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« Je suis convaincue qu’il ne sert à rien d’essayer de contrôler sa consommation de smartphone si on n’a pas planifié, à la place, des activités qui nous nourrissent et constituent une alternative », avance Bénédicte, traductrice à Lausanne.
« Pendant les vacances, nous allons randonner avec mon compagnon. C’est un antidote merveilleux. Huit heures de marche dans des paysages magnifiques que nous avons soigneusement choisis, cela limite l’envie de sortir son téléphone. Je le fais parfois pour prendre une photo, mais de moins en moins, car j’ai l’impression de ne pas vivre pleinement ce que je photographie. J’essaie de mémoriser autrement ce que je ressens. L’an dernier, nous nous sommes arrêtés le soir dans des refuges sans réseau. L’expérience en termes de convivialité était incroyable ».
Voilà qui fait envie ! Mais comment parvenir à un tel détachement lorsqu’on est accro à son téléphone portable ? Selon la plus grande étude internationale sur nos usages, menée en 2023 par l’Université de Toronto, près d’un tiers des personnes interrogées présentait un risque élevé d’addiction, les femmes et les plus jeunes étant les plus à risque.
Résister à l’hyper-connexion
« La volonté ne suffit pas, confirme Julien Rousset, entrepreneur et coauteur de la newsletter Screenbreak, consacrée à la relation aux écrans. Nous devons composer avec nos vulnérabilités naturelles – quête du moindre effort, goût pour l’information et la nouveauté –, alors qu’en face de nous se tient une armada de plateformes aux moyens colossaux. Les neuroscientifiques qu’elles emploient n’ont qu’un seul but : ancrer leurs produits dans nos habitudes, afin de nous rendre dépendants ».
Dans un système où tout est fait pour profiter de nos failles, mieux vaut s’organiser afin de reprendre le contrôle de notre attention. Cela commence par une prise de conscience. « Beaucoup sont dans le déni, note Julien Rousset. C’est dur de s’avouer que l’on perd du temps sur un écran. On préfère se moquer des autres, on se trouve des excuses ».
Parfois, les circonstances aident à décrocher. Ce fut le cas pour Géraldine, cadre pour une ONG. « En raison de mon travail, je suis mobilisable à tout instant en cas d’urgence humanitaire, explique-t-elle. À l’annonce d’une guerre ou d’une catastrophe naturelle, je dois pouvoir déclencher un appel aux dons. Autant dire qu’il est difficile pour moi de déconnecter. Or l’été dernier, après avoir atterri à Naples pour mes vacances, je me suis rendu compte que mon abonnement téléphonique ne permettait pas l’itinérance (appels, messages, connexion à Internet, ndlr), ce qui me rendait injoignable. J’ai dû prévenir une collègue. Cette parenthèse sans épée de Damoclès au-dessus de la tête m’a fait réaliser que les vacances doivent le rester, et que mon équipe peut prendre le relais. Depuis, je n’hésite plus à désigner d’autres collaborateurs d’astreinte durant mes congés ».
Le droit à la déconnexion a beau figurer dans le Code du travail depuis 2017, ses modalités ne sont pas précisées par la loi. Un flou qui, là encore, invite à la proactivité individuelle.
« Pour les adultes, l’hyper-connexion est liée au travail, analyse Angélique Gozlan, psychologue clinicienne et docteure en psychopathologie. D’où l’importance de régler les gros dossiers avant le départ et de marquer son absence avec un message d’indisponibilité. Cette coupure est d’autant plus cruciale que c’est elle qui va permettre de se ressourcer, et donc de remplir sa base affective pour pouvoir ensuite attaquer la rentrée ».
Se déconnecter pour mieux profiter
Plutôt que de se lancer dans une « digital detox », devenue un vœu pieux dans une société où même un achat au supermarché passe par un écran, on prend du recul et on fait le tri dans ses applis avant de partir en vacances.
