourquoi je voulais me concentrer sur la recherche visuelle et l’expérimentation. Regardez Imai Hisae, son travail est vraiment remarquable. Elle a réalisé cette image dans les années 1960 – cela ressemble à ce que Smith produisait l’année dernière. Montrer cette œuvre, c’est replacer cette création dans un contexte historique visuel plus large. Regarder le siècle dernier, se demander ce que nous n’avons pas vu, et pourquoi… Cela re-complexifie le paysage, multiplie les points de vue. Il y a tellement à faire, c’est exaltant !

 

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Malvine Sevrin Voir ses articles >

Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.

Tags: Art, Exposition.