Sommaire
Le plus vertigineux : J’aime, de Camille Yolaine
« Ses imperfections me sautent
de plus en plus souvent au visage,
comme si le brouillard de la
fascination initiale se dissipait.
Mais au lieu de me faire
redescendre de mon obsession,
cette vérité m’y entraîne encore
plus. »
A priori, une démarche banale. Diane observe Lou à distance, comme 730.000 de ses autres « followers ». L’envie. La contemple. L’aime, d’une certaine façon. Sauf que petit à petit, l’admiration qu’elle lui porte flirte avec la jalousie, la frontière entre l’une et l’autre se floutant au fil des pages que l’on dévore en apnée, subjugué par un malaise étrange que confère le mélange du toc et de la vraie vie quand il est mal dosé. Dans ce premier roman criant de vérité, Camille Yolaine, elle-même entrepreneuse et influenceuse (500.000 abonnés) crée le buzz et livre un conte sans concession sur les coulisses des réseaux sociaux. Une fresque contemporaine sans fards qui égratigne l’apparence lisse de ces héros 2.0 dont on suit la vie au quotidien pour se donner un shot de rêve dans un quotidien pas toujours à la hauteur de ceux qui fascinent et que l’on s’approprie à coup de likes. Sauf que certains ne sont pas dupes, à l’instar de Diane qui à force de traquer la vie trop parfaite de Lou, en écorne les failles, les ratés, les fakes. Un regard cash qui apprend à observer et scruter sans filtre et gomme toute la candeur initiale qui finit en obsession. Celle de faire partie de la vie de celle qu’elle a appris à aimer autrement. Un peu. Beaucoup. À la folie.
Albin Michel, 17,90€
Le plus cynique : Une époque en or, de Titiou Lecoq
« J’ai regardé ce garçon de onze ans, en
jogging gris et sweat noir, le bout de ses
doigts rongés jusqu’au sang et j’ai réalisé
quelque chose. J’étais responsable de lui. »
Un roman très abouti de la journaliste et essayiste qui y dissèque au scalpel la vie quotidienne et domestique de ses personnages et décortique notamment la charge mentale et les violences conjugales et familiales de toutes sortes. Des sujets de prédilection pour cette féministe revendiquée, dont les questions relatives aux inégalités, notamment, traversent chacun de ses récits. Un roman engagé qui interroge sans tabou ni langue de bois le monde dans lequel on vit, une chronique de l’époque à travers la vie de son héroine, Chloé, 38 ans, mère, belle-mère et compagne de Greg, qui, comme beaucoup, a tendance à penser que sa vie manque de piment et que la routine est un vilain défaut du quotidien. Une exploration délicate de la famille sous toutes ses formes, qu’elle soit biologique ou – temporairement – choisie, de ses secrets, du rôle de la belle-mère et des traumatismes intergénérationnels que l’on trimballe malgré soi. C’est aussi le portrait brillamment dressé d’une génération éco-anxieuse, un baromètre sociétal que la romancière gère en mêlant humour et cynisme, car si les sujets semblent graves, on rit beaucoup sous la plume de celle qui scrute son époque avec audace.
L’Iconoclaste, 21,90€
Le plus poignant : Dernier bateau pour l’Amérique, de Karine Lambert
« Je veux savoir qui était cette femme dont
l’absence a toujours pris une place
immense. Comprendre enfin de quelle
substance elle était faite. Elle ne m’a pas transmis son
histoire. La famille d’Amérique a été rayée de la
carte. »
On est passionné d’emblée par cette saga familiale qui emmène sur différents continents à travers plusieurs générations. Il faut dire que les premiers mots happent et accrochent d’entrée de jeu : quand la romancière apprend la mort de sa mère, qu’elle n’a pas vue depuis vingt ans, elle décide de ne pas aller à son enterrement mais a un besoin profond de comprendre qui était celle qui ne lui a jamais dit qu’elle l’aimait, que ce soit avec ses mots, ses yeux ou ses mains. Une quête bouleversante et d’une puissance inouïe, qui la mène sur la trace de ses ancêtres. Une sorte de rendez-vous post mortem avec celle qui lui a donné la vie et dont elle tente de reconstituer le passé, à la manière d’un puzzle pour mieux connaître, cerner et comprendre une mère non aimante. L’enquête est fouillée, documentée, la plume de Karine Lambert, d’une sensibilité infinie, livre un récit libérateur, sorte d’exutoire qui interroge profondément sur les racines et la paix intérieure. Un roman terriblement apaisant et qui fait beaucoup de bien.
La Belle Étoile/Hachette fictions, 22€
Le plus instructif : La lumière du bonheur, d’Éric-Emmanuel Schmitt
« Quelle différence entre l’amour
et l’idée fixe ? Bien qu’absente des
lieux, Noura logeait en moi, régnait
partout, particulièrement dans mon
imagination puisque celle-ci recycle
les souvenirs. »
Le quatrième tome très attendu de la saga La traversée des temps, retraçant l’histoire de l’humanité. Après le déluge, la construction de la tour de Babel et l’Égypte des pharaons, on retrouve Noam, héros immortel, en pleine Grèce antique, qui l’émerveille autant que l’auteur, dans cette odyssée romanesque prévue en huit tomes. Avec lui, on s’interroge en profondeur sur ce formidable régime politique qu’est la démocratie et on en mesure d’autant plus sa préciosité, comme sa fragilité. On se délecte aussi des passages consacrés à la condition féminine, aux diktats de la beauté, aux rapports hommes-femmes et à l’orientation sexuelle, les injonctions existant depuis la nuit des temps, mais on se questionne également sur la notion de citoyenneté et les violences du monde. Éric-Emmanuel Schmitt continue son ambitieux travail de vulgarisation avec beaucoup d’érudition et de passion, en racontant l’histoire de l’humanité sous forme ludique. Six cents pages passionnantes que l’on dévore d’une traite : captivant et terriblement instructif ! La brique idéale pour les vacances.