Chloé, consultante en prospective, a ainsi pris l’habitude de supprimer l’accès à Instagram de son téléphone deux semaines en août et une semaine à Noël. « Après ces pauses, ma créativité et ma vitalité sont au plus haut, s’enthousiasme-t-elle. Je me sens reliée à mes besoins profonds, et non à ce dont je crois avoir envie parce que je l’ai vu en ligne. Quand je retourne sur Instagram, je suis alors plus consciente de ce que je regarde. Je scrolle moins, j’interagis davantage. La coupure remet le lien social au cœur du sujet ».
À défaut de pouvoir se passer d’une plateforme, on supprime les notifications. Et pour freiner l’accès aux plus addictives, Julien Rousset recommande One Sec et Jomo, deux applications qui mesurent le temps d’écran et proposent des méthodes pour une utilisation plus consciente de son appareil.
Le choix du lieu de vacances est stratégique : plus on est entouré de nature, plus vite on oublie son téléphone. « Je pars souvent en trek plusieurs jours, avec nuit sous tente en bivouac, raconte Laurie-Anne, Parisienne de longue date. Dans ces coins-là, le réseau est nul, la déconnexion est donc facile. Surtout, la randonnée est une vraie forme de méditation. Quand on marche et qu’on est dans l’effort, on ne peut que réfléchir ou discuter, pas garder un téléphone en main. On risquerait de le faire tomber, sans compter la luminosité extérieure et le fait d’avoir les mains poisseuses de crème solaire. Le soir, on est ‘obligé’ de discuter avec les autres ! Après quelques jours à ce rythme, je me sens incroyablement apaisée, comme après un long voyage exotique ».
Angélique Gozlan abonde : « La nature nous incite à nous connecter à notre respiration, à notre vie interne. C’est un moyen de prendre soin de soi, avec un effet contemplatif. Jean-Jacques Rousseau parlait déjà beaucoup des bénéfices de la promenade : la mise en mouvement soulage du stress et favorise la rêverie ».
Vivre pleinement l’instant présent
L’envie d’être ensemble fait le reste, a remarqué Pascale.
« Quand je vais passer une semaine chez mes parents dans le Luberon, je décroche. La cause ? Les repas qui prennent du temps à l’extérieur, les discussions, les parties de pétanque… Le premier soir dans ma chambre, mon téléphone m’appelle, je le regarde, puis je n’en ai plus envie ! C’est le mélange d’une mise en disponibilité pour être avec ma famille, et d’un lâcher-prise de ma part. Je me sens bien, alignée, en terrain connu et préservée ».
Que faire quand un proche préfère consulter son téléphone plutôt que nous parler ? Cette attitude porte un nom, le « phubbing » – contraction de « phone » (téléphone) et de « snubbing » (snober).
« Souvent, le smartphone sert d’échappatoire, pointe Julien Rousset. Il n’en demeure pas moins qu’il y a une forme d’irrespect à signifier qu’ailleurs, c’est mieux qu’ici. Mais les mentalités évoluent : avant, quand je faisais une remarque à table à ce propos, j’étais le relou de service. Aujourd’hui, c’est moi que mes amis reprennent quand je consulte mon téléphone. La déconnexion devient cool ».
Reste l’épineuse question des photos. On peut revenir à un appareil compact ou réflexe, mais l’application de son téléphone est si pratique ! Plutôt que d’y renoncer, Angélique Gozlan appelle à la modération : « Inutile de prendre des millions de clichés, cela facilitera le tri en rentrant. En revanche, penser à l’album photo papier. Les enfants adorent et cela permet de revenir sur ce que l’on a vécu ».
Bénédicte, elle, a préféré le carnet de voyage. « J’ai réactivé cette passion ancienne grâce aux Urban Sketchers, une communauté qui accueille même les débutants, se félicite-t-elle. Pour moi, ce n’est pas le résultat qui compte, mais le temps que j’aurai passé à observer tel bâtiment, tel paysage. Les souvenirs de vacances s’impriment ainsi de façon pérenne, on retient les détails visuels, mais aussi l’atmosphère du lieu ».
Source : Marie Claire France.
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