À la boutique Louis Vuitton de New York, un robot Kusama, avec son bob rouge signature et son casque citrouille, peint inlassablement des pois sur la vitrine. Au-dessus du magasin des Champs-Élysées à Paris se dresse une gigantesque effigie de la célèbre artiste pop art. Des campagnes publicitaires reconnaissables à leurs pois colorés sont visibles dans les rues du monde entier.
Alors que la machine marketing visant à promouvoir le deuxième volet de la collection n’est pas encore totalement lancée, la collaboration entre la maison de couture française et l’artiste japonaise est déjà au centre de toutes les conversations. Kusama et Louis Vuitton n’en sont pas à leur première collaboration. On se souvient d’un premier opus, en 2012, lorsque Marc Jacobs était encore directeur de la création. Nicolas Ghesquière, son successeur, s’avère tout aussi fan des pois colorés de Kusama.
Pour Vuitton, ce rapprochement est une occasion unique de faire étalage de son savoir-faire. Pour cette capsule qui comprend non seulement des accessoires, mais aussi des pièces de prêt-à-porter, des chaussures et même un parfum, une technique de sérigraphie innovante permet de reproduire les coups de pinceau de Kusama sur les sacs. D’un réalisme saisissant, les hémisphères métalliques de différentes tailles, clins d’œil aux boules à facettes de Kusama présentées à la Biennale de Venise, s’affichent en 3D. La première partie de la collection se concentre sur les pois, la seconde sur son lien avec la nature, notamment avec la citrouille et les fleurs psychédéliques.
Une femme de légende
Mais qui est Yayoi Kusama ? La créatrice de créations colorées, hypnotiques et presque psychédéliques. La Japonaise est considérée comme l’une des artistes féminines vivantes les plus emblématiques de notre époque. Elle est surtout connue du grand public pour ses pois, un élément qui symbolise à la fois son envie d’égayer le monde, mais aussi de représenter la liberté ; une liberté qu’elle a, elle-même, expérimentée lorsqu’elle déménagea, très jeune, de Matsumoto, au Japon, à New York.
Voir cette publication sur Instagram
Inspirée par l’impressionnisme abstrait américain, elle s’est, dès les années 60, fait une place sur la scène avant-gardiste, tant aux États-Unis que dans le reste du monde. À l’époque, boostée par la popularité du mouvement pop art autour d’Andy Warhol, un contemporain et ami de Yayoi, New York explose. Captivée par la contre-culture hippie, Yayoi Kusama décide d’y organiser une série de happenings. Des participants nus étaient recouverts de pois aux couleurs vives. Plus tard, elle a lancé une marque de mode, un magazine et s’est distinguée dans l’art vidéo et la poésie. « Toutes les formes d’expression sont importantes. Aucune ne dépasse l’autre », dit-elle. « Dans les années 1960, l’art et la mode étaient des genres complètement différents, mais je n’ai jamais fait de distinction entre les deux. Comme l’art, la mode peut apporter inspiration et joie. Cela nous aide à lutter avec audace contre les difficultés de la vie. »
“ Tout ce que j’ai créé jusqu’à présent vient de mon âme.”
Dans les années 1970, le calme s’est installé autour de l’artiste, période au cours de laquelle elle a choisi de se faire hospitaliser dans un centre psychiatrique de Tokyo. Elle y vit toujours, et quitte encore l’institution presque tous les jours pour travailler dans son atelier. Kusama est connue pour sa manière très libre d’aborder le sujet de la santé mentale. Elle décrit l’art comme un moyen d’exprimer et de guérir ses problèmes psychiques. Surmontant diverses obsessions, elle a développé, à travers la répétition et la multiplication obsessionnelles de motifs uniques, une philosophie artistique centrée sur l’autodestruction.
Jeux de miroirs
Les œuvres les plus célèbres de l’artiste sont, sans nul doute, les Infinity Mirrored Rooms. Reflets de sa vision de l’infini ces pièces sont remplies de sphères réfléchissantes suspendues au plafond et posées au sol. Une colonne en miroir placée dans l’espace invite les visiteurs à scruter un champ infini de sphères argentées. Initié en 1965 avec une première salle, le projet s’est ensuite articulé autour de plus de vingt autres, créées sur plusieurs décennies. Ses salles miroirs sont si populaires auprès des chasseurs de selfies qu’elles ont obligé des musées tels que le Voorlinden à La Haye et la Tate Modern à Londres à prendre des mesures. La visite est désormais limitée à une minute.
Voir cette publication sur Instagram
L’artiste a aussi un faible pour les citrouilles. Elle aime la forme, la couleur et la douceur de ce légume qui lui rappelle son enfance à la campagne. Si l’œuvre originale a été récemment emportée par un typhon et donc remplacée, on peut découvrir sa grande citrouille jaune sur l’île d’art de Naoshima. Plusieurs musées ont également une copie dans leur collection.
Malgré son grand âge, l’artiste ne pense pas s’arrêter de travailler : « Je me suis battue pour créer une histoire tournée vers le futur tout en conservant une attitude résolument avant-gardiste. Quand je crée, j’y mets tout mon cœur et toute mon âme. Je ne peux pas imaginer une vie autre que celle d’artiste. »