Albin Michel, 23,90€
Le plus palpitant : Le mystère de la Maison aux Trois Ormes, de Valentin Musso
« Mais ce calme fut de courte durée. Car,
au moment précis où le concerto
s’achevait, une détonation éclata dans la
Maison aux Trois Ormes. »
On ne sait ce qui nous plaît le plus chez ce maître de l’art du rebondissement. Sa plume, ses univers campés à la perfection et qui rappellent ceux des romans d’Agatha Christie ou son don particulier pour installer et entretenir le suspense sans jamais ciller. Le nouvel et douzième opus de ce pape du thriller nous enferme avec ses personnages dans une maison de la campagne normande et nous fait entrer dans le bureau de son propriétaire, que l’on y retrouve assassiné, alors que les fenêtres et la porte sont évidemment fermés de l’intérieur. Il donnait le soir même un dîner en petit comité. Chaque invité a un alibi en béton, personne n’est entré dans la maison ou n’en est sorti…L’intrigue, redoutable, tient ses promesses jusqu’à la fin, sans que jamais l’histoire ne s’étire ou que la résolution de l’énigme paraisse évidente. Une plongée en eaux troubles dont on est incapable de se défaire avant de savoir qui est le coupable de ce meurtre à priori parfait, et qui confirme le talent du cadet de Guillaume Musso, dont le succès fulgurant n’a rien à envier à celui de son frère. Héros ambigus et complexes, polars sombres, on est happés malgré soi et on palpite jusqu’au point final !
Seuil, 21,50€
Le plus délicat : Des gens comme il faut, de Florence Chataignier
« Ces informations ne me
troublent pas, je sais tout cela, il
y a une crypte en moi dans
laquelle je conserve tout ce que
j’ai grappillé entre les lignes de
mon enfance, tout ce que mon
instinct a emmagasiné au cours
du temps. »
Parce que l’on a tous des cartons de souvenirs au fond d’un grenier ou d’un garage, on accompagne fébrilement Fleur, la narratrice, lorsqu’elle descend à la cave vider des boîtes remplies de photos, de lettres, de cartes postales et d’objets qui appartenaient à ses parents et lui permettront de gratter l’image lisse de Madeleine et Jean, « des gens bien sous tous rapports » et de réaliser à quel point sa mère a consacré sa vie à tenter de sauver les apparences. L’histoire familiale prend une toute autre allure aux yeux de cette quadra elle aussi, « bien comme il faut », qui découvre l’homosexualité refoulée de son père, la collection d’amants de sa mère et les addictions de sa sœur aînée, qui n’a jamais semblé dupe de la vraie personnalité de ses parents. Malgré la lourdeur de ces révélations, l’écriture, elle, est fine et d’une extrême délicatesse. Un récit bouleversant dont on sort en ayant la conviction que s’autoriser à être soi-même et à s’affranchir des conventions reste parfois le parcours du combattant, pourtant utile et très libérateur, dans une quête bien légitime de bonheur. Magnifique.
Le Cherche Midi, 20,90€
Le plus hypnotique : Hot milk, de Déborah Levy
« La magnifique jeune femme grecque
traverse la plage en bikini. Il y a une ombre
entre son corps et le mien. Parfois, elle
traîne des pieds dans le sable. Elle n’a
personne pour lui passer de la crème solaire
sur le dos et à qui dire ici oui non oui là. »
Sa traduction en français était attendue depuis des mois. On se régale enfin de ce roman et de l’émancipation de Sofia, jeune Anglaise de 25 ans pour qui cet été en Andalousie s’apparente à une initiation des sens et des sentiments, qui parfois vont de pair. Sous emprise d’une mère qui n’a d’autre solution de soigner une mystérieuse maladie des os dans une clinique huppée d’Espagne, la jeune femme va pourtant s’affranchir de cet huis clos estival et d’un lien quasi toxique qui la lie à sa génitrice, preuve que les rencontres peuvent parfois inspirer, libérer et nous révéler à nous-mêmes. C’est sous les traits d’Ingrid Bauer, une Allemande qui sera un déclencheur dans sa quête d’identité, que Sofia trouvera l’inspiration et le déclic pour se libérer de certains fardeaux et mieux faire connaissance avec elle-même. Une plongée au cœur des blessures familiales et du poids, conscient ou non, qu’elles engendrent, mais également une formidable ode à davantage de liberté et à oser s’affranchir des autres, des injonctions, des tabous ou de la personne que l’on croit devoir ou vouloir être. Un roman salvateur au pouvoir bienveillant et un regard très sensible sur les rapports mères-filles.
Éditions du soul-sol, 22,50€
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