Notre rencontre exclusive avec Robert Ballard, l’océanographe qui a découvert l’épave du Titanic
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Notre rencontre exclusive avec Robert Ballard, l’océanographe qui a découvert l’épave du Titanic

Temps de lecture: 6 min

À l'occasion de la réouverture du Musée Titanic de Belfast, en Irlande du Nord, nous avons eu l'occasion d'échanger en tête-à-tête avec l'illustre Dr. Robert Ballard. L'océanographe américain qui a inscrit son nom dans l'histoire en localisant l'épave du Titanic le 1er septembre 1985 nous a ouvert les portes de ses souvenirs et de ses émotions. Voici le récit envoûtant des moments qui ont marqué cette incroyable aventure.

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Au musée Titanic de Belfast, une nouvelle galerie intitulée « Ballard’s Quest » (« La Quête de Ballard ») est consacrée aux recherches incessantes menées par le Professeur Ballard pour localiser l’épave du navire, jusqu’à sa découverte en septembre 1985. Rencontre.

Quelle a été votre première réaction en découvrant l’épave du Titanic ?

Docteur Ballard : Tellement de personnes avaient essayé de la retrouver et avaient échoué… Il ne nous restait que quatre jours d’expédition, et nous commencions à craindre de rejoindre la liste des échecs précédents.. À l’université, j’étais un joueur de basket-ball, et l’un des moments les plus palpitants en match, c’est lorsque le score est à égalité, qu’il ne reste que quelques secondes à jouer, et que vous prenez le tir… au moment où le ballon est en l’air, le buzzer retentit, et le ballon atterit dans le panier. C’était une expérience très similaire. Ayant été un athlète toute ma vie, c’était comme marquer le but décisif à la dernière seconde. Comme on peut le constater dans la vidéo d’archive, nous avons tous sauté de joie. Nous étions incroyablement excités d’avoir réussi.

Cependant, à ce moment-là, quelqu’un au centre de commandement a regardé l’horloge et a annoncé que le Titanic avait sombré une vingtaine de minutes 73 ans plus tôt. Il était 2h du matin lors de notre découverte et le paquebot avait coulé à 2h20. Avec ce simple commentaire innocent, nous avons soudain pris conscience que nous étions en train de danser sur la tombe de quelqu’un. L’atmosphère est devenue lourde, et j’ai immédiatement ordonné d’arrêter le navire.

L’image la plus poignante de toutes, était celle des chaussures d’une mère à côté de celles de sa fille.

Nous sommes sortis et avons organisé une cérémonie commémorative. Et l’atmosphère est devenue solennelle à partir de ce moment. Surtout lorsque nous avons réalisé que la plupart des victimes n’avaient jamais été retrouvées en raison de l’absence de gilets de sauvetage. Elles ont sombré dans les profondeurs de l’océan, où des créatures marines se nourrissent des restes humains. À 4000 mètres de profondeur, l’eau est sous-saturée en calcium, ce qui entraîne la dissolution des os. Tout ce qui restait étaient leurs chaussures en cuir, semblant être liées à ces personnes. Et pour moi, l’image la plus poignante de toutes, était celle des chaussures d’une mère à côté de celles de sa fille. Je me suis donc promis, à moi-même et à mon collègue Jean-Louis Michel, que nous n’emporterions jamais rien.

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Pourquoi était-il si important pour vous d’être respectueux à ce sujet ?

Je me suis présenté devant les tribunaux pour annoncer que j’avais découvert l’épave du Titanic. On m’a alors expliqué qu’il existait différentes règles concernant les épaves. Par exemple, pour les navires de guerre allemands comme le cuirassé Bismarck, ils demeurent la propriété de la nation allemande. Certains navires ont toujours un propriétaire déclaré, mais pour le Titanic, la compagnie d’assurance avait indemnisé la White Star Line, puis avait effacé le navire de ses registres en tant que perte. Il était donc considéré comme une épave abandonnée. La personne qui la découvrait pouvait potentiellement en devenir propriétaire par possession.

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Les tribunaux m’ont donc dit : « Si vous retournez sur place, que vous récupérez des objets et que vous les nous rapportez, nous vous reconnaîtrons comme propriétaire du Titanic, à une condition : vous devez le retirer des profondeurs de l’océan. » Ma réponse a été que je n’avais absolument pas les moyens financiers pour remonter quoi que ce soit. Ainsi, je ne pouvais pas devenir propriétaire du Titanic. Cette situation reposait sur une ancienne loi de l’amirauté datant du 17e siècle.

Il n’y avait pas de précédents juridiques pour une telle situation. J’ai exprimé mon désaccord, mais les « récupérateurs » sont intervenus et je n’ai pas pu les arrêter. Ils détiennent toujours les objets récupérés, mais je m’y oppose totalement. Nous n’avons rien appris de ce dépouillement. Nous connaissions déjà en détail tout ce qui se trouvait à bord du Titanic. Contrairement à un site archéologique où chaque découverte peut apporter de nouvelles connaissances, dans ce cas, il n’y avait rien à apprendre de plus. J’étais donc complètement opposé à cette démarche, et je le suis toujours.

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Vous avez écrit plusieurs livres sur le Titanic, pourquoi ?

L’une des choses merveilleuses à propos de cette exposition médiatique est que je pouvais enfin dire la vérité. J’étais un officier du renseignement naval, et le Titanic était en réalité une couverture pour une mission militaire hautement classifiée. Nous avons perdu deux sous-marins pendant la guerre froide, le Thresher et le Scorpion. Le Scorpion transportait des armes nucléaires, nous ne voulions pas les laisser à découvert. J’ai réussi à convaincre le président Reagan d’approuver cette mission secrète, mais nous ne pouvions en parler à qui que ce soit. En tant qu’ancien scout et officier d’infanterie, on m’a toujours appris à dire la vérité, et cela me pesait de garder le silence jusqu’à ce que ces informations soient enfin déclassifiées. C’est donc un peu mon histoire de « coming out ». Dans mon livre, je parle également de ma dyslexie, qui est en réalité un atout, car de nouvelles recherches démontrent que les dyslexiques sont d’excellents explorateurs.

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Comment votre dyslexie est devenue une force ?

Nous avons un esprit très différent, et il est important de comprendre que la dyslexie n’est pas une maladie dont on guérit, car nous ne sommes pas malades. Nous représentons environ 20% de la population. Malheureusement, la plupart des personnes dyslexiques ressentent de la honte et préfèrent ne pas en parler.

Pour ma part, je reconnais volontiers que ma dyslexie est un cadeau à bien des égards. Quand j’étais enfant, je n’ai pas lu le livre « 20 000 lieues sous les mers », mais je suis allé le voir au cinéma. À l’âge de douze ans, après avoir vu ce film de Walt Disney, mes parents m’ont posé la question habituelle : « Que veux-tu être quand tu seras grand ? » J’ai répondu que je voulais devenir le capitaine Nemo. Et ils ne se sont pas moqués de moi. Vous ne devriez jamais rire du rêve d’un enfant, même s’il peut sembler fou. Et devinez quoi ? J’ai aujourd’hui un vaisseau qui s’appelle le Nautilus. (NDLR : le Nautilus est le sous-marin de fiction imaginé par Jules Verne pour son roman Vingt Mille Lieues sous les mers, le capitaine Nemo en est le commandant)

Les personnes dyslexiques sont malheureusement souvent stigmatisées en étant qualifiées de « stupides », mais il est primordial de leur démontrer que ce n’est pas vrai, et que nous possédons des talents uniques. En fait, je viens de rédiger une autobiographie à ce sujet, intitulée « Into the Deep« , où je partage avec fierté mon expérience.

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Comment vivez-vous le fait que votre nom soit éternellement lié à un événement historique de cette envergure ?

C’est un grand honneur, tout comme beaucoup des accomplissements que j’ai réalisés, comme la découverte du PT 109 du président Kennedy ou la découverte du Bismarck, d’avoir sa vie associée à de telles réalisations. Actuellement, je m’efforce de localiser l’avion d’Amelia Earhart. De plus, on vient de baptiser un navire en mon honneur dans la Marine, ce qui est une reconnaissance très spéciale car cela ne se produit pas fréquemment.

L’ancien président des États-Unis Thomas Jefferson avait formulé une citation que j’apprécie énormément. Il a dit : « Je crois à la chance et je m’aperçois que, plus je travaille dur, plus j’en ai. » Je crois fermement que si vous persévérez et ne renoncez pas, vous pourriez avoir la chance de voir vos efforts porter leurs fruits.

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Ce n’était pas uniquement une question de chance…

En effet, vous méritez votre chance.

C’est vrai. Pensez-vous que la nouvelle génération continuera à être aussi fascinée par l’histoire du Titanic ?

C’est presque comme si chaque génération redécouvrait le Titanic, et c’est assez drôle. Pour la génération actuelle, le Titanic n’est pas perdu. Ce qui n’était pas le cas à mon époque. Et maintenant, nous avons une génération qui ne cesse de le redécouvrir, mais pas parce qu’il est perdu, mais parce qu’il raconte une histoire incroyable.

D’autres navires, tels que le Lusitania, ont connu des tragédies similaires, avec un nombre important de décès, y compris des personnes célèbres. Cependant, le Lusitania est rarement évoqué, en partie parce qu’il a été coulé pendant la Première Guerre mondiale en tant que victime de la guerre. En revanche, le Titanic continue de captiver l’imagination, en grande partie en raison de la manière extraordinaire dont il a sombré, laissant une impression durable dans l’histoire collective.

Plus d’infos à propos du musée sur titanicbelfast.com et ireland.com.

 

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Des podiums parisiens aux dernières nouveautés skincare qui enflamment TikTok, je décrypte les tendances pour Marie Claire Belgique. Passionnée de voyage, de mode et de beauté, je partage mes coups de coeur dénichés aux quatre coins du globe. En tant que rédactrice en chef digital, j'ai également à coeur de mettre en lumière les histoires inspirantes de femmes à travers notre site et sur nos réseaux sociaux.